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Fiscalité : Les limites de la politique fiscale

Publié le jeudi 13 septembre 2007 à 06h35min

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Pour de nombreux observateurs et spécialistes du développement des pays africains, une des faiblesses de nos économies réside dans l’insuffisance des investissements (publics et privés). Les opérateurs économiques nationaux n’ont pas suffisamment les moyens pour créer des entreprises à même de doper l’économie.

Ces moyens manquants sont aussi bien financiers mais également humains. Nous n’avons pas toujours les ressources humaines nécessaires en quantité et en qualité. L’une des solutions fréquemment évoquée et utilisée est la fiscalité. C’est ce que beaucoup de pays ont fait. Mais au regard des résultats obtenus, on peut s’interroger sur l’efficacité de l’instrument fiscal.

Les rôles que l’on attribue traditionnellement à la fiscalité sont financier, économique et social. Ce sont les critères du développement. Sur le plan financier, le système fiscal doit être en mesure de trouver les ressources nécessaires au fonctionnement de l’Etat, comme une entreprise a besoin de recettes pour payer par exemple les salaires et assurer ses investissements. Sur le plan économique, il est demandé á la fiscalité d’être capable d’attirer les investisseurs, aussi bien nationaux qu’internationaux. Ces investisseurs doivent créer des emplois par les embauches et in fine augmenter la richesse nationale. Sur le plan social, les animateurs du système fiscal doivent en faire un instrument de redistribution des revenus, un outil à la disposition des pouvoirs publics pour une équité dans les revenus qui sont distribués aux travailleurs.

Ces différents rôles qui sont attribués à l’impôt, dans une économie de marché, sont bien connus, même s’ils sont contradictoires dans leur mise en œuvre. L’impôt a été utilisé "à fond" dans nos pays comme instrument de développement économique et social. Mais, il convient de dire que la fiscalité ne peut pas tout faire, contrairement à ce qui se fait souvent sous nos tropiques.

1 - L’apport de la fiscalité á l’action économique

Il est incontestable que l’impôt constitue un point d’appui important que les pouvoirs publics utilisent dans leurs stratégies de développement. En tant que charge pour l’entreprise, son montant, les conditions de son recouvrement et les modalités de sa détermination sont analysés avec beaucoup d’attention par l’entrepreneur, par l’investisseur. L’impôt réduit le pouvoir d’achat du salarié, dans le sens qu’il diminue le montant de ses revenus. Un salaire avec IUTS et un salaire sans IUTS ne sont pas vus avec le même œil par le salarié. Il regarde donc les taux applicables sur ses revenus comme l’entrepreneur sera attentif chaque année à la loi de finances et aux nouvelles dispositions fiscales.

Les Etats africains ont, dès le début des indépendances et de la souveraineté, mis le système fiscal en bonne place. Il a été mis pratiquement sous tutelle par les nouvelles autorités, au même titre par exemple que la monnaie. La politique fiscale était étudiée avec toute la minutie nécessaire. Pour marquer cette situation, les postes de ministres chargés des recettes fiscales (ministres des Finances dans certains cas, ministres du Plan dans d’autres cas) étaient détenus par les plus hautes autorités (les premiers ministres, voire les chefs d’Etat). L’instrument fiscal était pris avec tout le sérieux comme la défense du territoire ou les problèmes de sécurité intérieure.

La voie utilisée était (est ?) les incitations fiscales. Autrement pour emmener l’investisseur, il lui était proposé des aides fiscales. Ces aides variaient en fonction de l’importance des investissements et des conséquences économiques et sociales dans le pays. Ainsi dans tous les pays, les législateurs ont adopté des codes des investissements, aussi attractifs les uns que les autres. C’est à celui qui ferait le code ou la loi qui donnera le plus d’avantages. Ces codes et ces lois étaient constamment modifiés selon les exigences des partenaires, des bailleurs de fonds et des investisseurs nationaux mais surtout étrangers. Ils se sont appuyés essentiellement sur les exonérations, les abattements ou les affranchissements.

