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Oppositions africaines : pourquoi cet étiolement qui altère la pratique démocratique ?

Publié le lundi 1er octobre 2007 à 07h36min

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L’opposition en Afrique, sauf quelques très rares cas, est souvent l’ombre d’elle-même, enlevant par le fait toute vitalité à la démocratie. Comment en est-on arrivé là ?

On trouvera des explications dans la vie propre des partis d’opposition, comme dans l’environnement national et international.

Au niveau des partis politiques, tout est loin d’être rose. Les partis, il en a tant été créé à la pelle que les mauvais sont en passe de chasser les bons, comme la mauvaise monnaie le fait de la bonne. Pas étonnant que la plupart n’aient pas de programmes conséquents mais des copier/coller, que certains vivent en se vendant au plus offrant et d’autres, juste le temps des élections pour toucher la manne du financement public et retomber en hibernation le reste du temps. Comment dans ces conditions obtenir d’eux une contribution au processus de nationalisation du pouvoir, au développement d’une culture partisane. Comment avec de telles déviances, espérer qu’ils développent des activités de contrôle sans complaisance avec pour horizon, l’alternance au pouvoir ? D’où les critiques et la désaffection grandissante de l’opinion à leur endroit. Mais précision de taille : il n’ y a que les véritables partis d’opposition qui vivent cette situation, et on verra pourquoi.

Mais l’étiolement des partis politiques tient aussi à l’environnement politique, économique et social, aux données de la gouvernance nationale.

Les pouvoirs en place ne se sont pas toujours donnés pour objectif d’asseoir la démocratie sur la légitimation populaire, le respect du droit et du pluralisme, de soumettre leur pouvoir aux contrôles administratifs et politiques vrais et par conséquent de respecter scrupuleusement le suffrage populaire et la place qui doit revenir aux vrais partis d’opposition.

Tout au contraire, ils se sont efforcés de se consolider, de prendre racines en confisquant le pouvoir du peuple, en neutralisant de multiples façons les partis politiques d’opposition : ils ont aussi mis en œuvre une implacable stratégie de vampirisation de la vie politique et économique, dont le but ultime a été le formatage d’ un espace politique animé par des acteurs créés ou récupérés auxquels ils ont fait jouer des rôles dans un jeu politique parfaitement maîtrisé.

Mais cet objectif n’aurait pas été pleinement atteint si la subordination, la captation, l’inféodation des contre-pouvoirs non étatiques (contrôleurs administratifs et politiques) n’avaient pas été menées de façon globale, intégrale, pour atteindre, au-delà des partis d’opposition, les syndicats, les mouvements de droits de l’homme, les médias, les intellectuels, les opérateurs économiques et surtout les structures coutumières et religieuses. C’est cela qui a construit ici et là des démocraties globalisantes, unanimistes au sein desquelles les partis d’opposition qui n’acceptent pas de se rallier d’une façon ou d’une autre à la galaxie présidentielle, connaissent de graves tourments de la part des pouvoirs en place. L’opposition devient ainsi un enfer, ce qui favorisera notamment le phénomène de la transhumance.

Cependant, cette déconstruction de la démocratie, ce retour à des régimes d’exception qui ne disent pas leur nom, n’aurait pas enfin atteint ce stade achevé si des assurances n’avaient pas été prises au plan international pour verrouiller par le sommet, tout le mécanisme construit en interne. En effet, la communauté internationale a fermé les yeux (sauf en concédant de temps en temps, quelques protestations de pure forme) sur le processus de dénaturation de la démocratie, sur les élections tronquées, sur les constitutions violées, sur les oppositions démantelées et sur les forces vives de la nation récupérées.

Plus grave, il est même arrivé à certains de ses représentants de prêter main forte aux dictateurs dans leurs multiples entreprises : en appuyant l’idée que l’Afrique avait beaucoup plus besoin de sécurité, de santé, de nourriture, d’éducation que de démocratie ; en intervenant à l’occasion directement ou indirectement dans des actions de prédation interne et externe des gouvernants ; en fermant l’accès des oppositions aux médias internationaux... Pas étonnant, comme l’a relevé Alpha Oumar Konaré, que les oppositions africaines en soient réduites à n’être que l’ombre d’elles-mêmes, les élections servant plus à leur exécution électorale qu’à la légitimation de la volonté populaire.

La situation est vécue dans des pays aussi différents que le Sénégal, le Cameroun, le Burkina Faso, le Maroc et l’Algérie. Pas étonnant aussi qu’à la limite, la nécessité faisant loi, des bruits courent que des leaders comme John Fru N’di seraient sur le point de rejoindre Paul Biya pour tenter de survivre, lui qui a été artificiellement ravalé, selon une technique bien huilée en Afrique, du rang de premier parti d’opposition, à celui de deuxième, de troisième parti voire demain de 4èm, dans l’indifférence de la communauté internationale.

Mais comme l’a dit le professeur Loada, on peut tout faire avec la démocratie sauf s’asseoir dessus. De fait, on arrive maintenant à ce constat amer de l’écoeurement populaire vis-à-vis de la démocratie avec des abstentions record aux élections, une explosion du phénomène de l’émigration pour déficit de démocratie. On s’aperçoit alors à l’extérieur qu’il y a plus d’inconvénients que d’avantages à mal déployer la démocratie et qu’il faut la re- profiler. C’est toute la question qui se pose aujourd’hui un peu partout au sujet de la refondation de la démocratie et dont les chantres se trouvent, même paradoxalement, au cœur de la Commission de l’Union Africaine.

San Finna

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