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Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

Publié le lundi 10 septembre 2007 à 08h20min

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Hermann Yaméogo

"J’ai été d’abord surpris par les journalistes Pascal Thiombiano, Alpha Barry et Rémi Djandjinou. Si au début, subjugués, ils se sont laissés prendre de haut, permettant au chef de l’Etat, visiblement en forme de retour de ses vacances helvétiques, de leur en imposer, ils se sont vite ressaisis.

Malgré l’irritation dissuasive de Blaise Compaoré, par leur pugnacité, leur audace et la technicité de bien de leurs questions, ils auront plutôt gagné aux points, même si dans l’action, ils ont omis de mettre en débat certains sujets importants que sont la crise de la démocratie, les fraudes, l’impunité.

J’ai ensuite éprouvé de la déception. J’escomptais que l’opinion, sevrée de communication vraie, soit un peu affranchie sur bien des préoccupations pesantes par ces temps qui courent. Je croyais que l’échéance de cette fin d’année, indiquée par la signature des Accords de partenariat économique (APE) au détriment de notre économie, allait amener Blaise Compaoré à formuler des contre-propositions à ce véritable pacte colonial en réédition, comme il l’avait fait avec panache, il faut le reconnaître, à propos des subventions.

Je pensais que le contexte national dominé par l’exarcerbation des demandes sociales, par la hausse des prix, par les conséquences dramatiques des calamités mal gérées, par la soif accrue de sécurité et, pour tout dire, de réformes institutionnelles, allait amener le chef de l’Etat à tourner un peu plus le regard vers ces priorités nationales. Sauf la concession sur le plafonnement des dépenses de campagne électorale, la promesse sur la rationalisation des structures de contrôle de l’Etat, l’engagement à ne pas sacrifier la qualité à la quantité dans la politique d’éducation et l’exposé des programmes portant sur la diversification des filières agricoles, il a balayé bien des soucis majeurs du peuple du revers de la main.

C’est l’impression que j’ai ressentie en particulier lorsqu’il a refusé d’admettre en particulier que l’occupation des médias par son frère se faisait envahissante, que les marchés de l’Etat pouvaient se conclure dans des conditions irrégulières et que nombre de travaux publics s’exécutaient avec irresponsabilité, sans mise en cause de l’Etat, des architectes ou des entrepreneurs pour leurs responsabilités encourues en raison des vices cachés et autres malfaçons. La méconnaissance que le chef de l’Etat a montrée de certaines critiques populaires comme l’impéritie du gouvernement à agir diligemment dans l’affaire des violences entre agriculteurs et éleveurs dans le Centre-Sud a été aussi édifiante ; tout comme son jugement au sujet de ces rapports d’ONG sur des cas de mal gouvernance, pour lui sans intérêt parce que souvent montés de toutes pièces. Que dire alors au sujet de l’évocation de cette augmentation des salaires de 50% faite par des syndicalistes pour laquelle le chef de l’Etat a été cassant au lieu de laisser au moins la porte entrebâillée.

Bref, son entêtement franchement affecté à soutenir que ça va pour le mieux au Faso était passablement frustrant , pour tout dire, irritant. A la vérité, nous avons eu plutôt droit à un étalage d’arrogance, servi dans un décor des mille et une nuits qui , plus que l’envie ou la fierté patriotique, ne peut que susciter rancoeur auprès de l’immense majorité des Burkinabè en butte à l’exclusion sociale. C’est dommage que Blaise Compaoré ait boudé la simplicité, qu’il ait ignoré les attentes du peuple et son désir de rénovation, en choisissant de fuir devant certaines questions, de les travestir, voire d’y répondre par des contrevérités. Cet exercice de communication qui aura été en fait la représentation en grande première de Compaoré roi du Burkina, a eu par ailleurs ceci de renversant qu’il s’est doublé d’un langage altier et marqué par une dangereuse et provocante volonté de se complaire dans le non-droit et l’appropriation dynastique du Burkina.

J’ai également relevé au-delà des circonlocutions dans le propos, des aveux de précipitation, pour ne pas dire de manoeuvres mal ficelées, au sujet de l’envoi infructueux de troupes en Côte d’Ivoire, et de la proposition de médiation au Niger pour laquelle nous avons été rabroués. Par rapport à Taïwan, je trouve que Blaise Compaoré n’avait pas besoin d’affirmer ses préférences en les appuyant de piques et d’ironie inutiles à l’endroit de ceux qui ne pensent pas comme lui.

