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Blaise Compaoré face à des médias audiovisuels : "Que justice soit faite pour Charles Taylor et pour l’Afrique"

Publié le mardi 11 septembre 2007 à 08h10min

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Depuis le nouveau palais présidentiel de Ouaga 2000, "Kosyam", le président du Faso, Blaise Compaoré a accordé, jeudi 6 septembre dernier, un entretien de plus d’une heure à la télévision nationale, à Canal 3 et à Radio France Internationale.

Se prêtant aux questions de Pascal Yemboini Thiombiano, Rémi Dandjinou et Mamadou Alpha Barry, le chef de l’Etat burkinabè a fait un tour d’horizon de l’actualité nationale et internationale. Vingt ans de pouvoir de Blaise Compaoré, guerre des clans au sein du parti majoritaire, inondations du mois d’août, rapport de la Cour des comptes, situation des agents du ministère des Affaires étrangères, Charles Taylor, dialogue inter ivoirien, relations diplomatiques... ont entre autres constitué les centres d’intérêt de cet entretien.

Votre nouveau palais s’appelle officiellement Kosyam ?

Blaise Compaoré (B.C.) : C’est une appellation qui découle de la rumeur. Comme la zone s’appelait Kosyam, les gens ont supposé que le palais ne pouvait que porter ce nom. Lorsque nous allons nous installer pour le travail, nous allons définir de façon réglementaire, la dénomination de ce palais.

Dans quelques jours, le 15-Octobre sera célébré au Burkina Faso. Cela fait 20 ans que vous êtes au pouvoir. Comment vous sentez-vous après toutes ces années passées à la tête du pays ?

B.C. : Je me sens en forme. Je me sens toujours déterminé à œuvrer pour le bien-être des populations du Burkina Faso afin de faire avancer notre pays.
Je me sens surtout bien dans ce peuple qui est d’une grande maturité. Je me réjouis pour les objectifs atteints avec la mobilisation et la détermination de ce peuple et des différentes directions qui ont assumé avec moi les responsabilités au sommet de l’Etat. Je constate qu’à travers le monde, la liberté et le progrès sont les quêtes les plus importantes quel que soit le continent.
Aujourd’hui, on peut se rendre compte que sur ces deux terrains, les évolutions positives sont nombreuses au Burkina Faso et il faut nécessairement saluer ce fait.

Maître Bénéwendé Sankara a refusé de participer à un colloque international auquel Roch Marc Christian Kaboré l’a invité. Que pensez-vous de cela ?

B.C. : Je n’ai pas de sentiment à livrer sur ce qui s’est passé. C’est un choix. Il ne nous revient pas de le commenter, au-delà de ce que nous constatons.

La constitution actuelle vous donne le droit de rester au pouvoir jusqu’en 2015. Allez-vous passer la main après ?

B.C. : D’ici à 2015, il y a beaucoup de travail à faire, surtout pour moi ayant pris des responsabilités devant les populations du Burkina Faso. Il vaut mieux d’abord que j’assume ces responsabilités, avant d’imaginer l’après 2015. Cette affaire concerne avant tous les Burkinabè.

Vous avez passé les 20 ans de gouvernance avec quasiment les mêmes leaders politiques aux affaires. N’est-il pas temps d’insuffler une nouvelle dynamique avec une nouvelle approche, un renouvellement de la classe politique ?

B.C. : Quand on assume la direction d’un pays, ce n’est pas un théâtre de marionnettes. Pour le peuple, ce qui est important, ce sont les conquêtes. C’est cela qui intéresse le peuple plutôt que la tête des uns et des autres. Les équipes qui gagnent, qui font avancer le progrès, qui maintiennent la justice et les libertés intéressent la majorité de la population.

Ne pensez-vous pas qu’un ministre qui fait plus de 10 ans à son poste est menacé par l’usure du pouvoir ? N’y a-t-il pas de la sclérose qui s’installe ?

B.C. : Sclérose ou pas, ce sont des mots. Moi, je me mets sur le terrain des transformations que nous sommes en train d’assurer. C’est ce qui m’intéresse le plus, ainsi que la population. L’important, c’est d’atteindre les objectifs que nous nous sommes assignés et qui coïncident avec les intérêts majeurs du peuple.
C’est ce débat qui m’intéresse le plus plutôt que celui de l’usure des hommes, du changement d’équipe, un peu comme au théâtre où il faut de nouveaux personnages en fonction des scènes.

Pensez-vous qu’après une vingtaine d’années au pouvoir, il est essentiel de penser à un dauphin ?

B.C. : Je ne me suis pas choisi ! C’est avant tout des votes populaires. C’est le choix du peuple qui m’a installé à la tête de l’Etat. Dans le Burkina Faso d’aujourd’hui, nous sommes définitivement installés dans cette logique. Pour cette raison, il faut attendre après moi que le peuple décide.

Le Burkina Faso a connu des scrutins dont des municipales et des législatives. Votre parti, le CDP a remporté un bon nombre de victoires. Comment avez-vous vécu tout cela ?

B.C. : Ce résultat ne m’a pas surpris, puisque les législatives se sont déroulées après les municipales fort réussies, mais surtout après la présidentielle. Il faut faire coïncider ces résultats avec les objectifs. Les réalités du terrain montrent que le CDP qui est un parti dirigeant a assumé ses différentes fonctions avec succès et responsabilité.
Ce qui a valu à notre pays des résultats que les populations à travers le vote ont simplement apprécié !

Au sein du CDP, on parle de plus en plus de querelles entre votre frère François Compaoré et votre fidèle ami Salif Diallo. Vous est-il arrivé de les appeler et leur parler ?

B.C. : C’est vous les journalistes, qui avez l’impression d’avoir toujours beaucoup d’informations. On se demande si vous n’en créez pas souvent. Vous faites mousser et après vous dites que le pays est en train de basculer, alors qu’il n’en est rien. Il y a des vues d’esprit qui ne sont pas des réalités. Le rôle du président n’est pas de réunir des citoyens pour les aider à se rapprocher sur quoique ce soit.
Des responsables, surtout politiques comme vous les avez cités savent qu’ils ne peuvent assumer correctement leurs missions qu’en étant ensemble.
Je n’ai jamais eu à intervenir entre François Compaoré et Salif Diallo parce que je ne trouve pas qu’il y ait d’éléments de divergence suffisamment graves.

