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Discours de Sarkozy : "Un torchon nécessaire ?"

Publié le mardi 4 septembre 2007 à 07h28min

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Céline Sika, par le biais de cet écrit contribue à alimenter le débat sur le fameux discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Dakar au Sénégal en juillet dernier.

Le discours de Sarkozy ne cesse de faire couler de l’encre et de la salive. Les plumes et les voix -les plus autorisées ainsi que les plus anonymes- soulignent ce faux pas du président français -pour reprendre les termes de ...- qui, par suffisance, ignorance, arrogance, ou en donneur de leçons, a eu le malheur de dire tout haut ce que tant de personnes -et mêmes les Africains eux-mêmes- pensent tout bas au sujet de notre continent.

Parce que, il faut le reconnaître, même si nous condamnons tous cette façon condescendante et paternaliste que le président français emprunte pour nous donner un feedback sur nous-mêmes, il est juste de reconnaître qu’il y a des vérités dans ce qu’il nous assène sans complexe. En effet, l’enfer ce n’est pas toujours l’autre. Je m’explique. Le malheur de l’Afrique ne vient toujours pas des autres même si ceux-ci ont largement contribué à faire de nous ce que nous sommes aujourd’hui -le continent le plus souffreteux, en proie à tant de maux naturels, mais aussi et surtout crées par l’homme- par leur appétit féroce, démesuré et toujours croissant, leur faim insatiable, leur manque de scrupules...

Une fois la stupeur, l’indignation et la rage passées, nous devons nous demander pourquoi Sarkozy peut se permettre de venir nous insulter de la sorte chez nous, dans l’une des Universités les plus importantes d’Afrique, devant un parterre d’intellectuels triés sur le volet. Sarkozy peut se permettre de dire tout ce qu’il a dit parce que nous le lui avons permis. Parce qu’il a la France derrière lui. Ceci est valable pour tous les Occidentaux. En effet, lorsqu’un Américain vient en Afrique, il parle haut et fort, où qu’il se trouve, parce qu’il a toute l’Amérique derrière lui.

Parce qu’il sait que son arrière-garde est solide. Et si quelqu’un touche à un seul de ses cheveux, il aura toute l’Amérique -avec toute la force de frappe qu’on lui connaît- sur le dos. Parce que en Amérique, tous les Américains sont importants, du plus petit balayeur de rue au président de la république. Et ils s’attachent à le faire savoir aux Américains d’abord et ensuite au monde entier. Combien d’Américains, même ceux ayant commis les crimes les plus horribles, sont jugés hors de leurs pays ? Aucun, que je sache. Leur gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour qu’ils le soient chez eux parce qu’ils se prennent tous au sérieux. Très au sérieux. Parce qu’ils ont une auto estime très élevée.

L’Afrique est malade de ses partenaires, de ses dirigeants...

Lorsqu’un Français, Anglais, Américain, Allemand, Coréen, Chinois, etc., est kidnappé en Afghanistan, en Irak, en Iran ou dans n’importe quel pays de notre planète, les autorités de son pays font des pieds et des mains pour qu’il soit libéré. Parce que pour eux il n’y a pas de petit citoyen. Parce que pour eux, tout le monde est important. Parce que, comme disent les Espagnols, todos importan. Je ne suis pas sûre que mon pays lève le moindre petit doigt si jamais je me faisais enlevée par les Talibans ou par des Irakiens qui en ont ras le bol de voir leur pays occupé.

Parce que pour mon pays, je ne représente rien -même s’ils ont investi tant pour ma formation avec l’argent des planteurs et autres contribuables-. Moi et tous ces jeunes de la nouvelle Afrique qui entreprennent, qui veulent entreprendre pour contribuer au développement de leurs pays et démontrer par la même occasion à Sarkozy et tous ceux qui s’obstinent à expulser l’Afrique de l’Histoire, à la peindre en noir et en un continent englué dans son passé qu’une autre Afrique est entrain de naître, celle-là qui n’a pas besoin de charité, de paternalisme ni de parrainage, mais d’un réel et franc accompagnement pour se lever et marcher toute seule.

