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Côte d’Ivoire : L’irrésistible descente aux enfers

Publié le mercredi 26 mai 2004 à 07h17min

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Les cartes sont brouillées. Le président ivoirien, Laurent
Gbagbo, ne sait plus où mettre de la tête. Il a posé des actes
suicidaires dont les conséquences ne cessent de le foudroyer.
Le mercure est monté d’un cran le week-end dernier. Animé par
des folies de grandeur, le "Christ de Mama" a officiellement
posé les jalons du pouvoir à vie en propulsant hors du
gouvernement ses adversaires politiques. Il a ainsi fait voler en
éclats les accords de Marcoussis.

Mais Gbagbo ignore
royalement qu’il vient de porter un coup de poignard sur le flanc
frémissant du consensus. La Côte d’Ivoire gardera
inévitablement pendant longtemps, les stigmates de ces
décisions politiques à l’emporte-pièces. En tout cas, la rupture
semble être définitivement consommée. Le leader des Forces
nouvelles, Guillaume Soro, a été clair : "Pour nous, Gbagbo
n’existe plus. La seule personne à même de réconcilier les
Ivoiriens, c’est le premier ministre Seydou Diarra".

Ce dernier a
suspendu sa participation au gouvernement, sans doute excédé
par les envolées politiques du président. Plus rien ne semble
pouvoir arrêter le spectre de la méfiance et des crimes. Les
prétendus "jeunes patriotes" vont encore déverser leur foudre
sur des innocents. Les escadrons de la mort n’ont pas non plus
enterré la hache de guerre. Manifestement, la Côte d’Ivoire
n’oubliera jamais la date fatidique du 19 septembre 2002, date
à laquelle le pays a basculé dans une terrible zone de
turbulence. Félix Houphouet Boigny doit être en train de se
retourner dans sa tombe. Lui qui affirmait avec force détails que
" la paix, ce n’est pas un mot, c’est un comportement".

Mais
Laurent Gbagbo, lui, semble être une tête de mule. Il agit en
fonction de ses humeurs du moment, foulant aux pieds l’ intérêt
supérieur de la Côte d’Ivoire. A l’évidence, le président ivoirien a
sous-estimé les conséquences du massacre planifié des 25 et
26 mars à Abidjan. Aujourd’hui, l’effet boomerang semble le
propulser vers la sortie. L’ONU l’a épinglé de fort belle manière.

La France et les Etats-Unis semblent avoir plutôt donné
récemment leur caution au Premier ministre, Seydou Diarra.
C’est vrai que la position des puissances occidentales est
souvent insaisissable. Mais à l’évidence, cette fois, Gbagbo est
au coeur d’un ras-le-bol apparemment irréversible.

Certes, il a reçu le soutien du guide libyen, Moammar El
Kadhafi, lors du dernier sommet de la CEN-SAD. Mais jusqu’où
ce leader controversé sur l’arène internationale ira-t-il ? De
toutes façons, l’acte posé par Kadhafi est une erreur grave. Il
apparaît comme une bénédiction à un dictateur en herbe. Qu’on
ne s’y méprenne pas : la France a des élans d’amour pour la
Libye à cause des affaires. Mais à propos de la Côte d’Ivoire, sa
confiance en Moammar El Kadhafi est loin d’être évidente.

Certes, Paris a toujours eu une attitude ambiguë à propos de la
crise ivoirienne. Elle a souvent conforté Gbagbo dans son
assise. Mais à moins d’être complice d’un génocide annoncé ou
d’une guerre civile, Chirac et les siens doivent impérativement
et clairement abattre leurs cartes pour aider à restaurer la paix
en Côte d’Ivoire, sans complaisance et sans louvoiement. En
s’inscrivant dans la ligne du consensus et en faisant de leur
credo, la recherche permanente de l’intérêt supérieur du peuple
ivoirien.

Si les puissances occidentales s’engagent dans cette voie,
elles auront fait oeuvre utile. Force est cependant de constater
que jusqu’ici, elles ont joué avec le problème ivoirien.
Au moment où la Côte d’Ivoire vient de franchir le rubicon du
pire, le courage des autres nations continue de sombrer dans
une léthargie inhumaine. Les chefs d’Etat de la sous-région
ouest-africaine semblent être incapables d’étouffer les germes
d’un éventuel génocide. L’Union africaine aussi.

Bien souvent,
on s’est contenté de faire des déclarations, en réalité
laconiques, incapables donc de constituer une thérapie de choc
pour ce pays dont le corps ne cesse de se vider de son sang.
Laurent Gbagbo semble bien apprécier la crise. Presque
chaque jour, il pose des actes susceptibles de l’aggraver.

Le
dernier épisode de la crise ivoirienne montre bien que cet
homme agrippé au pouvoir entend se nourrir indéfiniment de la
crise. Ainsi, il conduit le "navire" Côte d’Ivoire comme un bateau
ivre vers le chaos. Si rien n’est fait, tout risque de s’écrouler. A
l’image du Rwanda en 1994. Une irrésistible descente aux
enfers fortement dénoncée par les organisations des droits
humains mais qui semble être un fait anodin aux yeux de ceux
qui sont censés arrêter la dérive.

En fait, un jeu de ping-pong
politique qui finira par culpabiliser tout le monde. Peut-être que
Laurent Gbagbo se retrouvera un jour devant des juridictions
internationales pour répondre de ses actes. Mais la Côte
d’Ivoire aura déjà subi les supplices les plus cruels de son
existence. En réalité, la paix a toujours été à portée de main.
Mais ce qui manque le plus, c’est la volonté politique et la
bonne foi des uns et des autres.

Le Pays

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