Au-delà de ces deux personnalités, on parle de clivages au sein du CDP, des clans se créent. Là également, s’agit-il de vues d’esprit ou est-ce une réalité ?

B.C. : Il n’y a pas de parti politique au monde où il n’y a pas de clivages, de clans, de débats d’idées qui donnent l’impression que ce sont des courants contradictoires.
Mais vous vous rendez compte qu’à chaque bataille électorale, le parti se réunit autour des objectifs majeurs pour obtenir de bons résultats. Je ne crois donc pas que ce soit là des difficultés pour un parti d’atteindre ses objectifs. C’est plutôt le signe d’un dynamisme démocratique au sein du parti.

D’aucuns n’hésitent pas à dire que les nombreuses victoires du CDP sont dues à l’utilisation des moyens de l’Etat par notre parti ?

B.C. : Ce sont des débats dans le vide. Si l’on se réfère aux processus électoraux dans le monde, même en Afrique, les moyens utilisés sont supérieurs aux nôtres, mais les résultats ne suivent pas. Croyiez-vous que c’est parce que le CDP dispose de moyens, de gauche à droite, qu’il a l’adhésion des populations de ce pays ? On ne parviendra jamais à avoir suffisamment de moyens pour distribuer aux gens et les faire voter. Les populations ont besoin de routes, de pistes rurales, d’écoles, de centres de santé, que la production agricole augmente. Et la production économique d’une façon générale augmente pour satisfaire leurs besoins d’emploi. C’est à partir de là qu’il faut juger les résultats du CDP au lieu de renvoyer sans preuve le débat à l’utilisation des moyens de l’Etat. Le CDP a toujours justifié les moyens qu’il utilise dans les campagnes électorales.

N’y a-t-il lieu d’imaginer maintenant des formules pour définir et clarifier les dépenses de campagnes électorales au Burkina Faso ?

B.C : Il faut aller vers une grande clarification ou de ces dépenses de campagne voire même leur communication, car ce serait dans l’intérêt du parti mais aussi de l’ensemble du pays étant donné qu’on aurait pu dépenser cette somme ailleurs. Je suis d’accord avec vous qu’il faut imaginer des formules. Il faut travailler d’ailleurs pour la clarification des dépenses des campagnes électorales.

Vous dites que la presse a tendance à créer l’information et à la faire mousser. Ce qui n’est pas toujours le cas. Comment appréciez-vous la présence de plus en plus médiatique sur la scène politique de votre frère conseiller à la présidence. On a comme l’impression que c’est une succession qui se prépare (un peu) comme on le voit dans d’autres pays. De plus en plus le petit frère remplace le grand frère ou le fils succède au père. L’attitude de votre cadet est-il un message ou un dessein prévu ?

B.C. : Je ne pense pas que ce soit le cas. J’ai un frère qui essaie d’être le moins visible. Je crois que c’est évident. S’il a des ambitions de conquérir le pouvoir, il connaît les réalités constitutionnelles de ce pays et il sait comment il faut se battre pour arriver à un poste politique. Il n’a jamais parlé d’une quelconque ambition. Peut-être que vous avez des relations avec lui et que vous en êtes plus informé.

Comment appréciez-vous le fait qu’il y ait des associations de jeunes qui soient soutenues par un homme politique et d’autres par un autre dont votre frère ?

B.C. : Mon frère n’a-t-il pas le droit de se mêler de politique ou de soutenir une association ? C’est un Burkinabè comme tous les autres. Donc, il faut le laisser continuer son travail. On verra par la suite.

Il y a quelque temps, des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères qui ont été envoyés dans d’autres ministères, l’Institut diplomatique et de relations internationales (IDRI) a été fermé. La justice vient de demander la suspension de la décision du conseil des ministres. Votre gouvernement n’est-il pas allé trop loin ?

B.C. : Non ! Pourquoi ?

Si on forme des compétences, au lieu de les utiliser là où on a dépensé de l’argent pour les former, ou les met dans d’autres ministères, est-ce que ce n’est pas pour aller créer...

B.C. : Qu’est-ce que vous appelez compétences ? Des gens qui portent des jeans avec des pancartes, qui insultent leur pays alors que leur mission consiste à le défendre en soignant son image. Je ne comprends pas. C’est ceux-là que vous appelez compétence ?

Cela veut-il dire qu’ils n’ont pas la chance de revenir au ministère des Affaires étrangères ?

B.C. : Ecoutez, le dossier est en justice, laissez la justice suivre son cours et après, on verra.

Pour terminer avec la politique, nous avons vu qu’à la suite des élections législatives à Ouagadougou dans le Kadiogo, l’opposition s’en est tirée avec cinq sièges sur les neuf à pourvoir. N’est-ce pas alarmant pour le CDP, malgré ses nombreuses victoires que vous avez expliqué tantôt ?

B.C. : C’est le mode de scrutin qui a permis à l’opposition d’obtenir ces cinq sièges au Kadiogo. Car les voix avec lesquelles elle a recueilli ces cinq sièges ne valent pas celles du CDP, qui en a quatre. C’est le mode de scrutin qui joue en leur faveur. Imaginez qu’on utilise ce mode scrutin en France. On allait avoir 111 circonscriptions électorales. Combien de députés allez-vous donner à l’opposition ? Le mode de scrutin tel qu’il est fait permet effectivement à l’opposition d’être présente à l’hémicycle pour alimenter le débat démocratique.

Dans le cadre de la propottionnelle au plus fort reste pour les législatives notamment, ne serait-il pas judicieux de prendre la région comme circonscription électorale plutôt que la province ?

