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Formation du gouvernement Tertius Zongo : "La coalition UPR s’est tiré une balle dans le pied"

Publié le jeudi 4 octobre 2007 à 08h55min

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Salvador Maurice Yaméogo

La santé du parti plus de deux ans après sa formation, ses rapports politiques avec son frère aîné, Hermann Yaméogo, les raisons de l’absence de l’UPR du gouvernement Tertius Zongo, la crise ivoirienne et la commémoration des 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré ; c’est de tout cela dont il est question dans cette interview, que nous a accordée le député Salvador Yaméogo, patron du Rassemblement des démocrates pour le Faso (RDF).

Voilà un peu plus de deux ans, vous avez porté sur les fonts baptismaux le RDF ; comment se porte le parti ?

Le RDF est toujours dans les convictions qui ont présidé à sa naissance, tant dans l’ancrage que par la feuille de route. En ce sens, il se porte bien. En revanche, notre parti, à l’instar de la majorité des formations politiques de dimension comparable, qui vivent les mêmes réalités, ne peut se soustraire, ni aux vicissitudes du combat politique, ni aux aléas des consultations électorales, qui en rythment le cours. A cet égard, la dynamique des regroupements, dans laquelle nous nous sommes tôt inscrits, semblait un des éléments de réponse. Ne pas avoir encore totalement réussi en la matière ne signifie nullement que ce but poursuivi ne sera jamais atteint. Peut-être faut-il encore donner au temps celui de faire son œuvre.

Avant sa création, vous étiez à l’ADF/RDA, dirigée par Hermann Yaméogo ; avec le recul, était-ce vraiment nécessaire de rompre avec votre frère aîné ?

Telle que formulée, votre question est ambivalente et pourrait contribuer à entretenir une confusion dommageable pour l’opinion et dont certains tirent profit. A titre de rappel, j’ai quitté l’ADF/RDA pour suivre mon aîné dans un autre combat politique, celui de ressusciter le grand parti que fut l’UNDD (version 1978). Rejeté par le RDA d’alors, le Président Maurice Yaméogo avait su trouver avec Macaire Ouédraogo et Hermann la ressource de mettre en ballottage un chef d’Etat en exercice (NDLR : le général Lamizana). Démontrant à la face du monde que, malgré le 3-Janvier, il pouvait encore peser sur l’échiquier politique du moment. Mais ça, c’est de l’histoire ancienne. Par contre, et plus près de nous, il est vrai qu’à un moment donné, j’ai estimé à l’UNDD (version 2003), que nous nous trompions de combat. N’étant pas entendu au sein de ce parti, j’ai pris mes responsabilités. L’itinéraire solitaire emprunté depuis constituait une étape nécessaire et non une fin en soi. D’autres pistes ont été explorées depuis et le seront dans un avenir proche.

Aux législatives du 6 mai 2007, vous vous êtes allié à l’UPR et avez été élu ; pourquoi n’avoir pas testé in concreto si le parti était électoralement viable, en allant seul à ce scrutin ?

Si tous les hommes n’entrent pas en politique pour les mêmes motifs ni avec les mêmes desseins, en revanche, leurs choix, notamment de positionnement sur des listes électorales, se font sur les mêmes bases, dont celle première d’une claire appréciation des forces en présence, des moyens disponibles et de l’anticipation la plus rationnelle possible (en politique) du résultat escompté. Tester la viabilité du parti dans la province, in concreto comme vous le dites, a été une option âprement discutée au sein du Bureau exécutif national, en raison tout simplement des efforts déjà engagés pour implanter le RDF et de ceux qu’il fallait nécessairement redéployer pour promouvoir l’autre baobab et un nouveau logo dans la province. (Du reste beaucoup de nos militants ont cru que le RDF n’était pas candidat). L’alternative de la coalition UPR, plus porteuse pour l’avenir, pensions-nous, l’a emporté.

Parlons de Koudougou, votre ville natale. Que représente le parti là-bas, où compétissent également de grandes formations politiques ?

Le bref rappel de ma jeune trajectoire s’inscrit dans le décor de ma ville natale. Décor planté par cette charge historico-familiale dont Koudougou est et restera empreinte. De tout temps, les formations politiques (RDA, ODP/MT, CDP, ADF/RDA, UNDD, etc.) en ont fait, pour cela, le terrain privilégié, après la capitale, de leurs joutes électorales. Mais pour répondre à votre question et sans la moindre gêne, à Koudougou commune, après deux ans, le RDF venait après le CDP, l’ADF/RDA et l’UNDD.

D’auncuns ont dit que le RDF ne représente pas grand-chose à Koudougou....

C’est un point de vue, mais à tempérer par ce qui précède car tout est relatif, vu l’ancienneté, l’implantation, les moyens et la maîtrise de la « technologie électorale » dont disposent les forces concurrentes en présence...

