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Filippe Savadogo, ex-ambassadeur du Burkina Faso en France : "Le journalisme comme la diplomatie, c’est le savoir-faire et aussi le faire-savoir"

Publié le vendredi 31 août 2007 à 07h48min

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Filippe Savadogo

Après plus d’une décennie passée à la tête de la représentation diplomatique du Burkina Faso en France, l’ambassadeur Filippe Savadogo est rentré au pays où depuis le premier gouvernement de Tertius Zongo, il occupe le poste de ministre de la Culture, du Tourisme et de la Communication, porte-parole du gouvernement.

Une lourde mission certainement. Mais une mission qui vient après celle exaltante de diplomate, coiffée surtout de doyen du corps diplomatique. Dans l’entretien suivant que le ministre Savadogo a accordé à notre confrère chargé de communication à l’ambassade du Burkina à Paris, au-delà du bilan, c’est la confession d’un homme qui n’a rien ménagé pour le raffermissement des relations France-Burkina.

Un homme de foi qui, dans les us diplomatiques, a su imprimer une vision forte et dynamique des relations franco-burkinabè, selon la feuille de route que le président du Faso lui a donnée. Au-delà du témoignage, c’est un entretien pathétique, riche et plein d’enseignements d’un homme de culture qui, comme il l’a dit, et à l’image de tout patriote, doit pouvoir et savoir répondre présent partout où le devoir le commande.

Sidwaya (S.) : Quels points saillants retenez-vous de votre mandat d’ambassadeur du Burkina Faso en France ?

Filippe Savadogo (F.S.) : Je voudrais d’abord remercier tous les acteurs qui ont fortement soutenu ma mission en France, à savoir les autorités françaises mais également les collaborateurs de la mission diplomatique en France et surtout, la communauté burkinabè de France toute entière. C’est tous ces acteurs réunis qui ont permis que ma mission se déroule dans les meilleures conditions possibles.

Du Burkina Faso, l’appui permanent et les conseils du président du Faso m’ont beaucoup inspiré.

S. : Quels ont été les grands axes de la coopération entre nos deux pays pendant votre mandat ?

F.S. : Durant ma mission en France, nous avons eu plusieurs cadres de concertation avec la France.

D’abord la commission mixte rénovée France-Burkina. Mais également la signature de documents-cadres de partenariat entre la France et le Burkina. Ces actions ont conduit d’une part, à l’effacement total de la dette, au renchérissement des programmes allant vers les populations les plus démunies du Burkina et enfin, la consolidation de l’axe de la coopération décentralisée qui a permis d’impliquer les acteurs de la société civile au sein des programmes de coopération France-Burkina. Du point de vue politique, l’axe Paris-Ouagadougou et Ouagadougou-Paris a travaillé avec efficacité au regard des relations d’amitié qu’ont toujours su entretenir les deux présidents Jacques Chirac et Blaise Compaoré.

S. : Quel est aujourd’hui l’état des relations entre le Burkina et la France ?

F.S. : L’état des relations entre les deux pays est qualifié d’excellent par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner ; à l’aune de l’amitié tissée par les deux chefs d’Etat, les ministres des Affaires étrangères et au niveau plus modeste, les représentants diplomatiques des deux pays.

S. : Le changement de chef d’Etat en France, notamment l’arrivée de Nicolas Sarkozy a-t-il une signification particulière ?

F.S. : Les relations bilatérales entre la France et le Burkina ont toujours été des relations de travail, d’objectifs à atteindre. Ce qui cadre bien avec la vision nouvelle du président Nicolas Sarkozy. Mais également avec la vision qu’a toujours eue le président Blaise Compaoré dans l’esprit des relations entre pays. Pour nous, cette vision correspond à ce que nous avons toujours voulu pour l’Afrique et principalement pour le Burkina : un partenariat responsable.

S. : La coopération décentralisée est un aspect important de nos relations, que retenez-vous de cette forme d’échanges ?

F.S. : Je retiens de cette forme d’échanges, que Paris, ce n’est pas la France ! J’ai appris à connaître la France profonde, ses hommes et ses femmes qui, au-delà de toutes les considérations, ont toujours eu une sympathie réelle pour le Burkina qu’ils ont souvent visité, les uns, une fois, les autres, plus d’une dizaine de fois !
Ce sont les vrais avocats du Burkina en France et cette forme de relations reste vraiment le fer de lance de cette coopération en Afrique et il faut la renforcer. D’ailleurs, les regards croisés, France-Burkina, Burkina-France, auxquels participe effectivement le président du Faso ont contribué à renforcer l’engagement des acteurs.
Je profite de l’occasion pour dire que les 5, 6 et 7 décembre 2007, auront lieu les rencontres de la coopération décentralisée où sont attendus des centaines de participants français à Ouagadougou.

