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" Femmes en noir du Faso " : Ces femmes qui croient encore en la justice

Publié le samedi 18 août 2007 à 06h35min

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Sur le modèle des " Mères de la Place de Mai " en Argentine, des femmes burkinabè se réunissent chaque premier dimanche du mois au cimetière de Gounghin à Ouagadougou.

Un rendez-vous mensuel respecté depuis un an par des femmes qui refusent de baisser les bras après le non lieu sur l’affaire Norbert Zongo. Pour elles, la fatalité des événements doit être enterrée au cimetière pour laisser vivre l’espoir !

Dimanche 5 Août 2007, 15h. Le lieu est calme. Comme il devrait l’être. La pluie du matin rend l’accès du cimetière très difficile. Il y a de l’eau partout. Il faut faire des pirouettes pour s’y rendre. Malgré ces conditions, le rendez-vous mensuel est respecté. Elles arrivent par petits groupes. Les habituées du rendez-vous sont en tenue de deuil : noires des pieds à la tête. Elles s’appellent les " Femmes en noir du Faso ". Né en août 2006, au lendemain du non lieu sur l’affaire Norbert Zongo, le mouvement célèbre en ce mois d’août son premier anniversaire. Le hasard de calendrier a fait que le premier dimanche du mois tombe sur un 5 Août, date anniversaire de l’indépendance du Burkina.

Une date de souvenir. C’est également pour perpétuer la mémoire de Norbert Zongo et réclamer vérité et justice sur son assassinat le 13 décembre 1998 que chaque premier dimanche du mois, les " Femmes en noir " se retrouvent au cimetière de Gounghin, secteur 17 de Ouagadougou. Le temps n’a pas entamé leur détermination, même si leur rencontre est passée entre temps de chaque dimanche du mois à un dimanche.

Les difficultés liées aux moyens de déplacement les ont amenées à réduire les fréquences de leur rendez-vous. Pour ce dimanche 5 août, elles sont une dizaine à faire le déplacement. Elles se connaissent presque toutes. Une seule semble être nouvelle. Bébé au dos, elle est venue, accompagnée de son frère. Elève stagiaire à Koudougou, elle est en vacances à Ouagadougou. Ce n’est pas sa première fois de venir en ses lieux. Elle était là à la première rencontre des " Femmes en noir " en 2006.

Un an après, elle revient trouver presque les mêmes femmes. De temps à autre, des hommes viennent se joindre à elles. Comme ce 5 août, où le lauréat du concours Ciné droit libre, Abdoul Aziz Nikiéma est parmi elles. Son scénario primé porte d’ailleurs sur leur combat. Il prépare un film documentaire sur le mouvement. Il y a d’autres hommes qui sont là, mais ceux-ci sont des habitués du cimetière plus que les " Femmes en noir " elles-mêmes. Ces jeunes gens sont assis sur des tombes non loin de celles de Norbert et de ses compagnons. Certains affirment que ces jeunes viennent ici tous les jours. Le cimetière est leur refuge. Que font-ils exactement ? Ce qui est sûr, la position allongée de certains d’entre eux laisse penser qu’ils viennent se reposer, dormir. Ils ne font pas beaucoup attention aux femmes et elles non plus ont fini par s’habituer à leur présence.

A 15h 30, la petite cérémonie peut commencer. Elles s’avancent lentement, évitant au passage les flaques d’eau et les monticules de tombes qui jalonnent l’accès de la tombe du journaliste assassiné. Face à la tombe, elles entonnent la prière de la Vierge Marie. D’abord en moré puis en français. Leurs doléances restent les mêmes : paix pour les disparus dans le royaume de Dieu et justice pour eux sur la terre des hommes. Pour que plus jamais, l’abominable ne se reproduit. Après la prière, la secrétaire générale, Mme Fatimata Ouédraogo, lit une déclaration qui mentionne entre autres "les nombreux soutiens moraux" qu’elles ont reçus durant ces douze derniers mois.

Soutiens et intimidations

Le dernier soutien en date reçu par les " Femmes en noir " vient de la Commission Justice et paix de l’Eglise catholique du Burkina. C’était en mai dernier où les membres de cette Commission sont venus se recueillir sur la tombe de Norbert et demander que le dossier soit ré ouvert. Pour l’instant, c’est la seule structure au niveau national à les soutenir ouvertement. Elles ont écrit trois fois au ministère de la Promotion des Droits humains. Sans réponse. Les soutiens viennent surtout des individus. Des anonymes pour la plupart. Comme ce chercheur congolais qui s’est joint à elles lors de son passage à Ouagadougou en mai dernier. Parfois, elles reçoivent des messages de soutien par sms qui viennent des provinces. Ce dimanche 5 août, Mme Rouamba Georgette/ Zongo, la sœur de Norbert Zongo, a reçu deux sms de femmes qui disent être à Banfora, mais qui disent être de tout cœur avec elles au cimetière. Mais les intimidations et menaces sont également fréquentes.

