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Afrique : Démocratie en panne cherche nouveau souffle

Publié le vendredi 17 août 2007 à 07h09min

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Comme l’avait dit un chef d’Etat, en Afrique, on n’organise pas une élection pour la perdre. Il a eu raison, il a raison. Les processus démocratiques en cours dans la quasi-totalité des Etats en Afrique offrent malheureusement de tristes exemples.

Ce qui était arrivé, une décennie, auparavant au Congo Brazzaville et au Bénin où les présidents Denis Sassou Nguesso et Mathieu Kérékou ont été battus lors de la présidentielle qu’ils ont organisée, est à considérer comme des accidents de l’Histoire. Les élections législatives et présidentielles organisées dans les différents Etats au cours de ces dernières années ont débouché sur la formation de parlements dominés par les partis présidentiels, ces partis majoritaires qui "soutiennent la politique des présidents en place."

Les cas les plus récents sont ceux du Congo Brazzaville et du Cameroun. Lors des législatives du 6 mai dernier, le parti du président Blaise Compaoré, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) avait réalisé la même performance. Dès lors, les résultats des consultations électorales sont sans enjeu, parce que connus d’avance. Peut-être c’est par là qu’il faudrait commencer à chercher les raisons du peu d’intérêt de plus en plus grand des populations pour les scrutins où l’on enregistre après chaque élection des taux de participation étriqués, si minimes qu’ils permettent de douter de la légitimité des lauréats de ces scrutins.

L’idée qu’on a des démocraties africaines, c’est qu’elles constituent des marchés de dupes, essentiellement destinées à la consommation externe. En amont, les élections qui ont permis de les asseoir ont été elles aussi un grand marché où les projets les plus en vue sont les achats de conscience, la corruption, la falsification des résultats au profit du parti majoritaire, etc. La gestion de la chose publique qui en résultera se caractérise également par la corruption, la gabegie, et toutes sortes de pratiques et de comportements antidémocratiques et antirépublicains.

Dans un tel contexte, la démocratie africaine est confisquée. Par la suite, elle tombe en panne. Pour le reste, l’opposition est vouée aux gémonies et clochardisée, la presse bâillonnée, muselée. Les atteintes aux droits de l’homme deviennent légion, parce que les auteurs sont assurés de l’impunité garantie par une justice aux poings liés. Le pouvoir est omnipotent, omniprésent et omniscient. Il est intouchable, et tant qu’il le voudra, le parti au pouvoir le sera, ayant sophistiqué et légalisé toutes les méthodes de fraude, de vols des voix. L’usure du pouvoir est quelque chose que l’on ignore sous les Tropiques où c’est l’ère des présidences à vie.

L’espoir qui était né au lendemain du discours du président français François Mitterrand à La Baule en 1990 se meurt chaque jour davantage à cause des féroces agressions des dictateurs qui ont tôt fait de mettre leurs pays et leurs économies sous coupe réglée.

Les institutions internationales et certaines ONG, champions inquisiteurs en matière de démocratie, n’ont plus d’yeux ni d’oreilles, déjà très contents de maintenir ces pays dans les limites de la survie économique pour qu’ils puissent payer l’argent qu’ils leur doivent au titre de la dette. Une dette qui a parfois moins servi au financement du développement que pour asseoir des dictatures. Ces institutions, cyniquement, semblent les encourager dans leur entreprise funeste.

Quelle place une opposition peut-elle occuper face à un tel pouvoir dominant et accapareur ? Quel jeu peut-elle jouer et devra-t-elle jouer ? Disons-le tout de suite : une opposition crédible et respectée est à la démocratie ce qu’est la sève à l’arbre. Un parti majoritaire n’a de sens que si à côté de lui, il y a une opposition significative. Un parti majoritaire n’a pas de signification avec une opposition résignée. En l’absence de celle-ci, on a affaire à une dictature, propre au parti unique.