B.C. : Si vous avez suivi le débat il y a 5 ans, il y avait des provinces qui n’avaient même pas de députés. Il fallait faire en sorte que chaque province ait au moins un député. Ce qui a été apprécié vivement à l’Assemblée et la loi a été corrigée dans ce sens. Même les modes de scrutin dans les pays qui ont deux siècles de démocratie au moins suscitent des débats. Le mode de scrutin pratiqué dans notre pays permet une déconnexion, correspondant aux réalités des votes populaires. C’est des détails importants pour nous, mais ce n’est pas là l’essentiel.

Nous allons parler économie maintenant avec la privatisation de l’ONATEL, en partant vers celles de l’eau, de l’électricité, la SONABHY. Peut-on dire que c’est un processus qui est engagé et qui est irréversible ? Pour le cas de la SONABHY par exemple qui a du mal à gérer la flambée du prix du carburant ?

B.C. : Il ne faut pas considérer les privatisations ou la libération des économies aujourd’hui sur un plan sentimental ou sur une base financière. Dans cet environnement international, le Burkina Faso a une économie de faible compétitivité. Or, pour être compétitive, il faut mobiliser et avoir des moyens que certaines sociétés comme l’ONATEL, n’avait plus les capacités de rassembler des financements pour assurer des investissements et sa privatisation à satisfaire les besoins, les attentes qui sont aujourd’hui très nombreux est une décision louable.

Si vous observez le programme qui a été conçu pour l’après-privatisation de l’ONATEL, vous verrez que c’est non seulement dans l’intérêt des ressources fiscales publiques, mais aussi de celui de la population parce que les extensions du téléphone, de l’internet, vont aider à la fois l’économie, le commerce, l’enseignement, les formations. Les opérations de privatisations sont conçues dans cet esprit. Il faut se passer des débats passionnels pour voir les réalités actuelles de l’économie nationale qui ne demande qu’à être compétitive. C’est vrai, au regard des fluctuations du prix de pétrole dans le monde, il y certainement lieu de voir quels moyens doit-on donner à la SONABHY pour juguler la flambée des prix.

Si on prend notamment les cas des hydrocarbures, de l’eau et de l’électricité, ne peut-on pas véritablement soustraire ces secteurs de la privatisation ?

B.C. : C’est vous qui êtes en train de me dire que l’on va privatiser l’eau et l’électricité.

C’est clair donc qu’ils ne seront pas privatiser ?

B.C. : Non, j’ai dit que nous cherchons des formules pour rendre ces structures beaucoup plus performantes pour résister au problème qui ne manqueront pas d’arriver si nous ne faisons rien. Il est certain que les plus urgents, c’est certainement la SONABHY et les autres côtés de l’énergie qu’il faut arriver à réformer pour permettre d’alléger les charges de l’Etat et se consacrer à d’autres domaines.

En recherchant justement ces formules générales pour alléger les charges de l’Etat, tient-on compte notamment de la faiblesse du pouvoir d’achat des populations ?

B.C. : Mais, il est certain que l’ouverture déjà de la compétition pour le téléphone va jouer sur le coût. Je crois que ces dernières années, l’ONEA a quand même déployé beaucoup d’efforts pour baisser les coûts de branchement et autres qui étaient déjà parfois la plus grande difficulté pour celui qui avait besoin de l’eau. Nous travaillons bien sûr selon nos moyens mais nous avons toujours l’objectif qu’il faut conduire ce pays en tenant compte des réalités économiques des citoyens.

Vous vous êtes personnellement battu pour l’arrêt des subventions au coton mais jusque-là il n’y a aucune solution. Face à ce qui se dit dans certains coulisses, "il n’y a pas de remèdes", ne faut-il pas procéder à la dévaluation du franc CFA puisque le gouverneur de la BCEAO a dit que c’est à vous que l’on doit poser cette question étant président en exercice de l’UEMOA ?

B.C. : Quand on parle de dévaluation du franc CFA, je ne sais pas si c’est parce que pour l’instant, une matière connaît des difficultés qu’il faut déprécier toute la monnaie. Le coton certes est important pour le Burkina Faso, mais quand on observe toute l’économie de l’Union, cette matière n’a pas une position qui fait qu’aujourd’hui face à une crise, que nous sommes en train de juguler par des reformes internes que par des assistances à la filière, l’on soit amené à dévaluer le franc CFA. Ce n’est pas le moment de parler de changement de parité de la monnaie de notre Union. D’une manière globale, l’économie de l’UEMOA enregistre entre 4 à 5% de croissance et une inflation maîtrisée. Ce sont des données qui permettent d’ouvrir de bonnes perspectives pour l’économie.

Faut-il continuer de produire du coton en quantité avec toutes les difficultés que connaît la filière ?

B.C. : Ce n’est pas la production en quantité du coton qui importe, mais la recherche de la compétitivité de toute la filière. C’est pour cela que le coton transgénique est en expérimentation chez nous parce qu’il résiste mieux aux aléas climatiques contrairement au coton biologique. Cela permettra de rendre le secteur plus compétitif. Nous sommes également en train d’expérimenter avec l’aide de pays amis, d’autres filières agricoles. Car il faut diversifier davantage notre agriculture pour offrir plus d’opportunités au monde paysan. L’économie mondiale, c’est cela. Le cours d’une matière peut monter pendant 4, 5 ou 6 ans puis chuter après. C’est pourquoi nous envisageons de mettre l’accent sur la transformation. En transformant sur place ce que nous produisons, cela permettra de gagner en valeur ajoutée.

Vous parlez de transformation, pourtant il y a des cas comme ceux de FASOTEX qui, malgré l’existence du coton au plan national, se voit obligé d’importer d’autres matières premières, comme le fait aussi la Diamond Ciment dont le klinker vient du Togo. Finalement, l’on fabrique sur place des produits hors de portée du pouvoir d’achat des Burkinabè... N’y a-t-il pas une contradiction dans les efforts de transformation ?

B.C. : C’est vrai que Fasotex importe des matières premières brutes comme le créton et autres, mais il doit être possible à partir de la structuration de la filière, de fabriquer des fils et des tissus sur place avec le coton local. Tous ces produits pourront être utilisés par Fasotex. La filière coton va aller de bout en bout, aboutir à plus d’échanges avec Fasotex. C’est vrai que nous connaissons des problèmes d’électricité qui constituent un grand souci pour l’industrie textile. C’est la raison pour laquelle la construction du barrage de Samandeni est lancée pour offrir plus d’énergie à faible coût aux entreprises qui seront installées dans la zone. La résolution du problème d’électricité est un enjeu majeur.

