LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Burkina façon : Au pays de la savane, on se savonne sans se frotter

Publié le samedi 29 septembre 2007 à 08h10min

PARTAGER :                          

A écouter les griots, les conteurs, les chansonniers traditionnels et modernes, le Burkinabè n’aime pas la bagarre. Il n’aime que la paix. C’est pourquoi des expressions telles « laafi », « laafia » et autres « djam » émaillent les dictons, les refrains, les contes et les légendes.

Le stade suprême de cette tendance à ne rechercher que la paix et la tranquillité pour en jouir se traduit par la désormais célèbre formule bien burkinabè « yel kayé ». On dit que même avec un pied dans la tombe, l’Homme intègre dira « yel kayé ». Ce qui fait dire à certains qu’au lieu de s’être trituré les méninges pour trouver des formules telles que « Unité - Travail - Justice » ou « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! » et plus récemment « Unité-Progrès-Justice », le très stoïque « Yel kayé » aurait bien pu être la devise de la terre des Hommes intègres.

La coexistence pacifique entre la soixantaine d’ethnies du pays témoigne de cette propension des Burkinabè à privilégier le dialogue et le pardon dans tout ce qui peut les opposer. Et quand ça chauffe vraiment, on procède à une sorte de séparation de corps. Ainsi, lorsque dans une principauté survient une querelle de chefferie, le camp battu plie simplement bagage et va voir ailleurs un bout de terre libre et s’y implante. Pas question de se livrer une guerre « civile » inutile, voire mener une opposition frontale inutile. Toujours au nom de la paix. Mieux, les princes savent qu’il faut des sujets sur lesquels ils peuvent régner. Or, les bains de sang, c’est l’anéantissement des sujets.

Cette donnée sociologique devrait être prise en compte par les hommes politiques, ces princes des temps modernes, dans la gestion des crises ou leurs prises de position sur les grandes questions de la vie de la Nation. Pour parler terre à terre, « tous les jours, bagarres-là », les Burkinabè n’aiment pas ça dans leur grande majorité. Ce n’est sans doute pas l’unique explication, mais la désaffection des populations vis-à-vis de la politique y trouve en partie sa justification ; le jeu politique, tel qu’il est mené, s’apparentant à un champ de conflits permanents, avec des pointes qui font voler en éclats la morale et même le sentiment humain. Quand ça atteint ce stade, on entend bien souvent crier des « on est fatigués ».

Au pays de la savane, on se savonne sans se frotter, préoccupé qu’on est d’assurer sa survie : on cherche la nourriture de sa bouche, on ne cherche pas la bouche de quelqu’un. Il ne faudra cependant pas se méprendre : cette attitude qui consiste à fuir les problèmes n’est nullement le signe d’une résignation. Il y a une limite à ne pas franchir, sinon l’agneau peut se transformer en lion.

Dans une folie féline généralisée, outre le fait que les dresseurs seront transformés en chair à pâtée, le tissu social lui-même sera lacéré à coups de crocs.
Bref, si un pas avec le peuple vaut mieux que cent pas sans le peuple, autant marcher tous à la cadence du peuple qui n’aime pas les guéguerres.

Journal du jeudi

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique