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Soeur Michelle Kantiono : Une religieuse au secours des filles en difficulté

Publié le mardi 18 septembre 2007 à 06h54min

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La Fondation Cardinal Emile Biayenda est un centre qui accueille des filles en difficultés, pour leur redonner confiance à la vie et leur apprendre divers métiers à même de faciliter leur réinsertion dans la vie active. Ce centre, aux actions nobles, existe depuis 1994.

Il est né de la volonté de Soeur Michèle Kantiono et des membres de l’association Miséricorde pour tous d’aider les orphelines, les filles en grossesse non désirée, celles victimes de mariage forcé, les filles-mères et les filles en conflit parental. Son ambition est grande mais ses moyens sont limités. A travers cet entretien que nous avons réalisé, Soeur Michèle Kantiono nous présente la fondation de long en large et lance un appel aux bonnes volontés qui veulent venir en aide à toutes ces filles en difficulté.

"Le Pays" : Pouvez-vous nous présenter brièvement le centre FOCEB-Burkina ?

Soeur Michèle Kantiono : La FOCEB, c’est la Fondation Cardinal Emile Biayenda. Elle est née en mars 1994 et nous avons obtenu la reconnaissance officielle le 26 août 1994. La FOCEB est une association apolitique, à visée catholique qui s’occupe des filles en difficulté notamment les filles en grossesse, les filles-mères, celles victimes de mariage forcé qui ont été rejetées par la famille, celles qui sont exploitées sexuellement, les orphelines victimes de maltraitance et les filles en conflit parental. Nous les accueillons, nous les écoutons. Nous prenons complètement les filles en charge et nous les formons à diverses activités durant leur séjour au centre. Elles font du tissage, de la couture, fabriquent du savon. Les filles apprennent à produire également du déguê séché , à faire la maraîchage. Bref ! tout ce qui est Activités génératrices de revenus (AGR). Nous disposons d’un kiosque et d’une boutique où nous commercialisons nos produits. Cela nous aide à subvenir à certains de nos besoins quand les partenaires ne nous financent pas.

Quels sont les objectifs visés par la Fondation à travers cette démarche ?

Les objectifs que nous visons sont principalement la prise en charge de ces filles abandonnées par leur famille, l’auteur de la grossesse ou le père de l’enfant et qui souvent, errent en ville. La majorité de ces filles quittent les provinces pour venir chercher du travail en ville et, une fois qu’elles tombent enceinte, on les renvoie. Elles ont besoin d’être en sécurité pour entretenir leur grossesse et pour ce faire, nous les accueillons ici, à la fondation. Nous leur apprenons à se prendre en charge à travers la formation aux AGR. Elles ont le droit de vivre, de s’épanouir et nous leur redonnons du courage pour affronter la vie. Nous rentrons en contact avec les autres associations qui poursuivent les mêmes objectifs pour un partage d’expériences afin qu’ensemble nous puissions trouver les voies et moyens pour aider ces filles.

Après la formation, quel sort réservez-vous aux filles ?

Après la formation, nous gardons les filles ici jusqu’à ce que nous parvenions à résoudre leurs problèmes. Nous avons une éducatrice sociale qui, une fois que la fille vient au centre, l’écoute, la console et va ensuite dans sa famille pour rencontrer ses parents et les entendre aussi parce qu’il y a souvent contradiction entre ce que racontent les filles et ce que disent les parents. Après quoi, nous tentons une réconciliation entre les deux parties. Certains parents ne veulent même pas entendre parler du retour de leur fille en famille, surtout quand ce sont des cas récidivistes.

En principe, dans le plateau mossi, dès que la fille a accouché, on n’éprouve plus de difficultés à la réinsérer. Lorsque nous arrivons à les réinsérer, nous leur donnons une somme pour se prendre en charge et mener une activité. Au cas où les parents refusent, nous rentrons en contact avec l’auteur de la grossesse qui le plus souvent, ne veut pas en entendre parler non plus. Nous insistons donc jusqu’à ce qu’il reconnaisse au moins l’enfant. Il arrive par contre qu’il accepte et la mère et l’enfant. Il y a beaucoup de filles que nous avons réinsérées soit en famille ou dans des ateliers. Notre secrétaire par exemple, est une ancienne de la fondation.

Y a-t-il un suivi qui est fait après la réinsertion ?

En principe, il devrait y avoir un suivi mais nous n’en avons pas les moyens surtout les moyens logistiques et le carburant. C’est ce qui nous bloque. Il y a une fondation de France qui nous épaule et qui nous a offert un véhicule Renault Express avec lequel nous rendons visite aux filles. Cependant, le déplacement devient difficile en saison de pluies. De plus, le véhicule lui-même est déjà amorti.

En dehors de l’association que vous avez citée, n’avez-vous pas d’autres partenaires ?

Notre partenaire principal est "Chrétiens pour Sahel". C’est une ONG du Luxembourg qui nous appuie depuis 1997. Il y a aussi la fondation Jean-Paul II qui nous a aidé avec une partie de l’équipement et également la fondation Jean-Marie Bruno de France à qui nous faisons appel lorsque nous avons un problème ponctuel. Le partenaire principal a, cette année, commencé à diminuer la densité de l’aide qu’il nous apportait. Ce qui fait qu’actuellement, nous avons des problèmes financiers et il nous faut trouver d’autres partenaires.

Depuis la date d’ouverture du centre jusqu’à nos jours, combien de filles avez-vous déjà accueillies ?

