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Après le discours du Premier ministre : Le Faso doit bouger

Publié le lundi 8 octobre 2007 à 12h47min

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Tertius Zongo

Tertius Zongo entend faire bouger le Burkina Faso et dans la bonne direction. Mais le nouveau premier ministre aura-il les coudées franches et le temps de s’exécuter ? Le fait est qu’il n’a pas livré un échéancier précis, greffé à la durée du mandat présidentiel.

Prononcé à la veille des 20 ans du pouvoir de Blaise Compaoré, ce discours traduit le souci de paraître crédible, pragmatique et déterminé. Après avoir représenté le Faso à Washington pendant une dizaine d’années, Tertius Zongo se présente sous un manteau de virginité relative. Il lui fallait convaincre par la posture et la rhétorique. Le chef du gouvernement s’est donc voulu humble. Il s’est aussi efforcé de présenter un document bien rédigé, simple et aéré, bien illustré, assorti de références chiffrées et sans exagération. En apparence, peu de choses ont été oubliées. Aux ministères et aux institutions de confirmer jour après jour qu’ils se préoccupent bien de l’intérêt des Burkinabè.

Au-delà du traditionnel catalogue de promesses d’actions, on peut se demander pourquoi avoir choisi de s’appesantir sur la prospective plutôt que de s’arrimer à la durée du mandat présidentiel ? Une feuille de route à observer annuellement aurait davantage permis aux Burkinabè et aux partenaires techniques et financiers de suivre pas à pas les actions vigoureuses à mener et leur impact sur la vie du citoyen. Surtout qu’à peine installée, la nouvelle équipe a posé des actes dignes d’encouragements : contrôle des véhicules de l’État, sanctions des fraudeurs, redéploiement des magistrats, etc. Mais cela suffira-t-il ? En matière de justice, parviendra-t-on à convaincre le justiciable que nos magistrats ne sont pas aux ordres et que la loi n’est pas faite pour les riches et les puissants ? Saura-t-on donner raison à ces familles de paysans qui ne demandent qu’à vivre de leur lopin de terre face à ces nouveaux « agro-businessmen » qui rêvent en secret de les déposséder de façon légale pour gagner encore plus d’argent en brandissant comme étendard le progrès et la productivité mais pas le profit ?

Les actes posés récemment semblent participer de la diminution du train de vie de l’État et du contrôle effectif de la gestion des biens publics. Pourvu que l’exercice se poursuive avec encore plus de vigueur et de profondeur.

À ces signes annonciateurs de changement succède donc le diagnostic sans complaisance auquel Tertius Zongo s’est livré devant les députés.

Le discours du Premier ministre intervient dans un contexte particulier : l’atmosphère est lourde au pays en raison de la prochaine commémoration du 15 Octobre qui est à la fois date de prise de pouvoir de Blaise Compaoré et date anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara. Retranchés dans leur camp respectif , les anciens camarades révolutionnaires n’en continuent pas moins de se regarder en chiens de faïence. À tout prix, il faut éviter de prêter le flanc à l’adversaire, encore moins de lui donner le sentiment d’avoir cédé un pouce du terrain. En attendant, nombreux sont les contentieux qui obstruent les voies de la république.

Il est certes courageux de reconnaître que le pays va mal. Mais le défi est là et les faits têtus : la corruption et l’affairisme ont gangrené les services publics et parapublics, le secteur privé, et pris les institutions en otage. Même les organisations de coopération bilatérale et multilatérale ont du mal à échapper aux pièges des marchés octroyés dans des conditions discutables. Il arrive parfois que les attributaires soient toujours les mêmes.

Parmi les autres grands maux qui minent le Burkina : le chômage, surtout chez les jeunes, la mauvaise répartition des fruits de la croissance, avec pour conséquences des injustices sociales, etc.. Il ya aussi ces discriminations entre genres, ces disparités criardes entre villes et villages, et surtout ces inégalités entre régions, qui engendrent de nombreuses frustrations.

Tertius Zongo et son équipe auront fort à faire car la pauvreté s’est vraiment généralisée au Faso.

Le chef du gouvernement voudrait aussi privilégier une gestion rationnelle des ressources humaines. Il faudrait pour cela s’attaquer sérieusement au népotisme et au clientélisme politique qui provoquent bien des départs et des mises à l’écart d’agents et de hauts cadres formés à coups de millions sur le budget national, sur fonds propres ou avec l’aide de la coopération bilatérale et multilatérale. Il est temps d’utiliser aux plans national et international ces personnes qui végètent pour délits d’opinions, pour des considérations politico-idélogiques alors que leurs compétences sont reconnues.

Tertius Zongo s’est engagé devant les représentants élus du peuple à lutter contre des fléaux qui affligent les Burkinabè. Il se montre confiant et résolu. La volonté de changement dans les pratiques s’amorce doucement mais elle est effective. Jusqu’à quand ? Les nombreux contentieux qui divisent les citoyens seront-ils examinés sous un angle nouveau ?

Par Tertius Zongo interposé, le pouvoir de la quatrième république voudrait-il entreprendre un nouveau départ ? Aurait-il compris que la lassitude a gagné les rangs des Burkinabè : ceux qui abusent des failles et des prérogatives du système et ceux qui en subissent les excès ?

Après avoir bu dix ans durant des eaux américaines du Potomac, et, au retour, s’être abreuvé aux sources de son Doudou natal, le tout nouveau premier ministre semble afficher une certaine sérénité. En livrant son discours au parlement, il s’est montré déterminé à affronter le cyclope. Comme Ulysse dans son odyssée. Mais disposera-t-il de la carte blanche du Chef de l’Etat et plus exactement de celle des faucons du CDP et du système ? That is the question.

Le Pays

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