Pour améliorer le pouvoir d’achat, certains syndicats n’hésitent pas à suggérer que les salaires des fonctionnaires soient doublés. Qu’en pensez-vous ?

B.C. : Ce n’est même pas un débat que les salaires soient doublés. Un pays qui réalise 400 milliards FCFA de recettes et effectue des dépenses de 200 milliards F CFA en frais de personnel, peut-il doubler les salaires de ses travailleurs ? C’est de la folie.

Que répondez-vous aux Burkinabè qui pensent pourtant que l’augmentation des salaires est possible si l’Etat accepte de diminuer son train de vie ou le nombre de portefeuilles ministériels qui va croissant ?

B.C. : L’Etat burkinabè fonctionne avec le strict minimum. Ce n’est pas avec deux ou trois ministres en moins que l’on changera grand-chose aux réalités économiques du Burkina Faso. Si nous allons vers des restructurations et des privatisations, c’est pour alléger le poids de l’Etat dans certaines sociétés ou industries, de sorte à lui donner des possibilités d’agir ailleurs. Le gouvernement burkinabè ne fonctionne pas au-delà des moyens du pays. Une petite comparaison permet de s’apercevoir qu’un ministre ne coûte pas plus cher qu’un directeur.

Le dernier rapport de la Cour des comptes a fait couler beaucoup de salive dont, entre autres, la mairie centrale de Ouagadougou qui a été épinglée pour des irrégularités dans les procédures de passation de marchés. Les recommandations de la Cour vont-elles être prises en compte ?

B.C. : Le gouvernement a mis en place une structure pour à la fois, suivre les recommandations de la Cour des comptes et surtout, veiller à corriger les erreurs et les insuffisances que cette institution a eu à relever. Dans ce cadre, des dossiers seront certainement transmis à la justice. On ne peut pas éviter cet aspect dans le travail d’une Cour si l’on veut lutter contre les abus. Car dans le rapport de la Cour des comptes, des institutions et des collectivités ont été mises en cause et seule une appréciation permettra de connaître où se trouve la réalité.

Comment expliquez-vous le fait qu’au-delà de la Cour des comptes, il y a le RENLAC, la Haute autorité de coordination de la lutte contre la corruption dont les rapports dorment dans les tiroirs ?

BC. : Dormir dans des tiroirs veut dire quoi ? Parfois, des structures rédigent et publient des rapports renfermant des choses qui ne sont pas réelles. Le gouvernement ne peut pas passer le temps à s’occuper de ceux-là. Il doit travailler avec ses propres institutions comme la Cour des comptes chargée de la lutte contre les malversations dans la gestion de l’administration. Si le gouvernement doit faire de chaque association qui se crée dans ce pays, une institution de la république, il ne pourra pas travailler.

N’y a-t-il pas un peu trop d’institutions (Haute autorité de coordination de lutte contre la corruption, Cour des comptes, Inspection générale d’Etat) ? Ne peut-on pas les regrouper afin de gagner en efficacité ?

BC. : Depuis le gouvernement du Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli, la réflexion est engagée sur la question. Et d’ici à la fin de l’année, il y aura un débat entre le gouvernement et l’Assemblée nationale en vue d’aboutir à un projet de loi dans ce sens en vue de donner plus de qualité aux structures en charge des questions de malversations au sein de l’administration publique. Cela pour leur offrir plus de capacité à agir avec une célérité beaucoup plus forte.

Votre programme quinquennal "Le progrès continu pour une société d’espérance" prend-t-il en compte le renforcement de la bonne gouvernance ? Car les marchés publics sont de plus en plus mal exécutés. Il y a des ponts qui tombent, des écoles qui s’écroulent...N’y a-t-il pas lieu d’assainir les conditions de passation de marchés et renforcer leur exécution ?

BC. : Il faut qu’on s’entende. Il y a des ponts qui s’effondrent aux Etats-Unis, en Europe ou partout dans le monde. Il n’y a pas de routes qui résistent à la dégradation de leurs matériaux de construction (béton, fer....) lorsque ceux-ci sont menacés par des éléments naturels tels le feu, le vent, l’eau...Quand une infrastructures routière est détériorée quelque part au Burkina Faso, c’est comme si sur toute la chaîne, il n’y a jamais eu de route bien construite.

Comment expliquez-vous que des ponts ou des routes s’effondrent en moins d’un an de leur réalisation ? Est-ce les éléments naturels ou la mauvaise exécution qu’il faudra remettre en cause ?

BC. : Je suis d’accord qu’il y a parfois un problème de contrôle des chantiers et des ouvrages. Mais est-ce qu’il ne faut pas voir cela à travers les limites des capacités des structures qui exécutent ces marchés ? Les entreprises réalisant les travaux ont-elles le potentiel suffisant en matière de bâtiments, de ponts et chaussées pour assumer les ouvrages avec toute la responsabilité et la qualité requises ? Ce n’est pas toujours évident. Et il nous appartient de travailler dans le sens de la formation et de l’encadrement. Ce à quoi nous nous attelons.

Malgré le suivi d’une structure de contrôle de dimension internationale, une portion de la Nationale 1 (Ouagadougou-Bobo-Dioulasso) a pourtant connu une dégradation rapide dénoncée par plusieurs enquêtes dont celle du parlement...

BC. : Le coût du bitumage par kilomètre a été évalué à 20 millions de F CFA. Où il s’agissait d’une sorte de surfaçage de la voie dont le coût remontait autour de 30 millions de F CFA par kilomètre. Le bitume n’était pas aussi puissant pour donner de consistance à cause de certaines erreurs dont je n’ai pas connaissance. Il est certain que les coûts de construction sont en partie responsables de cette dégradation rapide. Si la route avait été auparavant réalisée avec le coût de 200 millions au kilomètre comme c’est le cas actuellement, le trafic quoique dense du fait de la position de pays de transit, ne l’aurait pas emporté.