Revenons à l’après législatives, plus précisément à la formation du gouvernement de Tertius Zongo ; une polémique est née, semble-t-il, autour de la personne à entrer au gouvernement au titre de l’AMP (l’Alliance de la mouvance présidentielle). Qu’en a-t-il été au juste ?

Il n’y a pas eu, à ma connaissance, de polémique autour du choix, stricto sensu, d’une personne à proposer au gouvernement, au titre de la promotion de la mouvance présidentielle ou de la coalition UPR. En revanche, une inquiétude légitime des membres et militants des partis coalisés (RDF/RDM/UPD/UPR) a été fortement ressentie autour de la période du remaniement, devant l’absence de signes annonciateurs d’une possible consultation de la coalition, arrivée en troisième position avec cinq députés.

Pour être précis, on vous a accusé de grenouiller pour y entrer, alors que le député Abel Toussaint Coulibaly lorgnait aussi un strapontin....Votre vérité ?

L’entrée dans un gouvernement obéit, me semble-t-il, à des règles et à une procédure. Elle résulte de la conjonction favorable de différents paramètres, politiques, électoraux, de profil aussi des candidats. Il reste probablement d’autres considérations, qui, cela est tout à fait normal, nous échappent car relevant des seules prérogatives du chef de l’Etat et de son Premier ministre. Ma part de vérité nous concernant, ce sont les faits. Après avoir satisfait les minima pour être consultée, notre coalition s’est montrée incapable de réunir les conditions pour être associée au gouvernement du Premier ministre Tertius Zongo.

A L’issue des élections législatives, une haute autorité de ce pays, dont je tais le nom mais salue la sagesse et la perspicacité, nous a collectivement conseillé de prendre l’initiative de nous préparer à cette éventualité et surtout de nous accorder sur le choix des candidats possibles. La concertation en question n’a jamais eu lieu, pas plus que le simple débriefing à l’issue d’une rencontre d’une telle importance. Apparemment, en dépit de relances, certains ont estimé que les dés étaient déjà jetés et qu’il suffisait d’attendre. La suite de l’histoire est connue. La coalition s’est tiré une balle dans le pied et pire ne peut se retrouver pour le reconnaître et, qui sait, rebondir. Victimes de notre propre incurie, certains d’entre nous préfèrent boire la coupe jusqu’à la lie.

L’esprit du Protocole d’Accord UPR sous-tendait les positionnements des chefs de partis alliés et fondait leur devenir commun sur une concertation et un consensus permanents. Il était annonciateur d’un projet d’OPA « amicale » qu’une fusion aurait, à terme, sanctionné. L’intransigeance et la suffisance de certains ont eu raison de ce projet, faisant place à des velléités d’OPA, cette fois « hostiles » à l’effet de masquer cette bien triste réalité. Cela nous dispense désormais, au RDF, de la réserve, compréhensible, observée jusque-là. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est grand temps de tirer toutes les conséquences de cette situation, pour le devenir des partis membres de cette désormais défunte coalition UPR.

Il y a quelques mois de cela également, une autre polémique a concerné la famille du président Maurice Yaméogo au sujet du milliard que le président américain aurait donné à votre père. Tout est-il rentré dans l’ordre ?

Ce regrettable incident est clos.

Vous avez longtemps vécu en Côte d’Ivoire. Quels sont les rapports politiques que vous entretenez avec les hommes politiques ivoiriens ? Et lesquels ?

La sagesse commande que « pour savoir où l’on va, l’on sache d’où l’on vient ». Concernant la Côte d’Ivoire, je crois, sauf erreur, être le seul responsable politique burkinabè à avoir fait le voyage de « Paris » pour assister à la naissance du Rassemblement des Houphouëtistes pour le Développement et la Paix (RHDP). C’est dire que je n’oublie pas ce qui me lie à cette famille politique, fût-elle recomposée pour la circonstance, par le Président Bédié du PDCI/RDA et le Premier ministre Alassane Ouattara du RDR, ni à leur père spirituel à tous deux, Feu le Président Félix Houphouët Boigny. Cela pour les affinités politiques. J’ai également eu le privilège, avant sa fulgurante ascension, de connaître le Premier ministre Guillaume K. Soro et de le rencontrer après. Je salue son courage et sa détermination autant que je rends hommage au Premier ministre et grand frère Charles Konan Banny, pour l’engagement dont il a fait preuve. (Son frère aîné, le Ministre d’Etat Jean Konan Banny, alors maire de Yamoussoukro, y a célébré mon mariage en 1989).

