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Le coup de balai du prince

Publié le mardi 18 septembre 2007 à 07h40min

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Ce n’est pas un fait courant que la mise au rancart d’un président d’institution, et qui plus est, l’institution judiciaire la plus élevée dans l’ordre protocolaire de notre système démocratique. Idrissa Traoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a été débarqué le 4 septembre dernier. Le décret qui nomme son remplaçant a été signé le 4 septembre, mais c’est le lendemain 5 que la nouvelle a été rendue publique.

Qu’un haut magistrat soit viré n’est pas en soi une surprise. La question que nombre de Burkinabè se posent cependant, c’est pourquoi maintenant ? Quel crime de lèse majesté a-t-il commis pour que son sort soit scellé dans un communiqué aussi laconique ?

Dans la galaxie Compaoré, bien plus que les indélicatesses managériales ou financières, les propensions nabales se paient souvent très cher. Pour s’être considérés comme chefs de terre, rien que, certains ont non seulement payé de leur poste, mais ils ont été soumis à un régime de quarantaine sévère qui n’en finit pas de durer. Certes, dans le cas présent, aucun commentaire officiel n’est venu appuyer cette sortie de scène, mais certains n’ont pas manqué de voir dans l’infortune du président Traoré, les conséquences de ses frasques.

Soyons clair. Rien chez Idrissa Traoré n’était de nature à inquiéter Blaise. Du reste, sa nomination à ce poste avait passablement agacé certains militants du CDP qui ne voyaient pas en cet homme la figure morale susceptible de donner à l’institution la respectabilité nécessaire. Mais le grand Sachem l’a peut-être voulu ainsi, car comme on le sait, les faiblesses des sujets sont de précieux atouts entre les mains de nos princes. On ne voit pas en effet Idrissa Traoré, en train de dire le droit, rien que le droit au motif qu’il est le chef d’une institution qui doit fonder sa crédibilité sur la morale professionnelle.

D’ailleurs, le texte fondateur est taillé sur mesure pour fragiliser le plus haut responsable de l’institution qui, en l’occurrence, est le seul dont le mandat dépend de la volonté du président du Faso : " Sauf pour son président, les membres du Conseil constitutionnel sont nommés pour un mandat unique de 9 ans. " (art.152, al 2) Le président apparaît ainsi clairement comme le ventre mou de l’institution. On peut se demander pourquoi dans ces conditions, Idrissa Traoré n’ait pas cherché à cultiver dans la sagesse. Selon de nombreux observateurs, l’homme se serait au contraire singularisé dans un exhibitionnisme absolument préjudiciable à l’image de l’institution qu’il est censé incarner, au point de provoquer des remous au sein même de la maison.

La rumeur d’une démission imminente d’un de ses proches collaborateurs avait un temps couru, mais il semble que l’intéressé avait été dissuadé en raison du scandale qu’une telle démission aurait créé. Mais l’image la plus grotesque et la plus pénible que l’on aura reçu de lui, c’est sans doute celle du président, surveillant de chantier, à l’occasion de la réfection du siège du Conseil constitutionnel.

On ose à peine croire ce qui a pu à ce point transformer un président d’institution en un chef de chantier, au point qu’il fasse l’objet de quolibets, alors qu’il existe pour cela des services compétents. Et quand on découvre qu’à la base de ce zèle, il y avait un probable deal mafieux qui a valu à l’institution un procès devant le tribunal administratif, après de vaines tentatives de règlement à l’amiable, on comprend alors pourquoi le président du Faso a mis un terme à l’aventure de ce magistrat affairiste. Il s’agit là d’une mesure conservatoire qui intervient néanmoins sur le tard, parce qu’il revient à l’Etat de payer la note.

En revanche, l’Etat est parfaitement dans son droit s’il se retourne contre l’ancien président pour lui faire rendre gorge. D’ailleurs, dans un Etat en quête de bonne gouvernance, cet Etat " capable, intelligent et efficace " dont se réclame le Burkina Faso, Idrissa Traoré est tout simplement passible de sanctions administratives, nonobstant les poursuites judiciaires dont il pourrait faire l’objet, pour avoir été la cause d’un préjudice causé à l’Etat.

Il ne faut pas non plus oublier que dans cette affaire, un entrepreneur burkinabè a été poussé à la ruine par la faute d’un autre Burkinabè à qui l’on a confié une parcelle de pouvoir et qui l’a malheureusement détournée à son profit. On imagine les drames familiaux et sociaux qui en ont résulté et dont certains sont probablement irréparables ! Une partie des torts vient d’être redressée par la justice burkinabè, mais on attend toujours de voir jusqu’où elle peut aller

L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 18 septembre 2007 à 09:39, par Jacky En réponse à : > Le coup de balai du prince

    Bonne analyse de la part de "l’évènement" à mon avis ! La thèse selon laquelle Idrissa Traoré aurait été débarqué à cause de sa "petite phrase" lors de l’investiture du President semblait en effet trop légère. Espérons donc que cela soit le debut d’un menage au sein de nos institutions republicaines pour leur donner plus de credibilité aux yeux des Burkinabé. Bonne journée à tous !

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