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Mœurs et culture : Le Faso s’encanaille

Publié le samedi 25 août 2007 à 07h50min

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Vive les vacances, les réjouissances et le farniente ! Demain, il sera toujours trop tôt, après l’ivresse des loisirs et du dévergondage, de penser au chômage, pardon, à l’emploi des jeunes...

Les jours de ce mois estival s’égrènent doucement et les vacances finissent sûrement leur crédit. Entre flâneries et réjouissances, la jeunesse grille ses vacances comme l’autre termine ses paquets de cigarettes. La fièvre du « décalé-coupé » a encore fait des ravages sur les nombreux plateaux dressés ici et là pour « enjailler » les jeunes de ce pays. Les initiatives ont poussé comme des champignons, les uns rivalisant avec les autres dans le gigantisme et le dépaysement. Spectacles de tous ordres à gauche, karaoké et concours de chants à droite, les jeunes ne savaient plus à quelle guitare se donner.

Un « giga-concert » leur a même été offert par leur ministère de tutelle, à la faveur de la célébration, le 12 août dernier, de la Journée internationale de la jeunesse. Il est du reste venu couronner une série de treize concerts organisés dans les treize chefs-lieux des treize régions du Burkina. Comme pour dire que le chiffre treize est porteur de bonheur musical au « pays des Hommes intègres ».

Le giga-concert de Ouagadougou, notamment, a vu toutes les couleurs musicales s’exprimer - enfin presque - dans un... giga-déchaînement de « takiborsé » à la sauce « djongo », assaisonné de « zoblazo » au parfum « werrasomniaque ». Et tant pis si, du côté de l’organisation, l’on a dû patienter ferme, jusqu’à l’heure où les chats, devenus gris, s’apprêtent à échanger leurs confidences, avant que ce « spectacle du siècle » ne commence.

Roulez, jeunesse !

Le Stade omnisports de Bobo-Dioulasso, d’abord, et le Stade du 4-Août de Ouagadougou, ensuite, ont ainsi célébré la jeunesse, sous l’impulsion du jeune et dy-dynamique Koukoutaba, décidé à donner un sonore et symphonique coup d’daba à cette frange de la population. A voir le ministre de la Jeunesse et de l’Emploi se trémousser avec dextérité, en compagnie de l’un de ses collègues, au rythme trépidant et endiablé des sonorités musicales, on est assuré que la besace de l’emploi sera énergiquement pleine.

Allez, jeunesse, retroussez les manches, pliez les pantalons et laissez-vous aller à ces douces et distrayantes réjouissances ! « Roulez, jeunesse », dirait l’autre. D’ailleurs, et c’est Charles Aznavour, un monsieur qui ne connaît rien au takiborsé, qui le dit, « Il faut boire jusqu’à l’ivresse sa jeunesse/Car tous les instants de nos vingt ans nous sont comptés/Et jamais plus le temps perdu ne nous fait face ». Alors, la jeunesse attrape le « coupé-décalé » et le boit au goulot jusqu’en tomber ivre... de pauvreté et d’oisiveté.

Mais on aurait tort de penser que ce débridement culturel ne concerne qu’une ferveur adolescente irresponsable ou irresponsabilisée. La haute couture offre aussi aux tontons de quoi se lâcher. Sur les « T » des stylistes, défilent désormais des gos aux seins exposés, redoublant de contorsions à la limite de l’obscénité pour montrer à un public médusé, hagard, mais jouisseur, la chair fraîche négligemment cachée par des dessous qui ne cachent rien de l’anatomie intime. La dernière fois, un homme, n’en pouvant plus de voir tant d’impudeur s’étaler sous ses yeux, s’est fendu d’un tonitruant « Asta fourlaye », est sorti de la salle pour revenir moins de cinq minutes plus tard... pour mieux se rincer l’œil. Tu parles d’une récrimination !

Au secours, les « tailles basses » sont là !

D’après que les « gos » elles-mêmes sont demanderesses de telles postures, dans les spotlights des flashes qui crépitent, en quête d’un désir mâle, mal inassouvi. D’après que la jeunesse d’aujourd’hui a ses valeurs que la valeur ne connaît pas. Et qu’elle a raison de se déraisonner ainsi, avec des « tailles basses » qui enflamment les gars.

On en a même vu, déambulant sur nos artères, le postérieur haut perché sur une moto « générique », le numéro de téléphone portable tatoué au bas de la hanche, juste ce qu’il faut pour être lu de tous, attendant le « dring-dring » d’un chaud lapin pour annoncer les enchères charnelles ! Il ne reste plus que Meiway pour chanter haut et fort, que « voilà string, tu n’as pas porté caleçon » !

Ah, les vacances, c’est vraiment bien ! Et d’ailleurs, dans nos cités aujourd’hui en mal de repères, tous les jours c’est les vacances. Les bars, gargotes et maquis ne désemplissent jamais de garnements à la recherche de sensations fortes, et qui claquent le fric de leurs parents aux vents, entre boissons fortes et frime. Serait-ce donc qu’en même temps que « la morale agonise au Faso » les mentalités changent, se travestissent... pour se tailler une nouvelle identité « décalement » à souhait, sous l’étendard d’une nouvelle « sagacité » ? Une nouvelle jeunesse décalée pour valeurs coupées !

A l’ombre de leur fromager favori, nos pères regardent tout cela avec un inquiétant détachement, secouent la tête et regrettent ce temps où le bas du pantalon était encore en patte d’éléphant et où la chemise, cintrée sur mesure, invitait à danser le twist et à être dans le « yé-yé ».

Gilbert Kiella

Journal du jeudi

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