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Anniversaire du 15 octobre 1987 : De la conquête d’une société politique plurielle au Burkina Faso

Publié le samedi 22 septembre 2007 à 07h17min

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Investiture de Blaise Compaoré en 1991

15 octobre 1987 - 15 octobre 2007 : 20 ans que Blaise Compaoré est président du Burkina Faso. Celui qui en 1987 pouvait passer pour un soldat timide et réservé s’est révélé au fil du temps comme un grand homme d’Etat, pragmatique, prudent et engagé pour le développement continu d’un pays qui n’a pas été particulièrement gâté par la nature.

En décidant de commémorer l’événement, ses partisans, partis au pouvoir, partis de la Mouvance présidentielle, associations de la société civile, voudraient porter un regard à la fois rétrospectif et prospectif sur l’œuvre du fondateur de la quatrième République. La première partie de la réflexion que votre journal consacre à cet anniversaire porte sur les acquis politiques fondamentaux au Burkina ces deux dernières décennies.

La vie politique burkinabè ces 20 dernières années est caractérisée par deux données majeures : la stabilité et l’ouverture démocratique. Ce constat est d’autant plus remarquable qu’il contraste énormément d’avec les deux décennies d’avant 1987. C’est connu, en 27 ans d’indépendance (1960 - 1987) le pays avait connu six (6) coups d’Etat militaires et trois Républiques.

Le Burkina passait alors pour l’un des pays africains le plus instable en proie à des crises socio-politiques à répétition. Grèves syndicales, mouvements de mécontentement scolaire et estudiantin, dissolution des partis politiques, suppression du droit de grève, etc.
En seulement 25 ans d’indépendance, le pays avait expérimenté le parti unique, le multipartisme limité, le multipartisme intégral, « le redressement » militaire, la révolution.

Le 15 octobre 1987 marque le début de la fin des errements et le retour progressif à un Etat de droit, républicain et démocratique. Un pari risqué pris par Blaise Compaoré qui du Front populaire au Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti au pouvoir, s’est battu contre partisans et adversaires pour l’émergence d’une société plurielle.

Au commencement était l’appel du 19 octobre 1987

Le cheminement du retour à un Etat de droit pluraliste au Burkina a été concomitant d’avec l’entame des processus démocratiques qui ont mis fin au règne des partis uniques en Afrique. Si pour bien de pays du continent, notamment dans le précarré francophone, l’historique discours de La Baule de François Mitterrand était plus qu’une invite, une mise en demeure exogène, au Burkina, le premier discours de Blaise Compaoré le 19 octobre 1987 en qualité de président du Front populaire, chef de l’Etat, peut être considéré comme un important signe précurseur interne d’un retour à la démocratie multipartite.

En effet dans cette adresse à la nation, Blaise Compaoré invitait « tous les patriotes, progressistes et démocrates » à soutenir le Front populaire dans son œuvre de rectification de la révolution. Il précisera sa pensée le 31 décembre 1988 au cours d’une autre allocution à la nation. Il y déclarait littéralement « Nous invitons l’ensemble des révolutionnaires et des démocrates à mener des réflexions constructives sur la question de l’édification d’un Etat de démocratie populaire..., l’élargissement de la démocratie, nous n’aurons de cesse de déclarer qu’il constitue une nécessité historique, objective, rendue incontournable par la nature de notre révolution, ses caractéristiques tant économiques que politiques... Aussi, nous engagerons les contacts politiques nécessaires pour le renforcement du Front populaire conformément aux statuts et programme d’action ».

Nous sommes à douze (12) mois de l’effondrement du mur de Berlin et à dix-huit (18) mois du discours de François Mitterrand à La Baule. Incontestablement Blaise Comparé avait déjà perçu la nécessité historique d’abandonner le monolithisme révolutionnaire. Il ne parle pas de construire un parti d’avant-garde à partir du Front populaire. Il souhaite « l’élargissement de la démocratie » par des contacts politiques pour renforcer le Front populaire. C’est-à-dire l’ouvrir à d’autres forces politiques que celles maxisantes qui l’ont constitué dès la proclamation du 15 octobre 1987. Les formations politiques qui ont fondé à l’origine le Front populaire, faut-il le rappeler, étaient, l’Union des communistes burkinabè (UCB), l’Union de lutte communiste - la Flamme - et le Groupe communiste burkinabè.

Blaise Compaoré, prudent et pragmatique

On le voit bien la base sociale du Front populaire n’était pas bien large et contrairement à l’appel à tous les patriotes, progressistes et démocrates elle n’était constituée, cette base sociale, que de communistes. Blaise Compaoré le savait tout comme il savait que d’autres organisations politiques avaient vu le jour après le 15 octobre, encouragées dans leur constitution pour les uns et reconstitution pour les autres par son appel du 19 octobre 1987. Déterminé dans son option pour un retour à un Etat de droit démocratique mais par prudence politique et par respect des principes organisationnels révolutionnaires qui régissaient encore la vie de l’Etat et du Front populaire, il renvoya le débat sur la nécessité de l’ouverture démocratique à la base.