Sur le papier, on parle de 67% de taux de scolarisation, de 80% de taux de couverture de vaccination. Or lorsqu’on observe à l’intérieur du pays, il y a un fossé entre ces chiffres et la réalité. N’y a-t-il pas plutôt une conquête de chiffres que de bilan ?

BC. : Il est certain que nous avons des installations socioéconomiques qui fonctionnent et que par moment connaissent des difficultés. Simplement parce que la gestion de ces infrastructures n’est pas toujours au point. Ainsi, nous travaillons à former davantage de citoyens dans les villages et les localités décentralisés afin qu’ils veillent à une meilleure prise en charge des installations. Car c’est là que se trouve le véritable problème. Il y a plus de 50 000 forages modernes qui ont été réalisées au Burkina Faso. Si on compare ce chiffre avec le nombre de villages ou de populations, on peut l’apprécier à sa guise.

Le Burkina Faso est inondé, on peut le dire, puisque il y a 11 régions sur 13 qui sont touchées par les inondations. On a l’impression que le gouvernement souffre d’un problème de capacité de réaction. Les secours arrivent assez tard. A cela s’ajoute les conflits entre agriculteurs et éleveurs. Pourquoi le gouvernement n’arrive-t-il pas à prévoir ou les résoudres définitivement à tel point qu’ils se répètent chaque année ?

BC. : Le gouvernement ne peut pas tout prévoir. Sinon le gouvernement a eu à prendre des mesures pour prévenir certains fléaux ou incidents. Et cela fait des années qu’il n’y a eu ce genre d’affrontements comme celui de cette année entre agriculteurs et éleveurs. Nous sommes en train de réfléchir sur tous les moyens adéquats à apporter aux structures de soutien aux populations en détresse. C’est le cas de la réforme avec la formule CONASUR pour décentraliser tous ses compartiments. J’instruirai d’ailleurs le gouvernement pour qu’à partir de cette année, des stocks de tentes soient mis en place. Cette initiative viendra soulager les populations dont les maisons se sont effondrées au moment des pluies. Nous sommes convaincus qu’avec les changements climatiques révélés par les différentes études, il faut mettre plus de moyens en place pour juguler les difficultés. Il en est de même des problèmes entre agriculteurs et éleveurs qui restent une réelle préoccupation depuis la nuit des temps. Avec la politique sur le foncier rural, nous allons ouvrir le débat à l’Assemblée nationale pour définir clairement les espaces réservés à l’agriculture et les zones destinées à l’élevage. Ce sont là des préoccupations que nous comptons résoudre.

Qu’est-ce qui explique le cas de Gogo dans le Zoundwéogo où la réaction du gouvernement s’est fait attendre alors que l’on dénombrait de nombreux morts suite aux heurts entre éleveurs et agriculteurs ?

BC. : Le gouvernement, ce n’est pas seulement Ouagadougou. C’est toute une administration qui s’étend sur toute l’étendue du territoire et agit sur le terrain. Pour ce qui est des affrontement de Gogo, nous avons constaté qu’il y a une gendarmerie installée dans la localité. Celle-ci a diligenté les enquêtes de terrain et les renseignements directs nous parvenaient.

L’on a reproché aux maires Célestin Koussoubé de Bobo-Dioulasso et Louis Armand Ouali de Gaoua de n’être pas originaires des localités qu’ils administrent. Ces attitudes ajoutées aux affrontements agriculteurs-éleveurs ne favorisent-elles pas une forme d’intolérance ?

BC. : Ces débats sont très vite dépassés par les réalités car les deux personnes citées habitent Bobo-Dioulasso et Gaoua. Ils sont considérés comme des travailleurs de ces localités. D’une façon générale, ce genre d’intolérance surviennent dans toutes les sociétés du monde. Mais l’essentiel est que cette intolérance soit de très court terme. Sinon, il est certain que dans toute société humaine, des incompréhensions surgissent. Le Burkina Faso donne l’exemple d’un pays où ses habitants cohabitent en bonne intelligence et il faut œuvrer à maintenir cela.

Comment expliquez-vous le comportement de certains de vos ministres se réclamant ouvertement de plus en plus d’une région donnée du pays ?

B.C. : Je ne crois pas qu’un ministre ait déjà dit qu’il est originaire de telle ou telle région. Il est avant tout le ministre de la République. C’est quand il se rend dans son village que la population vient le saluer.

Pourtant dans bien de pays, c’est sur ces petits instincts que se sont bâties des situations économiques, développant des appartenances grégraires.

B.C. : Merci pour l’information. J’étais en vacances et je n’ai peut-être pas suivi l’actualité.

Une mesure consistant à rendre l’école beaucoup plus accessible a été prise. On parle de gratuité des manuels scolaires. Pour certains, cette mesure est salutaire, pour d’autres par contre, elle n’ira pas loin parce que l’Etat n’aura pas les moyens de sa politique.

B.C. : Vous tapez, vous dansez. Quand on dit que l’Etat n’aura pas le moyens, je suis là et j’attends. C’est parce que nous avons les moyens que nous nous sommes engagés.

Sur cette question de l’éducation, selon certains, on parle beaucoup plus de quantité au détriment de la qualité ?

B.C. : Si on avait augmenté les prix des fournitures, les gens auraient trouvé que c’est mauvais. On donne gratuitement aussi, ils sont en train de critiquer négativement. On trouvera toujours des prétextes. Il faut plutôt travailler vers la qualité de l’enseignement.

La deuxième réunion du comité d’évaluation et d’accompagnement de l’Accord politique de Ouagadougou vient de se tenir. Il a été question de la sécurité du Premier ministre Guillaume Soro, qui devait être assurée par le Burkina Faso. Un projet de loi avait été introduit à l’Assemblée et subitement, il y a eu machine arrière. Que s’est-il réellement passé ?