"Au début, nous étions nombreuses, mais beaucoup de femmes ont abandonné pour diverses raisons dont des intimidations et des menaces. ", affirme Mme Rouamba. La sœur de Blaise Ilboudo, une des victimes de Sapouy, qui venait régulièrement, aurait renoncé sous les menaces de son pasteur. " Elle nous a dit que le pasteur de son église l’a appelée pour lui dire de ne plus venir avec nous au cimetière. Au début, elle persistait à venir. Puis, un dimanche, à la fin de notre prière, elle nous a dit qu’elle ne pourra plus venir parce que son pasteur a dit que si elle continue, il va l’exclure de son église. ", raconte Mme Rouamba. Depuis ce jour, elle n’est plus revenue.

Les femmes musulmanes ont subi des pressions similaires : " Des femmes musulmanes du secteur venaient avec nous. A la fin de la prière catholique, elles faisaient également leur prière. Elles nous disaient chaque fois que leurs maris ne sont pas contents. On leur a dit qu’il est interdit à une femme musulmane d’aller dans un cimetière. Pendant des mois, elles continuaient à venir jusqu’à ce que certaines d’entre elles soient menacées de divorce. C’est ainsi qu’elles ont abandonné. ", explique la sœur du journaliste. La présidente des " Femmes en noir du Faso " n’est pas épargnée. Son mari lui fait chaque fois des histoires. "

La dernière fois, il est venu me dire que je serai emprisonnée, voire tuée si je continue d’aller au cimetière. Il dit que ce sont des gens qui lui ont dit ça dans une buvette et que lui, il ne veut pas de problème. Je lui ai dit d’aller dire à ces gens de venir eux-mêmes me raconter ça. Moi, je n’ai pas peur. Si je dois mourir pour ça, je suis d’accord. ", confie Mme Zongo née Tapsoba Martine. Les " Femmes en noir " doivent faire face également à la désinformation. " Des femmes me disent qu’on leur a dit de ne pas se fatiguer venir au cimetière parce que la famille de Norbert a été dédommagée. On leur aurait dit que la famille a reçu des millions. ", déclare la sœur de Norbert.

Malgré ces difficultés, les " Femmes en noir " ne cèdent pas au découragement. Au contraire, elles appellent d’autres femmes à se joindre à elles : "Notre mouvement ne manifeste pas contre le pouvoir. On demande seulement à l’Etat de reprendre le dossier Norbert et de faire la lumière sur tous les autres crimes.", assure la présidente.

Ce dimanche 5 août, elles ont encore renouvelé leur engagement à poursuivre la lutte. Elles estiment que leur combat n’est pas sélectif. Elles sont ouvertes à tout le monde. C’est pourquoi elles n’excluent pas d’aller dans d’autres cimetières si elles sont contactées par les familles des autres victimes. Aux environs de 16h 15, le petit cérémonial était déjà terminé. Calme et très digne, chacune a repris le chemin de sa maison. Rendez-vous est pris pour le 2 septembre pour la résistance active et non violente au déni de justice

Par Idrissa Barry
L’Evénement

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Vos commentaires

  • Le 18 août 2007 à 14:12, par roussel En réponse à : > " Femmes en noir du Faso " : Ces femmes qui croient encore en la justice

    Merci pour vos informations. Elles sont un signe d’espérance et un encouragement à ne pas baisser les bras face aux bassesses de tous les pouvoirs. C’est aussi une grande joie d’apprendre que Justice et Paix soutient l’action de ces femmes courageuses.
    Que la Paix et la Justice soient répandues en plénitude sur toutes les personnes de bonne volonté pour être manifestées au monde et aux corrompus qui le dénature.

    • Le 18 août 2007 à 22:42 En réponse à : > " Femmes en noir du Faso " : Ces femmes qui croient encore en la justice

      Tout mon soutien a ces femmes en noir. Vous ne pouivez pas savoir comment votre mouvement apparemment limite derange ceux qui ont tue et brule Nor bert Zongo et ses 3 compagnons d’ infortune. Ceux qui ont fait ca, je parle surtout du cerveau qui a commande, ils ont quand meme une conscience et a chaque fois que vs vs rencontrez, ils ont des insomnies face a cette horreur cannibale qu’ ils ont eu le courage de perpetrer. N’arretez jamais. meme si vous vous retrouve a deux, l’effet est le meme.
      Courage et que Dieu vous benisse.
      Un admirateur de votre mouvement a conscience citoyenne depuis les Etats- Unis d’ Amerique.

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