Les assises nationales de bilan d’un an de rectification tenues les 26, 27 et 28 janvier 1989 à Ouagadougou furent l’occasion idéale de lancer le débat devant 1 800 délégués venus des quatre coins du Burkina. Ainsi dès l’ouverture de ces assises dans son rapport introductif, Blaise Compaoré affirme clairement que « l’ouverture démocratique pour nous aujourd’hui est une exigence de l’histoire, car nous sommes convaincus que les tâches inhérentes à la consolidation de la révolution et à la construction de notre patrie ne peuvent être accomplies que par l’ensemble des couches et classes sociales de notre peuple, à travers leurs organisations politiques et de masse...

Aujourd’hui, de nouvelles organisations soutenant le processus ont fait leur apparition sur la scène politique, qui se proclament démocrates, patriotes, progressistes... ». Il faut sous-entendre que le Front populaire ne peut pas continuer de les ignorer. Il faut donc une ouverture, fut-elle prudente, calculée et stratégique. Pour Blaise Compaoré, la tâche de ménager la chèvre et le chou était délicate.
En effet, d’un côté il y avait ses amis politiques, révolutionnaires purs et durs, voire des communistes sectaires, de l’autre, des démocrates progressistes, voire des libéraux anti-communistes, tous prêts à soutenir l’œuvre de la rectification entreprise depuis le 15 octobre 1987.

Finalement l’élargissement du Front populaire se fera au profit de nouvelles organisations politiques comme la Convention nationale des Démocrates progressistes/Parti social démocrate (CNPP/PSD), Groupe des démocrates révolutionnaires, (GDR), Groupe des démocrates et patriotes (GDP), l’Union des démocrates et Patriotes du Burkina (UDPB), etc. L’ouverture politique du Front populaire réalisée, la marche vers l’Etat de droit devait être confirmée par l’élaboration et l’adoption d’une loi fondamentale, la constitution.

La naissance de la IVe République

Pour Blaise Compaoré, l’élargissement du Front populaire qui s’est confirmé lors de son premier congrès tenu du 1er au 4 mars 1990 était une étape dans la marche vers l’Etat de droit. Cela suppose l’écriture et l’adoption d’une constitution. Déjà en 1988 à la fin des assises sur le bilan d’un (1) an de rectification, le président du Faso soutenait que « La Révolution et la Démocratie ne sont pas antinomiques, l’avenir de la Révolution est fonction de la démocratie qui prévaudra au sein de notre peuple, ses capacités à décider librement et consciemment de son émancipation ». Liberté et quête de progrès : ce sont les idées fortes de son discours prononcé devant 2 000 délégués. Ces idées forces vont conduire l’homme de la rectification vers la fondation de la IVe République.

En 1990, à quelques encablures de la tenue du Front populaire qui devait décider de la rédaction d’une constitution pour le Burkina, Blaise Compaoré se désolait de ce que « après sept ans de révolution, la situation politico - administrative et sociale [soit] insuffisamment réglée du fait de l’absence de normes hiérarchiques et complètes permettant d’indiquer à la collectivité et à l’individu, aux institutions et aux structures, leur rôle, leur devoir et leur droit. Cela a manqué. Je crois qu’il faut arriver à édifier un ensemble de règles qui nous permettent de légitimer, de légaliser cette volonté qui s’exprime à travers le projet de société que nous sommes en train de bâtir ».

Tout est dit. Tout est clair. Fini les improvisations révolutionnaires, les inventions plus ou moins légitime d’institutions qui n’avaient de légalité que le bon vouloir de la structure dirigeante de la Révolution dont les statuts et autres règlement intérieur ne sont opposables qu’à ses seuls membres. Il faut quelque chose de plus construit, plus solide qui encadre les aspirations visibles de la majorité des Burkinabè pour le retour à un Etat de droit démocratique multipartisan. Les participants au premier congrès du Front populaire ne s’y sont pas trompés en adoptant à la fin de leurs travaux une résolution donnant mandat à la coordination et au Comité exécutif du Front populaire pour procéder à la formation d’une Commission constitutionnelle.

Conformément à cette résolution, le Kiti (décret) portant composition et attributions de la Commission constitutionnelle sera pris le 17 avril 1990. Selon ce décret la commission constitutionnelle avait un délai de six mois environ pour rédiger un avant projet de constitution. Elle était dirigée par Bognessan Arsène Yé précédemment secrétaire général de la coordination nationale des structures populaires et premier président du parlement de la IVe République. Elle comptait 100 membres venus d’horizons socio- professionnels divers qui lui donnaient une certaine légitimité.

Après l’installation de la Commission constitutionnelle, les choses allèrent assez vite. Le 15 octobre 1990, l’avant-projet de constitution fut remis au chef de l’Etat. Des assises nationales seront organisées deux mois plus tard pour l’amendement, il devint un projet de constitution qui devait être soumis à référendum 6 mois plus tard soit le 2 juin 1991.

