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Soins gratuits pour indigents au Burkina : Un fait réel mais délicat dans des hôpitaux publics

Publié le lundi 27 août 2007 à 07h06min

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A travers cet écrit, Bérenger Traoré met le doigt sur un problème crucial : la gratuité des soins pour indigents dans les hôpitaux publics du Burkina. Qui est indigent et qui ne l’est pas ? C’est la question que pose l’auteur de ce point de vue et qui évoque au passage la mauvaise fois de certains malades.

La gratuité de l’éducation scolaire et celle des soins de santé dans les établissements publics sont des voeux émis par beaucoup de citoyens et partis politiques burkinabè. Si un début de solution est amorcé pour l’enseignement primaire, la gratuité des soins pour personnes démunies existe depuis quelques années dans des hôpitaux publics. Mais la tâche de discernement n’est toujours pas facile quand des personnes non démunies usent de subterfuges pour bénéficier de cette aide publique destinée aux indigents.

Qui est indigent et qui ne l’est pas ? Voilà une interrogation assez délicate à trancher dans des formations sanitaires publiques au Burkina Faso où la majorité de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire ne pouvant avoir un revenu annuel égal ou supérieur à quatre vingt mille (80 000) francs CFA.

Depuis près d’une décennie, le gouvernement à travers le ministère de la Santé fait une dotation budgétaire de cinq cents (500) millions de F CFA pour la prise en charge gratuite des premiers soins pour les urgences médicales.

En plus de cela, un dispositif est mis en place dans les grands hôpitaux nationaux comme l’hôpital Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou et Sourô Sanou de Bobo Dioulasso pour assurer des soins gratuits aux personnes indigentes. C’est le service social dans ces hôpitaux qui est chargé d’examiner les cas des malades indigents pour assurer leurs soins gratuitement. Mais à ce niveau, la tâche n’est pas toujours facile pour distinguer réellement les vrais indigents car certains malades ayant des revenus salariés ou commerciaux, de la famille ou des accompagnants non démunis prétendent n’avoir aucun moyen financier pour se soigner et souhaitent de ce fait la prise en charge gratuite par le service social. Fait baroque, des malades qui prétendaient n’avoir aucun kopeck pour acheter des médicaments ont été parfois retrouvés après leur mort dans certains centres médicaux avec d’importantes sommes d’argent dans leur poche. Comment comprendre une telle situation ?

Des pièces d’identité délaissées

Les autorités gouvernementales sont conscientes de ce phénomène délicat de la prise en charge gratuite des soins pour indigents. A ce propos, le ministre de la Santé, M. Alain Yoda, lors de l’émission radio "tapis d’honneur de la RTB" le 4 août 2007 en direct de Tenkodogo a fait savoir que les services sociaux hospitaliers dans le souci d’aider les malades et de sauver des vies acceptent souvent d’administrer des soins à des malades n’ayant pas sur-le-champ de moyens financiers et qui promettent de rembourser les frais consentis par l’hôpital plus tard.

Pour manifester leur bonne foi, certains de ces malades remettent au service social de l’hôpital leurs pièces d’identité qu’ils récupéreront lors du remboursement des frais médicaux.

Et le ministre de la Santé de préciser que souvent les services sociaux des hôpitaux se retrouvent avec un lot de pièces d’identité délaissées par les propriétaires des mois et années durant.

Pourtant, le remboursement des frais médicaux consentis à des malades en difficultés financières circonstancielles permettrait la continuité de ces actes sociaux et humanitaires afin que d’autres malades en bénéficient.

Une clinique privée dans la zone de Ouaga 2000 se distingue par des soins à crédit à ses patients sur leur demande. La philosophie du responsable de cette clinique se traduit par le fait que la maladie et la souffrance n’attendent pas mais que le crédit peut attendre. "Cela se fait ailleurs en Europe, pourquoi ne le ferons-nous pas ici au Burkina ?", déclare le médecin gérant de la clinique.

Ainsi, des malades salariés ou ayant un revenu quelconque mais ne disposant pas d’argent au moment de leurs soins, se font soigner à crédit dans la clinique en laissant leurs contacts téléphoniques, noms et lieux de services, boîtes postales, etc.

La clinique téléphone parfois pour rappeler aux retardataires leurs échéances de paiement de crédit. Cela se passe généralement assez bien.

Par conséquent, en marge de la prise en charge gratuite des soins pour indigents dans les hôpitaux publics au Burkina, pourraient être développés les soins à crédit pour salariés ou autres catégories socio-professionnelles à condition que les malades qui s’engagent à rembourser plus tard la dette le fassent réellement pour permettre à cette roue de solidarité médicale de tourner normalement sans être grippée par ceux qui la prise en charge terminée, filent à l’anglaise en abandonnant même leurs pièces d’identité.

Ce qui fait aujourd’hui la différence entre la qualité des services privés et publics, c’est que dans le public, les citoyens qui sont même très exigeants pour la qualité des services de l’Etat, ne font toujours pas preuve de rigueur dans leur propre approche et gestion de la chose publique.

Le service public s’assimile donc à une vache laitière qu’il faut traire sans se soucier de l’entretenir dans de bonnes conditions de vie.

Par contre au privé, l’on sait que la survie des activités est tributaire de la qualité des prestations. C’est pourquoi, les gestionnaires privés sont exigeants pour la qualité et la rigueur dans leurs services.

Aujourd’hui, dans le contexte de mondialisation où la qualité des produits et services rime avec compétence et compétitivité, il ne devrait plus y avoir de barrière entre privé et public, la qualité du service devant être le credo de tous, le dénominateur commun.

Par Bérenger TRAORE

Le Pays

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