S. : En tant qu’homme de culture, avez-vous réservé à ce domaine un traitement particulier au cours de votre mandat ?

F.S. : Bien entendu, lorsqu’en 1996 je suis arrivé avec ma feuille de route, je voulais faire de l’ambassade du Burkina un lieu convivial où on pouvait venir librement découvrir le Burkina et l’Afrique. Le président Blaise Compaoré qui a toujours été un grand avocat de la culture en Afrique, nous y a encouragés. Ainsi, les activités et le programme de l’ambassade ont toujours connu une bonne participation.

S. : Votre juridiction couvre aussi le Vatican, le Portugal, l’Espagne et la Tunisie... Que peut-on retenir de l’état de nos relations avec ces pays ?

F.S. : Durant mon mandat, la Tunisie et le Burkina ont décidé d’ouvrir des représentations diplomatiques sur place. Cela avait toujours été un vœu des présidents Ben Ali et Blaise Compaoré,
Concernant le Saint-Siège, le Burkina Faso avait toujours souhaité que l’on puisse avoir un nonce apostolique avec résidence à Ouagadougou. Depuis six mois, cela est une réalité au grand bonheur de la communauté catholique du Burkina. Enfin, les relations avec le Portugal et l’Espagne sont toujours au beau fixe.
D’ailleurs, le Portugal, qui va organiser la rencontre Europe-Afrique, a beaucoup compté sur notre pays pour le faire. Ainsi, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale a organisé en son temps une rencontre préparatoire à Ouagadougou.
Pour nous, ces relations que nous devons cultiver davantage se justifient car ces pays du Sud de l’Europe peuvent nous apporter leur concours de façon plus efficace.

S. : Vous étiez aussi représentant permanent du Burkina auprès d’institutions internationales comme l’UNESCO et la Francophonie ; où en sont nos relations avec ces organisations ?

F.S. : Avec l’Organisation internationale de la Francophonie, nous avons pu organiser le dixième sommet des chefs d’Etat et de gouvernement à Ouagadougou mais il faudrait vous souvenir que cette candidature a été portée par le Burkina depuis 1996. Nous pouvons nous en réjouir puisque nous avons pu organiser le sommet ! L’histoire retiendra que le Cadre stratégique décennal de la Francophonie a été adopté à Ouagadougou. En outre, le soutien apporté par le président Blaise Compaoré au secrétaire général Abdou Diouf, a donné une meilleure visibilité à la Francophonie.

Concernant l’UNESCO, durant notre mandat, nous avons réussi à faire élire notre pays au Conseil exécutif, plus d’une dizaine d’années après l’avoir quitté.
Nous avons également été élu récemment membre du Comité de mise en œuvre de la convention sur la diversité culturelle et aussi comme membre du Comité du Programme international pour le développement de la communication (PIDC).
D’ores et déjà, nous travaillons à ce que le Burkina puisse être choisi comme la capitale de la culture en Afrique, avec l’appui des institutions multilatérales et nous avons bon espoir.
Bien évidemment, il y a des objectifs que nous n’avons pas pu atteindre et que nous poursuivrons, comme l’inscription d’un site burkinabè au patrimoine mondial.

S. : Quelles perspectives voyez-vous à nos relations avec ces différents partenaires ?

F.S. : Je pense qu’il faut poursuivre la culture du dialogue, et surtout poursuivre les contacts de proximité. Il est clair qu’on ne peut pas atteindre des objectifs sans se parler tous les jours, s’écrire tous les jours et aussi entretenir des relations de travail. Les relations vont se poursuivre en se consolidant. Nous ne manquerons pas, là où nous serons d’y contribuer.

S. : La communauté burkinabè de France passe pour être l’une des plus petites ; qu’en est-il réellement et comment se passe son intégration ?

F.S. : J’ai toujours dit que la communauté burkinabè de France est une communauté exemplaire. Tout d’abord, parce qu’à plus de 95%, ce sont des hommes et des femmes qui travaillent, qui participent à l’économie du pays d’accueil qu’est la France. Elle a une très bonne réputation. Le trait de caractère des Burkinabè leur a toujours permis de s’intégrer harmonieusement là où ils se trouvent.

Cette communauté a beaucoup à apporter à son pays d’origine, le Burkina. J’en profite pour saluer les débuts d’investissements des Burkinabè de France au pays natal et le fait que pour la première fois, un membre de cette communauté soit appelé au gouvernement. Toutes choses qui témoignent de leur attachement au pays et de l’intérêt que le président du Faso porte aux Burkinabè de l’étranger.

S. : Quels sont les rapports de cette communauté avec l’ambassade ?

F.S. : Ce sont des relations de proximité. Lorsqu’il y a sept ans, je me rendais en Corse, j’étais le premier ambassadeur africain à aller officiellement sur cette île. Cela traduisait mon intérêt à rejoindre les Burkinabè là où ils se trouvent, leur parler de ce que nous pouvons faire ensemble. Ces relations de proximité sont profitables au pays car par la suite, il y a eu des missions venues du Burkina pour expliquer, jusque dans les provinces françaises, l’intérêt d’avoir une petite maison, un compte bancaire au Burkina, de contribuer au développement économique du Burkina.
J’ai sillonné toute la France, du Nord au Sud et d’est en Ouest. Je peux me targuer de dire que grâce à ces rencontres avec les Burkinabè, nous avons pu leur redonner confiance et vivifier leur amour pour la patrie.