Un peu moins de la moitié des électeurs burkinabè se sont déplacés pour participer à ce référendum. En effet, le taux de participation a été évalué à 48,65 % mais la constitution fut largement plébiscitée à 93 % des suffrages exprimés. Elle sera promulguée le 11 juin 1991. La IVe République était née. Elle est le résultat d’une anticipation prudente mais déterminée du président Blaise Compaoré sur les mutations politiques majeures que vivaient l’Afrique et le monde en cette fin des années 80.

Dans son adresse à la nation après la promulgation de la constitution le président du Faso résumait ce cheminement interne en ces termes : « La large adhésion de notre peuple à la constitution marque un tournant décisif de sa lutte pour son émancipation. Légitimement, nous pouvons être fiers de notre constitution qui désormais nous élève à la culture démocratique universelle, dans un monde de bouleversements et de transformations rapides ».
Une République est née, mais la quête d’une société politique plurielle au Burkina Faso est un défi permanent.

En la matière rien n’est jamais définitivement acquis. Le premier magistrat du Burkina en est conscient qui depuis son élection le 1er décembre 1991 comme premier président de la IVe République s’attelle à instaurer la gouvernance démocratique pour respecter l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire pour une pertinence éprouvée du système. Mais il n’y a pas que le politique pour donner à l’Etat de droit toute sa noblesse. L’économique, le social et le culturel y ont une grande part de contribution. La semaine prochaine, nous aborderons dans une autre réflexion, les acquis économiques du Burkina au cours des deux dernières décennies.

Djibril TOURE


L’échec de la revendication d’une conférence nationale souveraine

La constitution adoptée et promulguée, on pensait que le plus dur avait été fait sur le retour à un Etat de droit dans un climat social apaisé. Que nenni !
Après la dissolution par le président du gouvernement du Front populaire et la convocation, sur son initiative, d’une table ronde consultative sur la gestion de la période transitoire, les velléités contestataires s’amplifièrent du côté de certaines formations politiques avec pour tête de proue, la CNPP/PSD de Pierre Tapsoba, l’ADF alors dirigée par Hermann Yaméogo, le PPS, d’Alain Zoubga ou encore le BBS d’Ernest Nongma Ouédraogo. En fait, un total de 13 partis sur les 22 initialement convoqués à la table ronde revendiquaient en lieu et place une conférence nationale, « instance souveraine pour décider de toutes les questions importantes de la Nation, notamment la mise en place d’un gouvernement et d’une administration de transition ».

En septembre 1991 le groupe des partis contestataires s’élargit à 17 membres qui formalisèrent leur regroupement sous l’appellation Coordination des Forces démocratiques (CFD). En face, les adversaires de la tenue d’une conférence nationale souveraine se regroupèrent également pour former l’Alliance pour le respect et la défense de la Constitution (ARDC). Pour l’ARDC, la revendication d’une conférence nationale souveraine était inopportune dans le contexte burkinabè.

Celles des formations politiques qui le revendiquaient, selon l’ARDC, violaient la nouvelle constitution qui dans ses dispositions transitoires avait indiqué comment la transition devait être gérée. De fait, par une série de meetings et de marches dans plusieurs villes du pays, la CFD montrait des signes de radicalisme allant jusqu’à demander la démission du président Compaoré. L’ARDC de son côté ne resta pas les bras croisés. Aux meetings suivis de marches de revendication d’une conférence nationale de la CFD, l’ARDC répondait par des meetings suivis de marches exigeant le respect strict de la nouvelle constitution notamment dans ses dispositions transitoires.

L’atmosphère politique resta ainsi tendue jusqu’à l’élection présidentielle du 1er décembre 1991 où Blaise Compaoré se retrouva seul candidat en lice du fait du boycott du scrutin par les candidats de la CFD. Elle disait être déterminée à ne « s’impliquer dans aucune consultation électorale sans le préalable de l’acceptation de la [tenue] de la conférence nationale souveraine ».

Blaise Compaoré fut élu premier président de la IVe République avec 86,41 % des suffrages exprimés même si la CFD s’autofélicitait du faible taux de participation 25,28 %. Mais « le simple bon sens indique que personne ne peut gagner un combat qu’il n’a point livré » dixit Blaise Compaoré.

D. TOURE

L’Hebdo

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Vos commentaires

  • Le 22 septembre 2007 à 21:00, par Peace and Love En réponse à : > Anniversaire du 15 octobre 1987 : De la conquête d’une société politique plurielle au Burkina Faso

    Je me demande si la memoire de monsieur D. Toure existe ou est pure et simplement courte et defaillante .Vous ignorez de nombreux points sur cette periode 15 oct 1987-15 oct 2007 .Bref la critique n’est synonyme de louanges seulement mais aussi des limites.Vous n’avez fait que l’eloge du front populaire sans pourtant convaincre ce qui me laisse perplexe et j’ose me questionner a savoir si vous savez vraiment de quoi vous parlez Mr Toure.Evitons de parler pour parler ce n’est point du jounalisme et faite preuve d’honnetete et respect envers vos lecteurs et aussi pour votre profession de journaliste que vous venez de bafouer.

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