De la même façon, je ne crois pas qu’il ait été convenable pour lui de nier ses relations avérées et dénoncées avec Taylor, et surtout de jouer l’ignorant spécialement au sujet de l’existence de ce rapport bien connu du 14 décembre 2000 des experts des Nations unies suite à la résolution 1306, relative à la Sierra Leone, épinglant son pouvoir. A la réflexion, je ne crois pas que les ondes de déception que répand cette conférence de presse se ressentent uniquement en dehors du cercle du pouvoir. Il en existe dans son propre camp, c’est sûr, qui, après la prestation, n’en éprouvent pas que du bonheur en barre.

Mais j’éprouve enfin un sentiment d’amertume. Après tant d’épuisement de la part de Blaise Compaoré à ficeler des médiations extérieures, courant après on ne sait quoi, j’espère, comme nombre de Burkinabè convaincus, que pour un dirigeant, il n’y a pas meilleur rempart que son peuple ; qu’il fasse relâche au port, qu’il en vienne au bout du compte aux médiations internes en souffrance pour résorber les fissures en marche avancée qui menacent la cohésion sociale.

Las ! L’homme, qui , pourtant, a eu dans le passé d’ultimes éclairs salutaires à des périodes sensibles, a choisi cette fois-ci la fuite en avant, s’enfermant dans une véritable bulle, comme le font bien souvent ceux qui, repus, grisés par le sentiment suprême de leur puissance, se donnent l’illusion de l’éternité. S’il voulait montrer qu’il se soucie comme d’un guigne du peuple, cette conférence lui en aura amplement donné l’occasion. Mais ce faisant, il aura aussi creusé plus promptement ce penchant grandissant des Burkinabè à la désespérance vis-à-vis de leur démocratie, de leurs institutions et des hommes qui les incarnent.

Pour en finir, je ne sais pas, avec surtout ces multiples manifestations d’allégeance commandées, comme en régimes unanimiste et plébiscitaire, pour célébrer les 20 ans au pouvoir de Blaise Compaoré, ce que cela pourra enfanter demain."

Propos recueillis par Antoine BATTIONO

LE Pays

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Vos commentaires

  • Le 10 septembre 2007 à 10:26 En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

    Et vous, Monsieur YAMEOGO, que proposez-vous à la place de ces omissions et lacunes supposées ?
    Il convient maintenant d’être concret et passer aux actes positifs visibles en édictant les voies et moyens pour parvenir au bien-être de notre peuple. Le langage creux doit désormais être banni et la place à l’action politique concrète. Me Kéré, France

  • Le 10 septembre 2007 à 11:55, par Aziz Boulkiemdé En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

    Me Hermann, que fais-tu des conseils de papa ?

  • Le 10 septembre 2007 à 15:30, par sogo ismael En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

    j’ai été surpris des déclaration de maitre Hermenn qui croit que le peuple est encore a sa portee malheureusement les intelects que nous sommes refuse aujourdhui de voir la nation aller a la dérive et j’en suis convaincu que ni Blaise ni Hermann na la solution magique de l’impasse et vous devez avec et bpour le peuple nous libérer de la sifitude des Hommes lache.

    M ismael SOGO Politologue burkinabé en etude

  • Le 10 septembre 2007 à 17:19, par Siloé En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

    Très belle analyse. Félicitations à vous Me Yaméogo.

  • Le 10 septembre 2007 à 17:28 En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

    J’avais pas suivi la retransmission mais à lecture, je me demande vraiment l’objet de cette rencontre. Le message central.

  • Le 11 septembre 2007 à 18:50 En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

    Me Hermann, la classe. Je sais que vous êtes de l’opposition. Je ne suis pas militant de votre parti, ni d’aucun autre. Mais très volontiers, je voterai pour vous si d’aventure vous êtes en lice.

    A vous lire, vous faites honneur et vous m’inspirez confiance. Je me reconnaissais aux propos de votre confrère Me Kéré le lorrain ; qui se voit sans doute en Me Vergès à La Haye un de ces quatre, mais force a été de constater au travers de ses interventions (mêmes anonymes), son côté subjectif je dirais pour faire simple et en toute politesse.

    Courage cher Me, car tot ou tard le Burkina jouira aussi de cette alternance au pouvoir tant attendue.

    Le Burkinabé des Ardennes

    • Le 12 septembre 2007 à 00:25 En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

      Cher Compatriote ardechois,

      Toute opinion émise est forcément subjective. Je suis comme vous car je n’adhère à aucun parti politique et je compte même créer un parti pour la manifestation de mes opinions politiques. Mais rassurez-vous je ne ferai pas de la critique inutile comme notre Confrère et Compatriote Monsieur YAMEOGO le fait.
      Enfin, je vous rappelle que je suis l’un des rares internautes à décliner mon identité même lorsqu’il m’arrive de critiquer le gouvernement de Monsieur Le Président COMPAORE ou les partis de l’opposition au CDP. Avouez quand même que je suis aussi sincère que vous. Me Kéré, France.

