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Accords de partenariat économique : Un déséquilibre financier en perspective

Publié le mercredi 19 septembre 2007 à 07h58min

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Les Accords de partenariat économique (APE) censés favoriser l’intégration sous régionale provoquent en réalité une baisse des recettes fiscales et une remise en cause du processus d’intégration régionale dans les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique).

Les ressources fiscales des pays de la sous-région vont baisser dans le cadre de l’entrée en vigueur des Accords de partenariat économique (APE) suite à la création d’une Zone de libre échange (ZLE) avec l’Union européenne (UE). Elle affectera les capacités d’investissement propres des différents Etats.

Les taxes à l’importation sont pourtant une importante source de revenus pour les pays. Une union douanière dans l’espace CEDEAO et l’adoption d’un Tarif extérieur commun (TEC) par les pays membres de l’UEMOA vont inexorablement réduire les recettes perçues par les Etats. Ainsi, leur capacité à financer les services publics (comme l’éducation, la santé) et les infrastructures nécessaires au développement de la région va prendre un coup.

L’ouverture du marché ouest africain aux produits européens aura peu de conséquences positives. En effet, la suppression des droits de douane sur les importations d’origine européenne causera nécessairement une perte de moyens pour les Etats. L’Union européenne est le premier fournisseur de l’Afrique de l’Ouest. La libération du marché de cette zone va provoquer un manque à gagner en terme de réduction des recettes douanières. Les industries fragiles aux produits compétitifs de la CEDEAO ne pourront supporter la concurrence. Or, les recettes douanières représentent près de 15% des recettes des Etats de la CEDEAO.

Il faut donc s’attendre à un déséquilibre financier. A ce propos, une étude menée en 2004 et portant sur tous les pays concernés est parvenue à la conclusion suivante : “la libéralisation totale des importations d’origine européenne et l’application du TEC réduira les recettes des Etats de 2,4% pour le Nigeria à 22,1% pour la Gambie”. Pour la majorité des Etats, les pertes se situent entre 5 et 10%.

Un boulevard pour la pauvreté

La baisse de revenus des Etats aura plusieurs conséquences : incapacité d’intervenir efficacement sur la croissance économique, la réduction des actions de lutte contre la pauvreté, la mise à mal des services publics. Une nouvelle fiscalité devra être instaurée pour compenser le manque à gagner. Cela pourrait entraîner des tensions sur le front social sans oublier que le civisme fiscal n’est pas la chose la mieux partagée dans la sous-région. Comme solution à cette situation, d’aucuns préconisent la mise en place d’une TVA payable par les consommateurs finaux. Un autre remède pourrait venir à la taxation des producteurs agricoles.

Mais cette dernière solution est vue par certains comme “une accentuation de la pression fiscale sur les plus pauvres”. Pendant qu’en Afrique on s’arrache les cheveux devant une telle situation, l’Europe se frotte les mains. Les études d’impacts sont unanimes : la mise en place des APE va augmenter la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’Europe.

Le gain en exportation pour l’UE avoisinement 1 milliard de dollars, soit 15% de ses recettes d’exportations actuelles. Les analystes indique que le Nigeria sera le pays le plus touché par la création d’une zone de libre échange avec l’UE. Les importations de ce géant africain en provenance de l’UE connaîtront une augmentation de l’ordre de 13 à 28%. Les autres pays fortement touchés seront le Burkina Faso (6,1 à 13,3%), le Bénin (7,2 à 15,9%), le Cap Vert (7,5 à 15,7%), le Sénégal ( 7,3 à 15,5%), le Togo (6,8 à 15,3%) et la Guinée Bissau (3,4 à 7%). Pour le Mali, les importations de produits de l’UE augmentent de 32% à 59%.

L’invasion du marché de la sous-région par les produits européens moins chers pourrait amener le commerçant et le consommateur à privilégier les importations au détriment de la production locale.

L’intégration remise en cause

Une autre conséquence redoutée de l’entrée en vigueur des APE est le coup d’arrêt que cela va porter à l’intégration. Les pays côtiers dotés de plus d’avantages comparatifs au plan économique que les pays de l’hinterland vont tirer le meilleur profit de la création d’un marché commun.

En plus, les produits comme la viande exportée par les pays sans littoral vers les pays côtiers seront fortement concurrencés par la production européenne. Les études d’impact ont conclu à une augmentation de la dépendance alimentaire des pays de la CEDEAO vis-à-vis de l’Union européenne : 16% pour les oignons, 15% pour la pomme de terre, 17% pour la viande bovine et 18% pour la viande de volaille. Il faut donc s’attendre à une aggravation de la pauvreté chez les agriculteurs. De plus, une croissance de l’insécurité alimentaire, du chômage et de l’exode rural sont à craindre. La réalisation d’une intégration régionale dans ce contexte et avec un TEC unique et protecteur pour les produits alimentaires pourrait être compromise.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA

Sidwaya

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