J’ai eu l’honneur aussi, dans le cadre de mon passage au Gouvernement, de représenter le chef de l’Etat à quelques rencontres au Sommet, consacrées à la défunte compagnie multinationale Air Afrique, ce qui m’a valu l’opportunité de rencontrer Son Excellence le Président Laurent Gbagbo, dont il faut aujourd’hui reconnaître le grand réalisme. J’entretiens enfin des relations amicales, fraternelles mêmes avec de nombreuses personnalités, devenues ministres dans les gouvernements successifs du Président ivoirien (Marcel Amon-Tanoh, Mel Eg Théodore, Hamed Bakayoko, Patrick Achi, Aziz Thiam, etc.) que je salue et encourage toutes également, au passage. Je suis lié, enfin, par la famille, à l’épouse du Président de l’Assemblée Nationale, Mamadou Coulibaly.

Quelles sont alors vos appréciations sur les accords de Ouagadougou relatifs à la crise ivoirienne ?

L’Accord de Ouagadougou est probablement celui qui a le plus abouti depuis Marcoussis, mais certainement aussi celui de la dernière chance, parce que toutes les formules ont quasiment été épuisées avant, jusqu’à cette mise en « confrontation pacifique » directe, par le dialogue du même nom, des deux principaux protagonistes de la crise. L’attentat contre le premier Ministre Soro a, peut-être, freiné l’élan de la mise en œuvre de l’Accord, mais n’en a pas, heureusement, brisé la dynamique. Pour nous, il reste fondamentalement porteur d’espoirs pour la Côte d’Ivoire, même si, soyons réalistes, des écueils restent à surmonter. Le premier concerne l’esprit de l’Accord et la position de forces politiques, restées en marge, pourrait-on dire, « à l’insu de leur plein gré ».

Le second a trait au maintien de la cohésion de l’attelage Gbagbo/Soro, traversé par la volonté légitime « d’aller vite » et l’obligation morale, vis-à-vis de l’opinion et des mandants (RHDP), de « faire bien », afin de conserver leur confiance, leur adhésion et leur soutien total au processus. L’effectivité de l’identification, gage de la liberté et de l’équité du scrutin, et surtout sa transparence sont le nœud gordien. Toutes choses dont la pleine réalisation et la pleine garantie influent sur le calendrier et le rendement dans la mise en œuvre de l’Accord, le tout sous le regard impatient d’une communauté internationale, qui tarde à voir l’élève modèle retrouver son rang dans le concert des nations.

Un mot sur la commémoration des 20 ans de pouvoir de Blaise Compaoré.

La commémoration des 20 ans de renaissance démocratique, que l’arrivée au pouvoir du Président Blaise Compaoré a inaugurée, n’aurait dû faire l’objet d’aucune polémique, n’eût été une maladresse sémantique, vite réparée. Vue sous l’angle d’une pause, marquée pour jeter un regard rétrospectif sur le chemin parcouru, elle est normale et peut même devenir salutaire. La simple contestation de cet évènement, rendue possible parce que voulue par Blaise Compaoré, comme l’a souligné le collègue Jean Léonard Compaoré, est la preuve tangible de cette liberté d’opinion retrouvée. Qui plus est, intervenant au terme d’un cycle électoral de trois ans, cette commémoration prend une dimension toute particulière, par l’opportunité qu’elle offre de tirer de façon organisée et rationnelle les enseignements de cette dernière page de notre histoire politique récente. Il est important, voire nécessaire, que les partis politiques toutes tendances confondues s’associent, de près ou de loin, à ce débat.

A l’issue des élections présidentielle de 2005, municipales de 2006 et législatives de 2007, qui clôturaient ledit cycle, ces différents scrutins ayant confirmé la prééminence du parti majoritaire, quelques observateurs et acteurs politiques ont diagnostiqué une réelle morosité du climat politique, contrastant de façon saisissante avec l’engouement des consultations électorales, notamment de la présidentielle. L‘immense espoir suscité alors aurait laissé nombre de Burkinabè sur leur faim et fait place dans la classe politique à une certaine confusion, voire à un amalgame dans la lecture et l’interprétation de notre système partisan (Majorité/Opposition/Mouvance, etc.)

Cet état de fait, selon certains, peut hypothéquer le plein exercice de la démocratie, laquelle, depuis le renouveau démocratique à célébrer, peine à trouver un second souffle, voire des marques claires. Cette problématique pourrait être reversée au dossier de la grande rencontre d’introspection collective et de nécessaire appréciation du développement politique, économique et social de notre pays, sous la conduite, depuis deux décennies, du chef de l’Etat. Une nation doit en permanence capitaliser en termes de confrontation d’expériences, d’idées et d’analyse de sa situation et de son évolution politique, pour rechercher et trouver les orientations possibles à tout recadrage éventuel, au bénéfice d’une démocratie plus achevée, gage du renforcement de la paix sociale et de sa dynamique de développement.

Interview réalisée par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

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