Nous avons déjà accueilli approximativement 164 filles depuis l’ouverture du centre jusqu’à aujourd’hui. Leur séjour est de six mois minimum et trois ans maximum pour celles qui ont vraiment des problèmes de réinsertion. Notre capacité d’accueil est limitée. Nous disposons de cinq chambres et il était prévu, au départ, deux filles par chambre. Vu que la demande était forte, nous plaçons trois filles par chambre ; ce qui n’est pas toujours facile. Si chacune d’elle a un bébé, cela fait au total six et côté hygiène, ce n’est pas toujours évident.

D’où proviennent ces filles ?

Nous accueillons des filles de toutes les régions du Burkina. Ce sont généralement des gens qui viennent à Ouagadougou pour chercher du travail. Certaines se font engrosser par les garçons qui par la suite, fuient leur responsabilité. Certains de ces garçons changent parfois de lieu d’habitation et la fille n’a plus de repère. Une fois enceinte, ses patrons la renvoient et elle n’a plus où aller ; dans ce genre de situation, nous menons des enquêtes en passant par l’Action sociale pour retrouver l’auteur de la grossesse. Après quoi , nous le convoquons pour savoir s’il veut de la fille ou de son enfant. Si le garçon reconnaît la grossesse, il participe à la prise en charge de la fille mais le plus souvent , ce n’est pas le cas.

Comment faites-vous pour trouver les filles ? Est-ce elles-mêmes qui vous contactent ?

Nous travaillons en collaboration avec l’Action sociale qui nous envoie les filles. Il y a aussi les paroisses, les communautés religieuses. Nous avons également des gens qui, parfois, ont entendu parler de nous. Certaines filles arrivent au centre parce qu’elles ont appris notre existence à travers leurs copines. Lorsque nous les accueillons, nous rentrons en contact avec leur famille ou leur tuteur pour avoir leur version des faits car il arrive souvent que des filles ne disent pas la vérité.

Etes-vous satisfaites de vos prestations ?

Nous sommes satisfaites moralement même si nous n’avons pas tous les moyens pour fonctionner. Il y a des filles qui arrivent complètement déprimées. La chance d’avoir quelqu’un à qui se confier les soulage déjà et nous, cela nous permet d’éviter des suicides et des avortements, à travers les entretiens et les conseils que nous leur prodiguons. Après la réinsertion des filles dans leur famille, il y a des parents qui viennent nous témoigner leur reconnaissance. Tout cela nous procure une immense satisfaction et cela prouve que les actions que nous menons ne passent pas inaperçues. Les gens sont souvent émus de voir que même n’ayant aucun lien avec ces enfants, nous les hébergeons gratuitement pendant des mois, voire des années. Les filles elles-mêmes, après leur séjour à la fondation, reviennent nous voir de temps en temps pour nous remercier. Les garçons également viennent soit pour nous remercier ou pour reconnaître leurs enfants et remplir les formalités.

Avez-vous déjà eu à régler des cas à la justice ?

Parmi les toutes premières que nous avons reçues, il y a une dont le problème était déjà à la justice. Nous l’avons donc accompagnée. La femme avec qui elle travaillait ne voulait pas lui remettre son dû mais, par la suite, tout est rentré dans l’ordre.

Un appel particulier à lancer ?

Notre appel va à l’endroit des éventuels partenaires qui veulent nous venir en aide. Qu’ils le fassent car nous en avons vraiment besoin. Côté finances, ça ne va pas très fort ces jours-ci. Toute aide nous sera utile : vivres, habits, médicaments, nous acceptons tout parce que ce n’est pas facile de s’occuper de la santé de toutes ces filles et de leurs enfants ou de leur trouver à manger ou de quoi s’habiller. Cette année, les services de l’Action sociale et de la Solidarité nationale nous ont offert une tonne de riz, la direction provinciale nous a toujours soutenues également, sans oublier certaines ONG. Ce sont des gestes très appréciables. A tout moment, nous avons notre surveillante qui est là. C’est elle qui gère la maison, accompagne les filles à l’hôpital quand elles sont malades ou à la maternité quant elles veulent accoucher.

Un dernier mot

Je remercie sincèrement les éditions "Le Pays" qui nous permettent de nous faire connaître à travers les lignes de leur journal. Je réitère mon appel envers toutes les bonnes volontés qui peuvent nous aider. Faites-le car nous en avons besoin. Notre centre d’accueil a une capacité d’accueil limitée. Nous ne pouvons pas accepter plus de quinze filles à la fois. Nos chambres sont au nombre de cinq et nous n’avons pas assez de bureaux. L’espace est réduit et donc insuffisant pour les activités que mènent les filles. Un autre espace aménagé ne serait pas de refus.


Depuis janvier 2001 au 13 septembre 2007, le centre compte 161 filles hébergées

Nombre de filles en grossesse : 94

Nombre de filles mères : 45

Nombre de filles en conflit avec les parents : 6

Nombre de filles victimes du mariage forcé : 11

Nombre de cas d’orphelines en maltraitance : 4

Nombre de fille de la rue : 1

Total de filles reçues : 161

Nombre de bébés vivants : 125

Réinsertion

Nombre de filles ayant rejoint leur famille : 122

Nombre de filles vivant en couple : 10

Nombre de filles indépendantes : 9

Nombre de filles vivant au centre actuellement : 13

Nombre de filles vivant dans d’autres centres : 3

Nombre de filles ayant renoué avec l’école : 2

Nombre de mères décédées : 2

Nombre de bébés décédés : 10

Propos recueillis par Christine SAWADOGO

Le Pays

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