B.C. : Au moment de l’Accord, le Burkina Faso avec l’approbation des deux parties, avait souhaité être présent sur le plan militaire. Tout simplement parce que notre responsabilité de facilitateur était telle que nous devons être constamment informé, non seulement des questions politiques, mais également de sécurité et de défense. Sur cette base, nous avons pu observer que le processus était engagé de façon normale. Nous n’avons pas jugé nécessaire d’y être dès le premier mois. Après l’attentat, il était devenu évident pour le facilitateur, qui n’avait personne sur le terrain, d’avoir des informations. Si les deux parties marquent un accord pour une présence militaire burkinabè en Côte d’Ivoire, nous allons saisir de nouveau l’Assemblée nationale pour légiférer sur la question.

Au Niger, vous avez été un acteur de la paix. Avec la reprise de la rébellion, vous avez proposé une médiation qui, semble-t-il n’a pas été acceptée.

B.C. : En tant que président en exercice de la CEDEAO, nous avons dépêché une mission pour s’informer de la situation qui prévaut au Niger et, donner bien sûr notre appréciation. Toutefois, il revient au Niger de choisir la voie la plus adaptée pour résoudre sa crise interne. Mais il est sûr que le dialogue est la meilleure voie.

La démarche actuelle du processus de paix au Togo vous convient-il ?

B.C. : Il n’y a pas de démarche. Les partis se sont entendus pour signer un accord et l’appliquer. Je m’en félicite. Il reste maintenant à aller vers des élections. La classe politique togolaise est à féliciter.

Vous avez entretenu des relations très étroites avec l’ancien président libérien Charles Taylor. Aujourd’hui, il est devant la Cour pénale internationale. Cela n’est-il pas une source d’inquiétude pour vous ?

B.C. : Pourquoi ?

Il a été reconnu qu’il ya eu des militaires burkinabè au Liberia....

B.C. : Le Liberia et la Sierra-Leone ne sont ils pas deux pays différents ?

Même en Sierra Leone, le Burkina Faso avait été épinglé à l’époque...

B.C. : Par qui ?

Par le conseil de sécurité des Nations unies.

B.C. : Avec des preuves ?

C’est peut-être à vous de nous dire que ce n’est pas fondé.

B.C. : Si c’était vrai, je crois que je serais saisi de la question.

Il y a pourtant eu une commission d’enquête qui a visité le Burkina Faso à plusieurs reprises.

B.C. : Oui, mais c’est comme tous les pays de la région. Sur cette question, je souhaite que justice soit faite pour Charles Taylor et pour l’Afrique. C’est du moins ce que les Africains attendent : un jugement équitable qui ne donne pas lieu à des interprétations diverses. Au-delà, il faudrait arriver à expliquer comment la Sierra Leone qui était un pays immensément riche, à ce que l’on dit, avec une population très pauvre, ne soit pas allée à l’explosion. C’est une question qu’il faut se poser.

Le Burkina Faso coopère avec Taïwan. D’aucuns n’hésitent pas à dire que le Burkina mise sur le mauvais cheval, plutôt que de nouer des relations avec la Chine continentale.

B.C. : Le Burkina Faso a-t-il été créé avec la Chine continentale ? Le Burkina Faso est unique, il entretien des relations avec des pays avec lesquels il partage le même point de vue sur la coopération. Qu’il y ait vingt (20) Chines demain, va-t-on demander l’avis de Blaise Compaoré ou de son pays. Qu’il y ait une seule Chine, notre avis n’importera pas non plus.

Mais il y a la diplomatie du portefeuille...

B.C. : S’il y a bien un pays qui investit en Afrique, c’est bien la Chine continentale. En matière de coopération, chacun choisit ce qui lui convient. Personne ne dira que ce que Taïwan a réalisé au Burkina Faso dans les domaines des infrastructures scolaires et sanitaires ne sont pas de qualité...

Les Etalons ne seront pas à la prochaine CAN. Etes-vous déçu ?

B.C. : Les Etalons ont fait cinq (5) CAN d’affilée. Ce qui rend le sport intéressant, c’est qu’on perd ou on gagne.

Entretien réalisé par :
Pascal Y. THIOMBIANO (RTB),
Rémi DANDJINOU(Canal3)
Mamadou Alpha BARRY (RFI)
Transcription : Rédaction des Editions Sidwaya


Réactions d’après entretien du président du Faso : Des Burkinabè restés sur leur faim

Des Burkinabè apprécient l’entretien du président du Faso à la Télévision nationale. S’ils saluent l’esprit de cette initiative, beaucoup estiment que le chef de l’Etat a abordé les questions superficiellement.

Oumar Sawadogo, enseignant : "Comme à son habitude, le président du Faso, Blaise Compaoré a gardé sa prudence légendaire, tout au long de l’entretien. Il a pratiquement refusé le débat sur la plupart des questions. Mais hormis cela, on admire sa détermination à nous conduire vers le progrès. Je n’ai pas été satisfait de ses réponses aux questions qui lui ont été posées. Je suis resté sur ma faim. Il s’agissait à mon avis, d’esquisses de réponses. A l’avenir, je souhaiterais que le président accepte aller au charbon et développer plus les sujets car on avait l’impression qu’il était crispé, concentré, tel un étudiant face à un jury".

Dr Boniface Désiré Somé, secrétaire général du Syndicat des agents du ministère des Affaires étrangères : "L’entretien télévisé du président du Faso, Blaise Compaoré avec les journalistes est une initiative très louable. C’est quelque chose qu’il faut répéter dans la République dans la mesure où à un moment donné de la vie de la Nation, le peuple a un certain nombre de questionnements sur le fonctionnement de la société. Alors, il est tout à fait normal que le premier magistrat du pays se prête à des questions surtout en des circonstances socio-économiques et politiques. Dans l’ensemble, il y a eu des réponses satisfaisantes. Cependant, certaines explications du président nous ont laissés sur notre faim. Il s’agit notamment des questions relatives à la corruption, à l’éthique, aux valeurs décadentes.