Les résultats de cette politique que l’on peut qualifier de volontariste ont été mesurés á l’occasion de beaucoup de réunions, colloques et dans de nombreux écrits et études. Cette politique a produit des effets que l’on peut juger de largement positifs, du moins dans les vingt premières années de leur mise en œuvre, contrairement à ce que certains ont pensé. Un pays comme la Côte d’Ivoire a attiré de nombreux investisseurs (on en dénombrait environ 3 000 au début des années 1990). Mais les nombreuses évolutions au plan économiques (la détérioration des termes des échanges au début des années 1980 par exemple), ont profondément modifié les données. Une étude menée par les Nations unies en 1990 a conclu que l’Afrique était le continent le moins industrialisé, et que surtout la chute a commencé au début des années 1980. Depuis lors, tous les spécialistes le constatent. Le continent n’avance pas et la fiscalité ne joue plus pleinement son rôle dans le processus de développement.

2 - Les limites de la politique fiscale

L’action économique sélective par le biais des incitations ou des aides fiscales n’est pas nécessairement efficace. Soyons concret. Les entreprises intègrent le paramètre fiscal dans leurs décisions et leur gestion. On a pu ainsi observer que les incitations à investir, outre le fait qu’elles pouvaient favoriser les investissements les moins rentables, étaient d’une portée limitée dans la mesure où elles n’entraînaient le plus souvent qu’une simple anticipation des investissements, avec un faible effet sur le volume de l’investissement lui-même. Cela a d’ailleurs conduit de nombreux législateurs à préférer baisser directement le taux de l’imposition des bénéfices et à intervenir ainsi plus globalement sur les conditions économiques de l’investissement.

On connaît aussi les effets quasi mécaniques des reconductions des exonérations. Cette politique est souvent utilisée par certains investisseurs comme des moyens de pression pour avoir encore plus. Le chantage apparaît au moment où l’investisseur a amorti ses dépenses (les taux accélérés leur sont souvent accordés, de sorte que le matériel est très vite repris dans la comptabilité). Il en redemande et se prépare à fermer boutique s’il n’est pas satisfait.

Il faut aussi prendre en compte le fait que de plus en plus, les décisions prises en matière fiscale sont insérées dans un environnement juridique et conventionnel de plus en plus complexe. On sait que les directives et autres décisions de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ou celles à venir limitent ou limiteront le champ d’intervention des Etats, qui ne peuvent ou ne pourront plus aider un secteur particulier de l’économie sans un accord des autorités de la Commission, par exemple.

De l’autre côté, l’importance de la pression fiscale peut poser le problème de l’efficacité de la politique fiscale. Une trop forte pression fiscale n’est pas recommandée. Outre les effets dissuasifs sur l’initiative privée d’un prélèvement fort et les aspects psychologiques négatifs d’un système souvent perçu comme bureaucratique et complexe, il faut souligner que "trop d’impôt tue l’impôt" et qu’un poids fiscal excessif tend à favoriser la fraude et la dissimulation.

Il importe donc de trouver le juste milieu et analyser la politique fiscale quasiment au cas par cas, secteur d’activité par secteur d’activité, localité par localité, et non des politiques globales qui sont souvent la règle.

Amadou N. YARO Directeur général du Centre d’Enseignement à Distance de Ouagadougou

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 13 septembre 2007 à 16:47, par Malick En réponse à : > Fiscalité : Les limites de la politique fiscale

    Bonjour,

    Je voudrai apporter ma modeste contribution à cette problématique de la fiscalité au Burkina Faso. Je demande l’indulgence de Cyriaque car mon message est un peu long.

    Je suis un transporteur routier dont les camions semi remorques effectuent des déplacements sur les différents ports de la sous région.
    Mon intervention porte sur la fiscalité dans ce domaine qui, à mon avis est complètement irréaliste. Pour m’expliquer, je vous relate la situation actuelle au Burkina Faso à travers un exemple personnel concret.