      • Le 12 septembre 2007 à 18:32 En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

        Me Kéré,

        Youpiii si vs créer votre parti ! j’avoue que je m’y intéresserai de très près. Car vs etes tout, sauf insipide. J’avoue également n’avoir jamais rien lu de votre part comme critique au pouvoir en place. Ce qui n’est pas un defaut en soi. J’ai dû sans doute raté une bonne partie..Bref !

        Par contre, j’ai fini par m’attendre systématiquement à votre réaction à chaque fois qu’un fasonaute s’en prenait au pouvoir de B Compaoré notre Président. Y’a un an environ, j’ai même cru lire une de vos interventions où vs faisiez l’éloge de Mme Compaoré et très récemment celui du frangin François si je ne m’abuse. A ts les coups, j’ai vu juste. C’est ce qui m’a conduit à vous qualifier de Vergès, le célèbre avocat français., defenseur de dictateurs et autres criminels de présidents.

        Avouez à votre tour que Hermann, joue à fond son role d’opposant et que celui-ci a été rendu plus facile par la prestation moyenne, si ce n’est decevante de notre Président. Objectivement et accessoirement vs reconnaitrez avec moi (l’Ardennais et non l’Ardechois comme vous le disiez) que ce n’est nullement digne d’une reponse de Président du Faso, l’argument-pretexte de ne voir que la paille dans l’oeil du voisin plutot que la poutre dans le sien.

        Puisque vs avez lancé le scoop de votre volonté de créer un parti politique, auriez-vs l’aimabilité de nous en donner les grandes directives ? vos orientations politiques.

        Très fraternellement !

        L’ardennais

        • Le 14 septembre 2007 à 22:11 En réponse à : > Hermann Yaméogo à propos de la conférence de presse de Blaise Compaoré : "Les soucis majeurs du peuple balayés de la main"

          Cher Ardennais,

          Mon côté pragmatique des choses me vaut des critiques que j’accepte, bien volontiers. Vous êtes loin de savoir ce que c’est que la gestion du pouvoir d’Etat.
          Quand vous évoquez la notion de dictateur et vous visez notre pays, je pense que vous faites erreur. Au burkina, l’expression plurielle est une réalité.
          Et ce n’est véritablement pas Me Hermann YAMEOGO qui incarne le plus le rôle de l’opposition. Je dirai, au contraire que ce rôle est parfaitement assumé par Me Gilbert OUEDRAOGO qui a parfaitement compris le rôle d’un parti d’opposition dans un pays aussi déshérité que le nôtre.
          Pour ma part, l’idée de la création de mon parti politique a vu le jour pendant cet été quand j’ai vu l’état lamentable de nos infrastructures au Burkina tant dans les provinces que dans nos deux capitales, Ouaga et Bobo. Avant de lancer mon programme politique sur le fasonet, je compte sur des citoyens comme vous pour les idées porteuses suivantes.
          4 domaines seront privilégiés :
          La santé : création d’un dispensaire à moins d’un kilomètre de chaque villageois. Sur ce point j’approuve la création du Grand Centre Hospitalier par Taïwan. l faudrait rénover et équiper nos Centre Hospitaliers Régionaux, même par le vieux matériel récupéré en France ou ailleurs que les hôpitaux modernes occidentales jettent.
          L’éducation : création d’une école ou de centres de formation à moins d’un km de chaque villageois. Alternance entre formation professionnelle et enseignement général.
          Eau potable : Création d’un forage à moins d’un km de chaque villageois. C’est possible au niveau étatique car j’en ai créé 2 cet été dans un village du boulgou.
          Justice : Permettre à tout burkinabé de saisir la justice d’un droit à (la santé, eau, éducation) opposables, à l’instar du système français du droit au logement opposable.
          Qu’en pensez-vous de ces idées simples et simplistes qui pourront changer le quotidien de nos compatriotes ?
          Et vous dire que les seules subventions européennes suffiront à assurer le financement de ces 4 points. Alors ? J’attends vos remarques, suggestions et propositions avant de lancer mon programme politique. Je solliciterai le suffrage pour juste 5 ans ; et je reviendrai en France pour continuer la gestion de mon Cabinet avec mes associés. Me Kéré, France.

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