LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

15 octobre 1987 -15 octobre 2007 : “Blaise Compaoré, 20 ans au pouvoir, ce n’est rien”

Publié le vendredi 5 octobre 2007 à 08h36min

PARTAGER :                          

Vingt ans après sa mort, le capitaine Thomas Sankara continue de déranger le pouvoir au Burkina Faso. Dans la peur bleue de voir la commémoration internationale qu’entend réussir la communauté internationale sankariste, soutenue à bout de bras par ceux de la maison mère, le pouvoir de Blaise Compaoré a décidé de ne pas rester les bras croisés. Il fallait faire quelque chose et les cellules de conception du parti au pouvoir se sont mises au travail. Ainsi on a jeté en pâture la jeune organisation qui a soutenue vaille que vaille la candidature de Blaise Compaoré, nous voulons parler de l’AJCBC que dirige Salif Kaboré.

Il est sorti un beau matin pour annoncer que son association connaît une mue et devient « Association des jeunes pour la construction avec Blaise Compaoré ». Elle appartient désormais à la société civile. Ce qui a fait sourire plus d’un quand on connaît le vrai sens de « société civile ».

Mais là n’est pas le problème, la nouvelle formule de l’AJCBC a décidé de marquer d’une pierre blanche les 20 ans au pouvoir de Blaise Compaoré. Pour cela, son président est revenu avec un slogan des plus arrière-gardistes qui bat de loin son autre slogan qui disait : « Nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons Blaise Compaoré ». On croyait qu’en matière de cirage on ne pouvait pas faire mieux ; et pourtant l’AJCBC a réussi le tour de force de trouver le slogan « Blaise Compaoré, 20 ans au pouvoir, ce n’est rien ».

Le « grand leader » Kim Il-Sung et le « petit père des peuples » Staline ont dû se remuer dans leur tombe croyant que le Burkina veut leur voler la vedette. Sans faire une analyse diacritique du slogan, on peut tout juste s’inquiéter que vu l’âge de Blaise Compaoré, si avec 20 ans de pouvoir, ce n’est rien, il lui sera difficile de faire mieux. L’AJCBC a ouvert le bal pour permettre aux éminences grises du CDP de jauger le terrain et de faire pièce au deuil des sankaristes.

Mais comme le CDP est une sorte d’auberge espagnole, le clanisme s’est réveillé pour contrer la primauté de l’AJCBC. On a parlé de Fédération pour toutes ces organisations pour mieux assurer la coordination des activités ; car ça volait de toutes parts ; les femmes, les tanties, les tontons, les grands cousins, les grands papa. Il a donc été décidé de fédérer toutes ces énergies.
En faisant avec, le CDP, lors de son dernier regroupement a coupé la poire en deux ; un bel épheumisme pour ne pas dire que le CDP a reculé sans honte à propos des « 20 ans d’accession de Blaise Compaoré au pouvoir ». Toute honte bue, on est passé à la célébration du « 20e anniversaire de la renaissance démocratique avec le président Blaise Compaoré ». C’est plus soft et semble plus digeste.
Ceux qui ont défendu avec plume et salive la première monture du thème se sont retrouvés gros-Jean comme devant.

Le changement de nomenclature du thème est aussi le signe qu’au sein du CDP, il y a des ambitions présidentielles réelles. Il ne faut donc pas fermer la porte en affirmant qu’il reste à Blaise Compaoré encore 40 ans de pouvoir. Les freins qu’on ronge depuis un bon moment vont craquer.
On imagine que les cercles de bonzes du CDP ont suivi avec beaucoup d’intérêt et d’attention la sortie télévisée de Blaise Compaoré sur la question de son avenir après le second mandat auquel il a droit selon la Constitution du Faso. La réponse évasive et bateau de Blaise Compaoré a dû entraîner des moues terribles dans les différentes chapelles.

Ceux qui s’attendaient à une ouverture des portes ont dû crier un vibrant « woh », car ils savent que les peaux de banane, les tacles couchés et les coups en dessous de la ceinture doivent continuer. Pour donc contrer les choses, le groupe parlementaire CDP a décidé de changer d’appellation dans son thème.

La démocratie burkinabé aurait repris vie à partir de 1987, donc cela fait 20 ans aujourd’hui et ce, grâce à Blaise Compaoré. Si ce thème est plus conciliateur et peut être avalé plus aisément par la communauté internationale, il faut reconnaître que l’on a volontairement voulu cacher le soleil avec ses mains.