Au regard de son poids politique à travers le parti majoritaire qui le soutient et les autres partis de la mouvance, le président aurait dû être plus ferme. Comparaison n’est pas raison. Au Bénin par exemple, le président Yayi Boni fait des pieds et des mains contre la corruption. Il a parcouru 10 km à pieds aux côtés de la population béninoise pour marquer son engagement à lutter contre ce fléau. Au Burkina Faso, le phénomène émerge. Et si le chef de l’Etat ne se prononce pas clairement sur la question, il y a lieu de s’inquiéter. C’est par exemple le cas dans l’affaire des routes. En effet, nos routes, en cette période hivernale, connaissent des difficultés. Certaines villes comme Pô et Dori sont coupées du reste du pays pendant un certain temps à cause de l’effondrement de ponts.

Nous sommes restés sur notre faim quant à la réponse relative au problème des agents du ministère des Affaires étrangères. Ceux-ci ont organisé une manifestation à travers leur syndicat (SAMAE). Laquelle manifestation était autorisée par l’administration et les textes en vigueur. Ce syndicat se retrouve dehors pour une soi-disant image de la nation. Or, il y a eu des événements dans le pays qui ont interrompu des sommets. Ceux-ci n’ont-ils pas plus terni l’image du Burkina Faso,qu’une simple marche d’une heure en toute légalité ? Comme le président du Faso a dit que l’affaire est en justice, nous aussi, nous osons croire que le droit sera vraiment dit. Le sursis à exécution a été obtenu, l’ordonnance transmise au ministre de la Fonction pulbique en vue du rappel des 105 agents au ministère des Affaires étrangères. Mais jusqu’à présent, trois ou quatre semaines après, il n’y a aucune réaction de ce ministère.

Mme Kambiré Germaine, enseignante : J’ai suivi l’entretien avec un grand intérêt. Et je salue toutes les personnes qui ont eu l’initiative de l’organiser. Cependant, je suis restée sur ma soif. On contournait les questions. Mais certaines réponses étaient intéressantes. La question de l’enseignement a été abordée. Toutefois, le traitement des enseignants a été occulté. Or, ils sont confrontés à des problèmes de logements et bien d’autres dans certaines régions.

Safia Paré, caissière : Je n’ai pas suivi tout l’entretien. Mais la partie que j’ai suivie a été intéressante. L’initiative de la télévision nationale est à saluer car à travers cet entretien, nous avons pu avoir des explications du président du Faso sur certains sujets touchant à la vie de la nation. J’ai été satisfaite des questions et des réponses.

Adama Traoré, technicien de laboratoire : Le président s’est défendu . Je crois que tout ce qu’il a dit est du goût des Burkinabè. Ce qu’il a dit à propos de l’ONEA m’a marqué. L’ONEA a consenti beaucoup d’efforts cette année, qui ont permis à de nombreux Burkinabè d’avoir de l’eau. C’est l’un des facteurs qui soulage beaucoup de gens, étant donné que l’eau reste une denrée rare au Burkina Faso. Ce que j’ai déploré c’est la réaction tardive des autorités face aux inondations. Je suis un peu satisfait de ce qu’il a dit. Mais si je dis à 100%, j’aurais menti.

Mahamadou Ilboudo, conseiller des affaires étrangères, premier vice-secrétaire du SAMAE. : "Pour moi, l’entretien est une très belle initiative parce que c’est rare de voir le président du Faso devant la presse pour répondre à des questions qui concernent la vie du pays. L’initiative est très belle. J’aurais aimé qu’il soit beaucoup plus précis sur la question des Affaires étrangères. On a parlé de la diplomatie mais j’ai eu l’impression qu’ils se sont beaucoup plus penchés sur la connexion du pays avec le monde extérieur que sur des questions de fond qui se posent aux acteurs de cette diplomatie. J’aurais préféré que le chef de l’Etat soit beaucoup plus précis.

C’est vrai, il a voulu dire que nous avons terni l’image du pays parce que le jour de notre marche, nous n’étions peut-être pas en cravate mais en jean. C’est parce que les travailleurs du ministère des Affaires étrangères n’ont pas les moyens de s’acheter des cravates ou des voitures feutrées. Il aurait fallu qu’il insiste plus sur cette question. La justice a été saisie et le président du Faso sera avisé de la décision.

Mais la légalité de notre manifestation ne souffre d’aucun débat. Nous n’y sommes plus depuis un certain temps. La diplomatie tient d’abord par sa mise en œuvre à l’intérieur. Le président du Faso est le concepteur et les agents du ministère des Affaires étrangères, les metteurs en scène. C’est ce symbole que j’ai retenu. Le chef de l’Etat a fait le tour des questions. C’est déjà bien. En tant que président, il a réussi l’entretien, mais nous attendons beaucoup plus de mesures fermes et concrètes. Les Burkinabè ont aujourd’hui de multiples problèmes”.

Mme Hélène Poda, secrétaire : Notre souhait est que chaque année le chef de l’Etat puisse intervenir de la sorte pour nous informer de la vie de la Nation. Nous avons eu des informations que nous n’avions pas au départ. Ce que les "on- dit" racontent ne nous satisfait pas. Si c’est le président lui-même qui donne certaines réponses, nous y croyons. Ce qui a retenu notre attention, c’est son implication personnelle dans la résolution de la crise en Côte d’Ivoire. La crise ivoirienne a causé beaucoup de problèmes. Nous avons été directement touchés par cette crise car, il n’y a pas un seul Burkinabè qui n’ait pas de parent dans ce pays voisin. A mon avis, le président du Faso a réussi son passage à la Télévision. On ne peut pas dire qu’il n’a pas été sincère. Sur la situation des travailleurs qui souffrent de la flambée des prix du carburant, les réponses du président du Faso ne nous ont pas satisfaite. Il a laissé entendre qu’il n’était pas possible de faire autrement.

Pourtant, il faut bien vivre pour pouvoir être un bon fonctionnaire. On lui a même suggéré de diminuer le train de vie de ses ministres et des ses directeurs. Mais pour camper sur sa position, il a répondu que ce n’est pas en reduisant le nombre de ministres de deux ou trois que cela va baisser le budget. Nous restons cependant convaincu que le train de vie des directeurs et des ministres ne reflète pas la réalité de notre pays. Il y a des gens qui n’ont même pas à manger. Cela n’est pas, bien sûr, le cas de ceux d’en haut. Nos dirigeant n’achètent pas le carburant, ils ne savent pas combien cela coûte. Aussi, pendant qu’on enferme des agents pour deux rames de papier disparues, d’autres volent des millions et ne sont pas du tout inquiétés. Ainsi va le Burkina Faso.