    Lorsque un de mes camions quitte Ouagadougou pour Lomé, je le fais partir vide, en ce sens qu’il ne transporte rien sur l’axe Ouagadougou- Lomé. Arrivée à Lomé, le véhicule charge 40 tonnes de marchandises à destination de Ouagadougou à raison de 28 000 FCFA la tonne pour un total de 1 120 000 FCFA. Ci-dessous, les dépenses issues de ce montant :
    -  Frais de route Aller vide Ouaga-Lomé : 225 000 FCFA
    -  Frais de chargement de marchandise à Lomé : 50 000 FCFA
    -  Frais de route Retour chargé de 40 Tonnes Lomé-Ouaga : 450 000 FCFA
    TOTAL : 725 000 FCFA
    Résultat d’exploitation : 1 120 000 FCFA - 725 000 FCFA = 395 000 FCFA.

    Le déplacement du camion me rapporte ainsi théoriquement 395 000 FCFA par voyage.

    Là où le bas blesse, c’est lorsque l’administration fiscale entre en jeu. En effet, je suis tenu de payer les frais supplémentaires suivants sur les 1 120 000 F :
    -  18% de TVA sur le chiffre d’affaire soit 1 120 000 F x 18% = 201 600 FCFA
    -  35% d’impôt BIC sur le résultat d’exploitation du voyage soit 395 000 F x 35% = 138 250 FCFA
    -  11 610 FCFA à la CNSS par mois
    -  7 120 FCFA d’Iuts/TPA par mois
    TOTAL : 358 580 FCFA

    En résumé, sur un voyage avec un chiffre d’affaire de 1 120 000 F, j’ai des dépenses dues au trajet de 725 000 F + 358 580 F de dépense fiscale pour un total de 1 083 580 FCFA.

    Théoriquement donc, en déclarant honnêtement mes activités auprès de la direction des impôts, un camion en 1 voyage me rapporterait 1 120 000 F - 1 083 580 F = 36 420 FCFA.

    Ainsi donc avec une moyenne de 2 voyages dans le mois, si choisis de déclarer honnêtement mes résultats, je me retrouverais mensuellement avec 36 420 F x 2 voyages soit 72 840 FCFA par camion par mois.

    Par contre si choisis de ne pas déclarer, avec une moyenne de 2 voyages dans le mois, je me retrouverais mensuellement avec 395 000 F x 2 voyages soit 790 000 FCFA par camion par mois.

    Quant on sait qu’un bon camion coûte près d’une vingtaine de millions de FCFA et quant on connaît l’énorme risque qu’il y a dans ce métier (il peut avoir un accident ou une panne majeur à tout moment !), pourrait-on le rentabiliser avec des recettes de 72 840 F par mois, quant on sait en plus qu’il y a en sus les assurances, les visites techniques, les salaires des chauffeurs, etc.?

    Peux t on être surpris qu’avec une fiscalité aussi inappropriée, une part importante des transporteurs ne déclarent pas leurs résultats ou les tronquent ? Quelle est l’idée de nous demander de payer la TVA sur notre chiffre d’affaire comme si nous la percevions de nos clients ?? Les camions immatriculés au Togo ou au Ghana qui transportent des marchandises vers le Burkina paient-ils 18% de TVA sur leur chiffre d’affaire ?? Les camions maliens ou nigériens qui traversent le territoire burkinabé paient ils 18% de TVA ??

    Respectueusement,
    Malick Tankoano.

    • Le 2 juin 2019 à 10:43, par Manitou En réponse à : > Fiscalité : Les limites de la politique fiscale

      Salut mon frère !
      Je veux attirer votre attention sur les points suivants :
      Ce que vous appelez frais de route si au delà du carburant vous payez de faux frais cela s appelle des libéralités qui ne peuvent pas déduite comme charge fiscale.
      La TVA au taux de 18% n est pas une taxe a votre charge mais a la charge de votre client demandeur de la prestation de transport.
      Le taux de BIC indiqué n est pas bon car actuellement’ il est progressif let le taux maximum est de 27’. 5%.
      Pour les transporteurs étrangers la TVA est payée au cordon douanier et des retenues sur prestations étrangères sont opérées.

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