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VIH/SIDA et changement de cmportements : Enfiler une capote sur du bois n’est pas la solution

Publié le lundi 20 août 2007 à 06h50min

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Beaucoup d’argent a été injecté dans la lutte contre le Sida en Afrique. Malgré cette débauche d’énergie et de moyens, le mal continue de faire des ravages. Tels sont les constats du psychologue Abdou Karim Diop, qui pense qu’il faut changer son fusil d’épaule, en prenant surtout en compte la dimension psychologique de l’utilisation du préservatif.

Dans tous les pays du monde et à des degrés divers, les populations ont entendu parler d’une façon ou d’une autre du danger du VIH/SIDA et de la nécessité de se préserver de cette maladie.

De plus, étant donné que ce problème est largement abordé dans les médias et par d’autres moyens de communication technique, on peut affirmer, sans se tromper, que le nombre de personnes n’ayant pas été touchées par les informations plus ou moins détaillées concernant cette maladie est relativement réduit.

Alors comment se fait-il que malgré ce tapage médiatique et cette débauche d’énergie et de moyens, le SIDA continue de faire des ravages dans nos pays ? Comme explication, certains spécialistes ont critiqué la diffusion d’informations ciblées davantage sur les risques liés à la maladie et sur les images effrayantes que sur des moyens crédibles et réalisables de prévention.

Cela a eu pour conséquence de créer un sentiment d’angoisse irrationnel, la maladie étant perçue comme une punition ou une malédiction. Pour eux donc, les grandes campagnes d’information ont eu un impact à la fois impressionnant et insuffisant.

Pour d’autres spécialistes, le contenu actuel des messages touche le public en termes exclusivement intellectuels, ce qui fait que la compréhension des messages n’entraîne pas de facto un changement de comportements.

Comme solutions, ces spécialistes ont préconisé de prendre appui sur les ressources culturelles des communautés (griots, chefs coutumiers) dans le but de toucher le plus de personnes. D’autres points de vue ont été donnés en vue de corriger les lacunes, mais hélas, la maladie continue de plus belle au point qu’on peut se poser la question de savoir pourquoi.

Notre approche du problème sera purement psychosociale et s’intéressera exclusivement à l’explication des cas de ceux qui, sexuellement actifs, ont néanmoins décidé (dans une apparente insouciance) de faire abstraction des méthodes de protection contre la maladie bien que n’ayant pas de problèmes psychologiques avérés.

Lutter contre la peur du préservatif

Il s’agit plus spécifiquement de ceux qui refusent les moyens de protection par peur plus ou moins avouée (peur du préservatif en tant que corps étranger, peur de son incapacité à maintenir l’érection, en somme, peur de décevoir sa partenaire).

C’est vrai que les campagnes de sensibilisation présentent des séances d’utilisation des préservatifs, mais ces méthodes ne prennent pas en compte la dimension psychologique de cette utilisation (trac, angoisse...), car, dans la réalité, nous avons affaire à un fonctionnement du corps qui obéit à d’autres impératifs (physiologique, psychologique), lesquels dépassent le simple fait d’enfiler une capote sur un morceau de bois (tel que le présentent les séances de sensibilisation).

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, la peur de l’échec est forte chez certains individus au point qu’ils ont des blocages psychologiques dans l’utilisation des préservatifs, et cela, malgré les risques de se voir contaminés.

L’exemple d’un amoureux qui rate le premier rapport sexuel avec sa dulcinée (à cause sans doute de l’émotion que tout homme ressent à des degrés divers lorsqu’il va pour la première fois avec une fille) est illustratif des dangers qui peuvent guetter tout homme qui doit démontrer sa virilité après un échec.

La tendance sera d’y aller plus vite pour réussir cet examen de passage qui préfigure la suite des relations. Pour justifier des attitudes qui frisent l’inconscience ou l’insouciance, certaines personnes utilisent des méthodes dilatoires du genre : « le SIDA est fabriqué par les Blancs pour décourager les amoureux », « on ne peut pas manger la banane avec sa peau », « on ne sent rien avec ce bout de caoutchouc ».

