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Birmanie : Un prélude à la chape de plomb

Publié le lundi 1er octobre 2007 à 07h34min

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Alors qu’au Myanmar l’armée charge de nouveau les manifestants, pacifiques, reprend le contrôle des rues, quadrillées jusqu’au moindre carrefour, cloître les moines derrière les portes des pagodes, resserre à coup de renforts le bouclage des zones urbaines, Washington ne trouve pas mieux à faire que de critiquer la junte birmane pour avoir coupé les accès à Internet ; après avoir, suprême coup d’épée dans l’eau, gelé les avoirs de 14 de ses membres aux USA et interdit aux citoyens américains de commercer avec eux.

De son côté, Paris a exigé le gel des investissements économiques dans ce pays ; car, affirme Patrick Baudouin au nom de la Fédération internationale des droits de l’homme, "contrairement à ce que dit Total, tout l’argent va dans la poche des généraux et non à la population". Commentant le gel des investissements décidé par la France, Ségolène Royal l’a qualifié de "premier geste".

Elle en attend d’autres donc et on est d’autant plus fondé à lui emboîter le pas que rupture pour rupture, c’est au pied de ce mur-là qu’on attend le maçon Sarkozy, surtout que c’est son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui est le père de l’ingérence humanitaire. "Kouchner, où est ton ingérence humanitaire ?", le lui ont donc rappelé très à propos la centaine de personnes qui ont manifesté devant l’ambassade de Birmanie à Paris jeudi après-midi pour protester contre la répression en cours dans ce pays.

Un gel qui était d’autant plus attendu qu’avec ceux de Pékin, les investissements de Total, qui y construit un oléoduc sans exiger des autorités des concessions en matière de droits de l’homme, au moins jusqu’au rapport Kouchner, commandité par la société pétrolière, portent à bout de bras le régime aux abois de Rangoun ; les militaires ayant sérieusement peur cette fois-ci de perdre leur pouvoir, même si le peuple birman, qui ne veut plus avoir que le droit de souffrir tranquillement sous leur joug, a peur de lever davantage la tête, et il y a de quoi : il y a 10 ans, le journaliste birman Win Tin, 75 ans, n’y a-t-il pas écopé d’une peine supplémentaire de 7 ans de gnouf pour... "possession de feuilles et d’un stylo" ?

Et surtout, cerise sur le gâteau, les massacres de ’98 (3000 morts) sont encore frais dans les mémoires. Voilà le régime que soutient Pékin et qui, pour empêcher la diffusion hors de Birmanie d’informations, de photos ou de vidéos sur la répression en cours, vient de jeter sur le pays la chape du silence, prélude à une plus grande chape de plomb si rien fait. Malheureusement, à voir la position obstinée de la Russie et de la Chine sur la question au Conseil de sécurité, les Birmans pourraient mettre du temps à voir le bout du tunnel.

D’autant plus que, s’agissant particulièrement de la Chine, elle se sent comme obligée de défendre bec et oncles son régime alter ego birman, qui, rappelons-le, avait commis les massacres des manifestants de ’98 seulement quelques mois avant l’hécatombe grandeur nature de la place Tian’anmen, tant les deux gouvernements sont des frères siamois, qui font cause commune. L’immoralité de la diplomatie de Pékin, qui a longtemps fait cavalier seul au Conseil de sécurité dans le dossier du Darfour, n’explique-t-elle pas d’ailleurs qu’à ce jour la force ONU-UA n’en soit encore qu’au début du commencement de l’entrée en matière ?

Quant à Moscou, ce n’est pas la très impériale (pour ne pas dire impérialiste) Russie de tous les crimes de guerre et contre l’humanité en Tchétchénie qui oserait opposer un quelconque paragraphe de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen au régime de Rangoun. Car elle risquerait de faire penser mutatis mutandis à ce qui se passe dans le goulag tchétchène.

"Etant donné ce qui se passe dans les rues de Rangoun, j’aurais souhaité que le Conseil de sécurité agisse plus fermement" envers la junte militaire birmane, a déclaré Condoleezza Rice, qui a oublié d’ajouter que son gouvernement n’a pas attendu l’exaucement d’un tel souhait pour agir plus fermement contre l’Irak de Saddam ; pas plus d’ailleurs que la France pour, à titre d’exemple, punir la Guinée d’Ahmed Sékou Touré, en l’asphyxiant littéralement, pour avoir osé lui dire "non" en ’58. Et pourtant, il suffirait, à la suite de Patrick Baudoin de la FIDH, d’agiter la menace de boycotter les JO de Pékin en 2008 pour voir le dragon chinois aider à une solution pacifique à la crise en Birmanie.

Il faut le dire, le Couchant a l’indignation sélective, qui tantôt confine au copinage avec les pires dictateurs quand ils sont à leurs bottes (régimes vomis de l’apartheid, d’Augusto Pinochet, du fantasque et fraîchement disparu leader mégalomiaque voire maniaque du Turkménistan, de Mobutu...) ou leurs intérêts géostratégiques faisant, tantôt frise la primitive haine viscérale, hystérique et injustifiée au regard des faits, comme c’est le cas à l’égard de Mugabe.

Et tout comme avec Sékou Touré, voué à l’ostracisme pour avoir refusé l’ordre néocolonial des choses, les gouvernements occidentaux haïssent l’Oncle Bob et s’acharnent contre lui pour avoir changé l’ordre agraire néocolonial dans son pays en dépeçant au profit de leurs légitimes propriétaires historiques, sans terre, les "latifundia", ce butin foncier que les frères de race des Blancs ont légué à leur progéniture. Et comme bien volé ne saurait être transmissible...

En RDC aussi, il y a indignation sélective puisque, alors que Thomas Lubanga est emprisonné et en attente d’être jugé, le général tutsi déchu, Laurent Kunda, lui, sème impunément des troubles dans le pays, pactisant même au vu et au su de tous avec Kagamé. Autant dire qu’à ce jeu du tu protèges les dictateurs à tes bottes, je protège les miens, le Conseil de sécurité sera toujours impuissant à faire entendre raison à tous.

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 2 octobre 2007 à 00:20, par elmer En réponse à : > Birmanie : Un prélude à la chape de plomb

    Que la junte au pouvoir en Birmanie soit condamnée, qu’on lui demande (ou exige) de se retirer, de laisser la place à la démocratie, où est le mal ?
    Autre temps, autre lieu... La chape de plomb existe en Birmanie depuis plus de 2O ans et en ce sens, ce qui arrive n’est pas un prélude ; il serait souhaitable que cela soit le chant du cygne...
    Peu importe alors les actions entreprises, petites ou grandes , individuelles ou étatiques, dans la mesure où elles peuvent avoir des effets sur ceux qui sont au pouvoir et améliorer considérablement le sort de la population. Rien que d’en parler et de le porter en place publique sur le net est déjà un échec pour la junte qui ne peut plus massacrer en catimini comme en 1988 !
    Il n’y a pas de monopole de la souffrance et/ou de la misère sur cette planète ! Tout ce qui peut contribuer à lutter contre ces infâmies sont déjà des hauts faits.

    Elmer

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