La démocratie supposant dialogue et négociation, il faut au minimum être à deux pour le faire. Dans le cas d’un parti outrancièrement majoritaire, ce dernier ne peut avoir que l’écho de sa propre voix. Pour rire, il faut qu’il se chatouille. L’absence d’une opposition, et l’impossibilité pour le parti majoritaire de satisfaire tous ses militants, engendrent infailliblement frustrations et complots. Dans ses tentatives de les évacuer, le parti majoritaire africain est contraint de procéder à une recomposition du paysage politique. C’est du moins ce qu’il dit. Mais il arrive que le contrôle de ces forces centrifuges lui échappe et c’est l’explosion, née de l’implosion.

Les rébellions qui naissent partout dans le monde ont pour principale raison la volonté de briser l’accaparement du pouvoir par une majorité ou par une minorité. Nombre de pays ont connu ces soubresauts qui ont emporté les partis uniques. Les grands mouvements de contestation et de revendication ont dans la plupart des cas, créé le multipartisme qui a coïncidé avec l’époque d’après le discours de La Baule. Cette période est sur le point d’être balayée par les dictatures et les présidences à vie. La démocratie dans la presque totalité des Etats africains se trouve présentement en panne. Elle a besoin d’un nouveau souffle, mais d’où viendra ce souffle ?

’Le Fou"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 17 août 2007 à 21:35, par soulby En réponse à : > Afrique : Démocratie en panne cherche nouveau souffle

    Si l’auteur de cet article est fou, il faut bien que nous devenions tous fous !!!
    Bravo pour cette analyse pleine de sens et qui touche du doigt la véritable cause de notre attardement millénaire et persistant.
    Oui, aujourd’hui encore l’Afrique a mal. Elle n’est pas encore partie !! Réné Dumont était un peu optimiste lorsqu’il disait que "lAfrique est mal partie". Et dire qu’en son temps il avait eu droit à toutes les haines des Senghor, Houphouet, Bongo et autres bourreaux responsables de l’attardement du continent africain ! Je crois que les jeunesses africaines doivent dire "non" à l’imposture savamment menée depuis des lustres par leurs aînés. En réalité, les aînés ont échoué. Leur échec a des effets dévastateurs : faim, maladie, analphabétisme, retard, corruption, détournement de deniers publics, paralysie générale !!
    Je pointe un doigt accusateur sur les aînés. Ils ont échoué et l’Afrique avec. Qu’ils aient l’audace de céder la place à la jeunesse, car celle-ci est riche d’enseignements et d’idées de leur époque. Les aînés doivent avoir honte et l’audace patriotique de se rétirer après des décennies d’échec !! Faute de quoi ils contamineront, si ce n’est déjà fait, la jeunesse qui perpétura les gaffes responsables du sort de nos pays.
    Non aux aînés, pour une jeunesse africaine aux commandes du destin de l’Afrique avec à ses côtés les Femmes. Oui, les Femmes !!
    Osons dire que nos aînés sont pour la plupart des hommes. Ils ont conduit l’Afrique dans le précipice.

    • Le 19 août 2007 à 16:05, par Paulin En réponse à : > Afrique : Démocratie en panne cherche nouveau souffle

      Merci au "Fou" et a Soulbi. Ca me fait rappeler un ecrit-editotial paru dans un journal de la place en 2004 intitule "Le Proces de nos aines mediocres". C’etait assez severe mais avec le temps, on peut donner raison a son auteur :