S. : Pour l’homme de culture que vous êtes, vous a-t-il été facile de passer du monde de la culture et des médias à celui de la diplomatie ?

F.S. : Le journaliste que je suis a certainement facilité mon passage à cette nouvelle profession que je découvrais mais qui, en réalité, comme on le dit, est très proche de la communication. Le journalisme comme la diplomatie, c’est le savoir-faire et c’est aussi le faire-savoir. Ce sont les deux faces d’une seule médaille qui peuvent se compléter pour apporter une dimension à l’un comme à l’autre. L’art de la diplomatie et celui de la communication répondent à un constat d’évidence : bien souvent ce n’est pas parce que vous avez raison qu’on ne peut pas vous donner, tort, et ce n’est pas parce que vous avez tort, qu’on ne peut pas vous donner raison.
Enfin, la diplomatie du XXIe siècle est une diplomatie de proximité, de représentation et de VRP. Toutefois, j’ai beaucoup appris auprès des diplomates et auprès des acteurs qui ont aidé au succès de ma mission en France, grâce à une grande écoute.

S. : Quels autres faits marquants ont contribué au succès de votre mission ?

F.S. : Je voudrais souligner la mesure de délivrance des visas dans nos consulats honoraires les plus dynamiques, la rénovation entière des propriétés de l’Etat burkinabè en France, la Journée africaine de l’enfant et j’en oublie...

S. : Vous passez aujourd’hui de la diplomatie au gouvernement, quels enseignements tirez-vous de cette expérience professionnelle que vous venez de vivre ?

F.S. : Le Burkinabè peut servir partout où cela peut être utile à son pays. Ensuite être membre d’un gouvernement, c’est être un serviteur du département auquel on appartient. De ce point de vue, cet engagement nouveau pour moi, que j’assumerai avec la même passion et la même détermination, complètera certainement des actions que j’aurais aimé réaliser depuis l’Hexagone au profit de mon pays.

S. : On note que dans le dernier gouvernement, il y a eu l’entrée de quatre ambassadeurs ; comment appréciez-vous l’apport de l’expérience internationale de ces hommes et femmes ?

F.S. : Je me réjouis du choix de tous les hommes et de toutes les femmes, membres de ce gouvernement, pour poursuivre les grands chantiers du Burkina qui demandent des bras pour leur exécution. Pour moi, nous sommes des Burkinabè tout simplement, avant d’être des ambassadeurs appelés à ce niveau de responsabilité.
Ceci étant, tout Burkinabè peut être appelé à tout moment de sa vie pour apporter sa contribution à la construction de la Nation ; mériter cette confiance est gratifiante et nous avons un devoir de résultat !

S. : Votre mot de la fin !

F.S. : Chaque fois que la Communauté internationale apprécie positivement les avancées visibles et lisibles du Burkina, je pense au premier magistrat de notre pays et je me dis : "il vaut la peine de penser et d’agir, l’effort humain vers la clarté et le droit n’est jamais perdu ; l’histoire enseigne aux Hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir".

Service de presse
Ambassade du Burkina Faso à Paris


Lettre des enfants burkinabè en France à Tonton Filippe

Nos mamans et nos papas nous ont dit que vous allez nous quitter. Est-ce bien ce tonton qui, parce qu’il nous aime tendrement, nous a créé une journée ? Cette Journée africaine de l’enfant qui nous fait découvrir l’ambassade, qui nous a permis de nous rencontrer, de renouer avec la culture de nos parents, la culture de notre continent qui fait de l’enfant un roi. Où allons-nous alors entendre les contes de chez nous ? Où allons-nous apprendre à taper le tam-tam ? Est ce bien ce tonton-là qui nous offre chaque année cette merveilleuse journée qui s’en va ? Alors que les questions se bousculaient dans nos têtes et sans que nous puissions les arrêter, des larmes ont commencé à rougir nos yeux et nos frêles jambes ont commencé à trembler.

Heureusement pour nous, mamans et papas alertés par notre état, nous ont calmé et rassuré. Ils nous ont en effet dit que tonton a été nommé ministre pour faire connaître aux enfants du monde entier la culture, et tous les trésors du Burkina Faso. Nous nous sommes alors mis à prier pour que tonton réussisse, pour qu’il puisse offrir au monde entier le bonheur qu’il nous a offert des années durant.
Tonton, avant de vous souhaiter bon vent, dites-nous ce que deviendra notre Journée !

Tonton ! Vos enfants, qui vous resteront éternellement reconnaissants pour leur avoir dédié une journée, vous souhaitent bon vent !

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