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Zimbabwé : Cure de jouvence pour papy Bob

Publié le lundi 20 août 2007 à 07h29min

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Robert Mugabe

L’image paraît surréaliste, et pourtant elle a fait ces derniers jours le tour des capitales africaines et européennes : c’est le standing ovation qui a salué Robert Mugabe, le président du Zimbabwe, lors de l’ouverture le 16 août à Lusaka (Zambie) du sommet des chefs d’Etat de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADEC).

Oui, des présidents se mettant debout pour acclamer un des leurs à son entrée dans la salle de conférences ! A 83 ans, c’est presque une cure de jouvence pour le papy.

Ce natif de la Rhodésie du Sud a en effet dû savourer à cet instant-là une sorte de satisfaction intérieure et de revanche sur tous ceux qui le brocardent, en particulier certains pays européens qui ne veulent même plus le voir en peinture. Le cas de Robert Gabriel Mugabe pose, convenons-en, un dilemme :

voilà un président de la République que les dirigeants européens fuient comme la peste (depuis 2003 il est interdit de participation aux sommets du Commonwealth et de séjour aux USA et en Europe), mais qui est pratiquement adulé non seulement par une majorité confortable d’Africains mais surtout par ses pairs du continent, notamment ceux de l’Afrique australe au premier rang desquels se trouve Thabo Mbeki.

Justement lors de ce sommet de la SADEC, il a été question d’user du poids de l’Afrique du Sud pour infléchir la position de papy « Bob », à travers une médiation entre la ZANU-PF, son parti, et l’opposition, dont la figure emblématique n’est autre que Morgan Tsvanguirai, patron du Mouvement pour un changement démocratique (MDC), régulièrement martyrisé par le Vieux Lion de Harare.

Apparemment, deux personnages en Bob continuent d’être perçus par les uns et les autres. A l’image d’un Sékou Touré dont la vie fut divisée en deux temps par l’historien Ibrahima Baba Kaké (1), le Mugabs aura eu deux vies :

il y eut d’abord le héros : qui ne se souvient du retour en 1960 à Salisbury (actuel Harare) de l’ancien pensionnaire de la mission jésuite de Katuma, qui enseigna pendant des années à Lusaka, capitale de l’ex-Rhodésie du Nord ?

Et que dire de ses années de feu pendant lesquelles le chef guérillero s’illustra par des hauts faits d’armes en compagnie de Joshua Nkomo du National Democratic Party (NDP), futur ZAPU, qui sera interdit par le gouvernement blanc de Ian Smith. Sans oublier son long embastillement de 1964 à 1974, toutes choses qui ajouteront de l’épaisseur à la carrure politique de celui qui était déjà un héros vivant.

En tout cas ce fut une époque marquée par des violences et des élections qui ne résoudront rien jusqu’aux accords de Lancaster House (décembre 1979) qui octroieront, entre autres clauses, des garanties économiques à la minorité blanche et déboucheront sur la victoire de la ZANU aux législatives de mars 1980, qui remporta 57 des 80 sièges du Parlement, laissant 20 sièges au collège électoral blanc. De 1980 à 1987, Bob sera premier ministre et occupera le fauteuil présidentiel zimbabwéen en 87 avec le retour de la paix.

Puis vint le tyran dont le règne commença en 1999 par l’expropriation de plus de 70% des terres arables qui appartenaient aux 4000 Blancs en s’appuyant sur une réforme agraire inique. S’en suit une guéguerre permanente entre fermiers blancs et noirs regroupés au sein d’un nébuleux et mafieux groupe des anciens combattants. Et celui qui professe qu’en plus de ses 7 diplômes académiques il est aussi « diplômé en violence » n’hésite pas à brandir le fouet ou le fusil, c’est selon.

Mais c’est sur le terrain politique que le despote s’illustrera : en 2002 par exemple, Bob recourra à la violence pour pouvoir rempiler à la présidentielle. Intimidations, emprisonnements ont été utilisés contre le MDC. Idem aux législatives du 31 mars 2005, où la ZANU-PF obtint 78 des 120 sièges.

Dans la foulée, le Parlement a voté une loi plus « dévastatrice » en matière de réformes foncières avec l’opération « Murambatsvina » (nettoyer les ordures en langue shona) et une autre sur la confiscation des passeports.

Bref, aujourd’hui, c’est bel et bien la politique du pire qu’applique Mugabe qui sait que son pays est économiquement sous perfusion. Les céréales manquent et l’inflation avoisine les 5000% à telle enseigne qu’on a dû recouvrir à la planche à billets et c’est in extremis que le Zimbabwe a échappé en 2005 à l’exclusion du FMI. Au soir de sa vie, le vieil homme entraîne donc son pays dans la banqueroute et semble s’en moquer comme de sa première barbotteuse.

Cependant, c’est comme quand il est acculé que l’homme trouve les ressorts et les ressources nécessaires pour rebondir à moins que ce ne soit une exceptionnelle baraka ou peut-être ce que l’on appelle la psychologie de bazard qui joue en sa faveur.

Comment comprendre que ce « pestiféré » des Européens et des Américains trouve grâce auprès de ses pairs du continent ? Certes on peut trouver des explications à cette attitude bienveillante : d’abord tout simplement la communauté de sort, car dans ce qui ressemble à un syndicat de chefs d’Etat, on voit d’un mauvais œil ce tutorat aux forceps des anciennes colonies et on compatit aux misère de Mugabe en pensant à soi-même ; donc même si le vieillard de Harare gêne aux entournures, on s’en accommode en se disant que demain on pourrait subir les mêmes remontrances de la communauté internationale.

Dans ce méli-mélo zimbabwéen l’Afrique du Sud a une raison supplémentaire de ne pas tirer sur la corde, car si le Zimbabwe explosait, les effets collatéraux sur son territoire seraient incontrôlables d’où le fait qu’elle soit partisane de la « diplomatie discrète » au lieu de celle du bâton.

A cela s’ajoute le fait qu’à force de le martyriser, on le victimise à bon compte, surtout que les Occidentaux ont souvent montré que leur irrédentisme vis-à-vis des despotes à la petite semaine était à géométrie variable et qu’ils savaient s’en accommoder quand ils le voulaient.

Papy Bob qui attend la fin de son mandat en 2008 pense-t-il encore à demander une nouvelle onction populaire l’année prochaine ? Ou va-t-il enfin prendre une retraite pour écrire ses mémoires ? La logique politique, si tant est qu’elle existe, et surtout biologique le recommande. Mais encore faut-il que l’intéressé le veuille !

En attendant, il doit boire son petit lait pour être même parvenu à diviser le vieux continent dans la mesure où le Portugal, qui doit accueillir le prochain sommet Union européenne/Afrique compte bien l’y inviter. Au grand dam de ses partenaires, à commencer par la Grande-Bretagne, qui se pique aujourd’hui de bannir Mugabe alors même qu’elle n’a pas été capable de respecter les engagements pris à Lancaster House.

L’Observateur Paalga

Notes (1) : Ibrahima Baba Kaké,

Sékou Touré : le Héros et le tyran

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