A. Brice Yogo, élève-inspecteur de l’enseignement : Je n’ai pas été du tout satisfait de cet entretien. J’ai l’impression que le chef de l’Etat a occulté des questions majeures au point de refuser de reconnaître que la démocratie est biaisée dans notre pays en témoignent l’injustice, l’impunité, la mal gouvernance. Ce n’est pas intéressant. Le chef de l’Etat en veut à certains de ses concitoyens qui n’ont pas la même vision des choses que lui.

Lorsqu’il s’offusque devant le fait que des Burkinabè se plaignent des ponts qui tombent ou d’entendre des compatriotes réclamer l’établissement de relations diplomatiques avec la Chine de Pékin, il renie le droit à la différence. Blaise Compaoré doit comprendre qu’il est le chef de l’Etat de tous les Burkinabè et non le président de la frange de la population qui soutient ses idées, sa politique. Je crois également que les journalistes n’ont pas très bien préparé cet entretien. Ils ont passé sous silence des questions fondamentales. Ils ne se sont pas préoccupés du dossier Norbert Zongo. Je n’ai rien compris de cela. D’entrée de jeu, on pose le problème du 15 octobre sous l’angle du XXe anniversaire au pouvoir.

Mais, on ne lui dit pas aussi que s’il est vrai que Roch Marc Christian Kaboré a invité maître Bénéwendé Sankara, ce dernier a aussi invité Roch Marc Christian Kaboré à venir commémorer les 20 ans d’assassinat du président Thomas Sankara ! De mon point de vue, les problèmes réels des Burkinabè demeurent. Je suis resté sur ma faim.
Par contre, la réponse qu’il a donnée sur la lecture du bilan des Etalons me convient honnêtement même si mes attentes demeurent quant aux réponses sur la cherté de la vie, la pauvreté, l’injustice, les germes de clanisme, d’ethnicisme, de régionalisme, qui se développent de plus en plus dans notre pays.

Micro-trottoir réalisé par Séraphine SOME et Karim BADOLO
(Stagiaire)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 12 septembre 2007 à 13:47, par john En réponse à : > Blaise Compaoré face à des médias audiovisuels : "Que justice soit faite pour Charles Taylor et pour l’Afrique"

    C est vraiment le devoir d un chef d état démocratique de s adresser à la nation entière pour expliquer clairement les attentes de sa population face aux problèmes et les inquiètude au moins deux fois par an.
    Le président BLAISE COMPAORE s est défendu sur les differentes questions posées par les journalistes mais n a pas été clair
    face à certaines questions comme la corruption et l inquiètude des burkinabès sur le role de son frère FRANCOIS COMPAORE.
    Du point de vu progression , il est à encourager ses efforts dans le domaine de l éducation et la santé entre autre mais il est à noter que le burkina-faso ne serait etre comme le togo avec la succession au pouvoir de frère en petit-frère.
    Un président démocratique doit vraiment penser à laisser la place à d autres citoyens aptes aussi à assumer les meme taches.

    • Le 14 septembre 2007 à 21:44 En réponse à : > Blaise Compaoré face à des médias audiovisuels : "Que justice soit faite pour Charles Taylor et pour l’Afrique"

      Mon Cher John,
      Mes Chers Compatriotes !!! Ne baissez pas la garde,

      Monsieur François COMPAORE est un conseiller au même titre que les autres nombreux conseillers à la Présidence du Faso.
      J’ai du mal à comprendre pourquoi il y a autant de focalisation sur ce responsable politique. Je pense qu’il doit être un très bon élément dans l’échiquier politique car, les gens ne s’intéressent jamais au "clochard" qui est sous les ponts. Quand ils parlent de vous, c’est que vous êtes très important !!!
      En réalité, le Président Blaise COMPAORE sait, qu’à travers les attaques basses dirigées contre son frère cadet, les ennemis du peuple cherchent à l’atteindre.
      Or, comme vous savez pertinemment que notre Président n’est pas né de la dernière pluie, c’est en vain que les gens malveillants chercheront à détruire ce qu’il construit inexorablement depuis son accesion au pouvoir. Notre Président doit garder sa quiétude légendaire et ne pas se laisser intimider par les pêcheurs en eaux troubles qui sont loin d’imaginer les difficultés de l’action gouvernementale. Il suffit de diriger un petit cabinet d’avocat pour se rendre compte que la gestion de tout un pays est un exercice de style qui ne peut être confiée à n’importe quel lamda parlant au hasard. Me Kéré, France.

    • Le 15 septembre 2007 à 08:09 En réponse à : > Blaise Compaoré face à des médias audiovisuels : "Que justice soit faite pour Charles Taylor et pour l’Afrique"

      Chers Compatriotes,

      Au delà de la réflexion discriminatoire de John, je fais remarquer que ce n’est pas parce que le frère cadet du Président serait un futur bon Président à la succession éventuelle de son frère que le Burkina devra se priver de lui.
      Dans ces conditions, on dira qu’il a eu le malheur de naître dans la famille de son grand frère. Si tous les grands frères étaient comme le Président COMPAORE, certains petits frères se porteraient mieux. Je connaîs des familles dont le grand frère cherche constamment à nuir au petit frère. Choississez vous-même, au vu de ces deux types de comportement, la normalité. Alors si Monsieur François COMPAORE paraît, en temps opportun, l’homme de la situation, pourquoi pas ?
      Il faut que tous les burkinabè aient le courage de se tourner inexorablement vers l’avenir de notre peuple. C’est l’objectif majeur et de loin, le plus important. Tous ces discours et messages récurrents n’intéressent absolument pas le peuple burkinabè qui n’aspirent qu’à de meilleures conditions de vie en matière d’eau, de santé et d’éducation. Ces thèmes sont tout de même plus important que la succession du Président qui n’est, d’ailleurs pas, ouverte. Me Kéré, France.

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