      LE PROCES DE NOS AINES MEDIOCRES... - Le 10-10-2004 à 17:02

      Lors du dernier Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO), nous avons bien sûr admiré la richesse des broderies, des décorations sur les pots et les diverses jolies statuettes exposées par les participants venus d’un peu partout en Afrique et en Europe. Mais des tapis béninois richement décorés présentant les images des rois d’Abomey a suscité notre curiosité. En effet, à la liste des rois d’Abomey qui ont régné depuis 1600, il manquait le nom d’un roi pourtant célèbre : le roi Adandozan (1797-1818). Pas parce qu’il n’ait pas effectivement régné sur le Dahomey, mais plutôt parce que l’évocation de sa mémoire est trop triste, indigne et déshonorante pour tout le peuple d’Abomey. Ce roi s’illustra, en effet, comme le plus méchant des rois, se livrant à des atrocités sans bornes contre ses propres sujets. Au dire de nos interlocuteurs d’un soir au SIAO, il est communément admis au Bénin de ne même pas évoquer le nom de ce roi qui, du coup, devient « indigne de la lignée des nobles » d’Abomey. Quel triste sort !
      Ce sort réservé à la mémoire du roi sanguinaire Adandozan d’Abomey ne pourrait-il pas être partagé par bon nombre de nos aînés au pays des hommes intègres ? Eh oui ! En parcourant les archives récentes du Burkina Faso, nous faisons face à des noms d’hommes ou de femmes qui méritent d’être jetés dans les poubelles de l’histoire. Et si nous citons un de ces noms, il va se trouver toujours quelqu’un pour dire : « Mais pourtant, ce type était bien ! » Nous ne citerons donc pas pour le moment des noms ; mais tous, nous reconnaîtrons que tous ceux qui, à un moment de leur vie, ont pris des décisions qui nuisent à la jeunesse, détruisent l’intelligence, sacrifient les enfants et bazardent les richesses nationales, ne méritent pas notre respect. Ainsi, dans le domaine de l’éducation, on pourrait lancer l’idée de savoir le plus mauvais ministre de l’enseignement du Burkina, ou bien le plus mauvais recteur de l’université de Ouagadougou ou de Bobo-Dioulasso.
      « On a foutu l’Université en l’air ! », s’est écrié un nostalgique du temps du « Bac=Bourse=char ». Mais qui a foutu l’université en l’air ? A cette question, les étudiants, élèves et enseignants auraient bien voulu répondre volontiers ( ?). Et que ferions-nous des médiocres ainsi mis à nus ? Lorsqu’on aura découvert les plus médiocres, on les présentera à la génération présente et future comme les bourreaux de l’enseignement au Burkina. Ils méritent qu’on les mette sur la place publique, et que tous les jeunes et les moins jeunes les huent. Ne sera-ce pas une leçon pour ceux qui gouvernent présentement ? Les actuels ministres des enseignements (Laya SAWADOGO et Mathieu OUEDRAOGO) ont donc intérêt à suivre les résultats d’un tel procès. C’est ça aussi la lutte contre l’impunité : faire peur à ceux qui seraient tentés de prendre des décisions « éducacides ».

      Les Enfants de 2008
      In « Les Enfants de 2008, numéro 004 : Mars-Avril 2004

      • Le 20 août 2007 à 10:51, par internaute anonyme En réponse à : > Afrique : Démocratie en panne cherche nouveau souffle

        La Démocratie en Afrique est en panne à cause, certes, du Parti ultramajoritaire africain ! Mais, la Démocratie est en panne en Afrique parce qu’aussi l’Opposition africaine est en réalité inexistente ! Car face à un Parti-Etat ultra dominant, le bon sens impose que pour faire le contre-poids de ce mastodonte tous les autres partis en face forment un bloc uni ! Au lieu de se lancer en ordre dispersé dans la lutte, comme cela a jusque-là été le cas ! Dans cette mesure, il n’est point étonnant que le processus démocratique en Afrique soit grippé ! Et il en sera toujours ainsi, tant que les partis se réclamant de l’Opposition n’auront pas mis en veille leur égo surdimensionné pour accorder tous ensemble leurs violons ! Tant qu’une véritable Opposition n’aura pas vu le jour en Afrique, la Démocratie n’y sera qu’un leurre ! Et arrêtons de rendre le Parti ultra majoritaire africain unique responsable de la panne que vit la Démocratie en Afrique ! Au demeurant, le Parti-Etat ne fait que jouer pleinement sa partition ! Si l’Opposition en face n’est pas capable de faire pareil, elle ne doit s’en prendre qu’à elle-même ! Les choses ne sont pas aussi simples que cela, me retorquera-t-on ? Je réponds que si ! Parce qu’en constituant un bloc uni ( l’unité dans la diversité ! ), l’Opposition réussira à coup sûr à déjouer les basses manoeuvres de destabilisation savamment et habituellement orchestrées par le Parti ultra majoritaire africain ! ...le sort de la Démocratie en Afrique est donc entre les mains de ... l’Opposition africaine qui, gagnera d’abord à naître ! S’ensuivront alors, les changements que nous souhaitons tous !

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