L’Afrique est malade de la cupidité et du cynisme des autres, de ses "partenaires" mais aussi de ses propres maux -que nous n’avons jamais cessé ni fini de nommer-, de ses dirigeants qui envoient leurs citoyens à l’école au prix des sacrifices indescriptibles des contribuables, mais qui ferment obstinément la porte aux jeunes qui veulent revenir et contribuer à la construction de leur continent. L’Afrique est malade de ses dirigeants qui n’hésitent pas à brader les richesses naturelles de leurs pays au profit de leurs enfants, leurs protégés, leurs amis, leur famille, pour des siècles et des siècles. L’Afrique est malade de ses dirigeants qui poussent dehors ceux-là mêmes dont l’Afrique a besoin pour se développer, s’installer durablement et valablement dans l’Histoire, et échapper ainsi aux moqueries et railleries du monde entier.

L’Afrique est malade de ses enfants, de nous tous qui n’avons pas osé claquer la porte à Sarkozy à Dakar parce que nous sommes encore, des lustres après les indépendances -même si elle n’est que verbale en fait- toujours tenaillés par ce complexe du Noir qui croît toujours, et même de façon inconsciente, que l’autre, et le Blanc surtout, est le maître qui doit tout déterminer, tout dire, nous dire ce que nous devons faire, comment nous devons vivre, quel genre de développement est bon pour nous, tracer le chemin, conduire la locomotive et nous laisser le soin d’occuper les wagons. Complexe du Noir qui continue à croire que ses biens et sa dignité doivent être et ne peuvent être mieux gérés que par l’autre.

Le discours de Sarkozy nous choque

Le discours de Sarkozy nous choque parce que Sarkozy semble balayer du revers de la main certains torts séculaires causés à l’Afrique. Il nous choque parce que son auteur, ou du moins celui qui l’a rédigé pour lui, tente de dédouaner les ancêtres gaulois ; parce qu’il tente de justifier l’injustifiable. Mais ce discours nous choque aussi, reconnaissons-le, parce qu’il contient une part de vérité. En effet, combien de temps allons-nous rejeter la faute sur l’autre alors que nous sommes nous aussi à la base de bien de maux qui nous minent, nous obligent à toujours courber l’échine, et nous empêchent de marcher debout, le torse bombé comme monsieur Sarkozy et autres ?

Cette Afrique dont nous rêvons tous, fière, grande, puissante, partenaire indispensable dans la marche du monde, n’est pas pourtant très loin de naître. J’ai toujours pensé qu’il suffisait d’un réveil, mais alors d’un véritable réveil, d’une prise de conscience de tous et chacun de nous de ce qui se passe autour de nous et dans le monde où nous continuons à vivre, plus comme spectateur que comme acteur, pour que ce rêve devienne réalité. Le discours de Nicolas Sarkozy a au moins le mérite d’être ce genre de son de cloche strident qui nous empêche de continuer à vivre comme si nous avions une vie et demie, et nous oblige à faire notre procès. Ce discours nous fait mal. Il continue à faire mal.

Mais s’il nous sert d’électrochoc qui nous oblige à nous réveiller, ce sera tant mieux parce que alors nous réaliserons que nous n’avons pas besoin d’aller ailleurs chercher ce que nous avons sous les pieds ; nous découvrirons que nous avons des qualités, des compétences et des ressources qui ne demandent qu’à être utilisées et bien utilisées ; nous comprendrons qu’il est juste de protéger nos ressortissants où qu’ils soient parce que l’être humain est la valeur suprême et parce que le pays a besoin de tout le monde pour se développer ; nous saurons qu’il est vital d’ouvrir les portes à tous les enfants d’Afrique qui souhaitent retourner au pays contribuer à sa construction, qu’il faut même les encourager à le faire par des lois qui les protègent et protègent leurs biens. Nous saurons alors que nous devons nous prendre vraiment au sérieux.

Par Céline SIKA

Le Pays

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