Les psychologues parlent ici de mécanisme de défense, qui consiste à occulter ses propres difficultés par l’utilisation de manœuvres dilatoires tendant à justifier l’injustifiable

Il y a donc la nécessité de prendre le problème sur un autre plan : celui de l’éducation à la sexualité. Cette éducation doit s’attacher à informer, sans tabou, les jeunes sur la sexualité de façon générale en mettant l’accent sur les blocages, « les pannes », qui peuvent intervenir dans toute sexualité ; la sensibilisation doit se faire de façon impersonnelle, car il est difficile aux jeunes de s’exprimer spontanément sur leur propre sexualité.

Ainsi, demander quelles sont les difficultés qu’un homme peut avoir lors des rapports sexuels passe mieux que poser la questions aux jeunes sur leurs propres difficultés. Cette activité de sensibilisation, loin d’être un encouragement à avoir une sexualité précoce, aura l’avantage de les rassurer et de dédramatiser les problèmes de panne, qui peuvent arriver à tout le monde.

Dédramatiser les pannes sexuelles

Aussi, créer des cadres de consultations psychologiques personnalisées pour les jeunes ayant des problèmes dans leur sexualité constitue également un autre moyen de prendre en compte la problématique générale des difficultés de l’adolescence.

Autres aspects à prendre en compte du côté des filles sexuellement actives, c’est leur rôle dans la dédramatisation des pannes qui peuvent arriver à leur copain. Des mots bien placés, des explications données par une fille à un jeune qui vient d’échouer dans ses premières relations sont un moyen de le rassurer.

Il en va de même de la persuasion qu’elle peut utiliser pour amener son compagnon à utiliser le préservatif. L’attitude qui consiste à dire « le préservatif ou rien » n’est pas suffisante, car elle relève plutôt d’une forme d’égoïsme en ce sens qu’on ne voit que soi-même.

Il s’agit plutôt d’encourager le partenaire réfractaire (par des conseils appropriés) à s’engager dans une logique de protection de sa personne et des autres au lieu de le laisser à son triste sort.

D’ailleurs, il n’est pas toujours facile de laisser tomber celui qu’on aime sous prétexte qu’il se montre irresponsable, d’où la nécessité d’adopter une pédagogie de persuasion, qui a l’avantage de préserver et votre amour pour la personne et votre santé.

En conclusion, nous dirons que le problème de la lutte contre la propagation du SIDA ne saurait se résoudre sans une prise en charge conséquente des difficultés des jeunes de façon générale . Cela passe en premier lieu par la mise en place et le renforcement des structures socio-économiques et psychologiques de prise en charge des jeunes

Diop Abdou Karim

VNUN Psychosociologue

Mail : abdouk_diop@yahoo.fr

Tél : 70 26 26 36

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 20 août 2007 à 08:42 En réponse à : > VIH/SIDA et changement de cmportements : Enfiler une capote sur du bois n’est pas la solution

    Je pense que ce qui est central quand meme, c’est la dimension morale :
    Vous avez beau faire des campagnes et injecté de millions sur une population "moralement decadente", il n’y aura aucun effet !
    Tromper sa femme / son mari, avoir un 2eme bureau est un sport national !
    la prostitution aujourd’hui se trouve dans pratiquement toutes les rues, tous les maquis de Ouaga !
    Chercher de l’argent pour courir les femmes est l’ojectif des jeunes
    Chercher des hommes pour avoir un portable ou motot est l’objectif des jeunes filles
    Chercher des jeunes fraicheurs est l’objectif des vieux etc etc !

    Moralisons la societé d’habord, le taux de nouvelles d’infections du SIDA baissera ! Ensuite on fera des campagnes pour les récalcitrants !

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