Le 15 octobre 1987, lorsque Blaise Compaoré prenait le pouvoir après le massacre au Conseil de l’Entente où son prédécesseur, ami et frère le capitaine Thomas Sankara perdait la vie, on ne parlait pas de démocratie pluraliste. Il s’agissait à l’époque d’approfondir la révolution d’où le mot « Rectification » signifiant que le capitaine Thomas Sankara a dévié de la ligne révolutionnaire du CNR. Il fallait donc rectifier le tir pour permettre au train de la Révolution de se remettre sur les rails.

C’est pourquoi les déclarations tonitruantes du genre « renégat », « individu introduit dans la révolution pour mieux l’étouffer de l’intérieur » ont été abondamment déversées sur les ondes par les supporters de la Rectification. En principe, Blaise Compaoré se voulait être venu au pouvoir plus colorié « Rouge » que Thomas Sankara.

Alors ! où est-on allé chercher cette idée de renaissance démocratique à partir de 1987 ? Cela ressemble à un détournement de l’histoire politique du pays.
Sinon, c’est à partir du vote de la Constitution en 1991 que l’on peut parler de « renaissance démocratique » au Faso si tant est que la démocratie se limite à l’existence du multipartisme ; elle a donc 16 ans et non 20 ans. On comprend que c’est à contre cœur que le CDP a reculé mais tant qu’il faut y aller, il faut y aller.

La première mouture du thème est celle qui sied mieux à la circonstance, de 1987 à 2007, cela fait effectivement 20 ans que Blaise Compaoré est au pouvoir et il a droit encore à un mandat de 5 ans, le dernier admis par la Constitution actuelle. Avec le détournement historique qu’on voit actuellement, la crainte est réelle de voir la Constitution revisitée pour enlever la cale qui limite le nombre des mandats. Cela d’autant plus que les clans au sein du CDP continuent de se crêper les chignons

Kassim Kongo


Proclamation du 15 octobre 1987

Peuple burkinabè,
Militantes et militants de la révolution démocratique et populaire,
Amis du Burkina Faso,
Jeunesse militante d’Afrique !

Le Front populaire, regroupant les forces patriotiques, décide de mettre fin en ce jour 15 octobre au pouvoir autocratique de Thomas Sankara, d’arrêter le processus de restauration néo-coloniale entrepris par ce traître à la Révolution d’Août.

Souvenons-nous que déjà dans la nuit du 4 août 1983, le renégat Sankara avait dépêché un émissaire auprès des forces révolutionnaires en marche triomphale sur Ouagadougou pour les dissuader d’engager l’assaut final contre les forces réactionnaires sous prétexte que Jean-Baptiste Ouédraogo et lui étaient parvenus à un accord.
A la faveur des méandres de l’histoire, cet autocrate s’est hissé à la tête de notre Révolution pour mieux l’étouffer de l’intérieur.

Cette haute trahison s’est illustrés par le bafouement de tous les principes organisationnels, les reniements divers aux nobles objectifs de la RDP, la personnalisation du pouvoir, la vision mystique, quant aux solutions à apporter aux problèmes concrets des masses, toutes choses qui ont engendré la démobilisation au sein du peuple militant.
C’est pourquoi, aux plans économique et social, nous avons assisté à l’écroulement continu de notre système productif et à la décadence sociale. Ceci nous menait inexorablement au chaos total.

Pour arrêter cette dégénérescence de notre processus révolutionnaire et redonner espoir à notre peuple et à notre patrie, le Front populaire proclame :

Le Conseil national de la Révolution est dissout ;

L e gouvernement est dissout ;

L’organisation militaire révolutionnaire est dissoute ;

Le président du Faso et le secrétaire général national des comités de défense de la révolution et les commissaires politiques, sont démis de leurs fonctions.
Les pouvoirs révolutionnaires provinciaux (PRP) sont invités à désigner démocratiquement en leur sein un nouveau président qui aura la charge d’assumer les responsabilité généralement dévolues au haut commissaire.

Le Front populaire lance un appel à toutes les Organisations patriotiques et Organisations de jeunesse, Organisations de femmes...pour qu’elles prennent part au processus de rectification entrepris en ce jour.
Ouvriers, paysans, soldats, para-militaires, intellectuels révolutionnaires, démocrates et patriotes du Burkina Faso, le Font populaire vous invite tous à soutenir fermement l’action de rectification tant attendue par tous les révolutionnaires démocrates sincères.

Le Mouvement populaire du 15 octobre, qui entend poursuivre conséquemment la révolution d’août 1983, s’engage à respecter les engagements pris vis-à-vis des autres peuples, Etat et Organisations internationales. Le peuple militant est invité au calme et les forces de défense populaire (militaires, para-militaires et CDR) à la vigilance.
La Patrie ou la Mort, Nous Vaincrons !

Ouagadougou, le 15 octobre 1987.

Pour le Front populaire
Capitaine Blaise Compaoré.

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique