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Discours de Nicolas Sarkozy à Dakar : ce qu’on en pense au "grin"

Publié le jeudi 16 août 2007 à 07h55min

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Au grin, les débats sont parfois houleux et des passants s’arrêtent un instant pour comprendre finalement qu’il ne s’agit que d’une partie de paroles en l’air. Le grin c’est un lieu d’informations toutes fraîches et extraordinaires à la fois.

Un membre du grin à qui on a attribué le titre de "commis-pointeur" à cause de son amour pour les journaux, est arrivé avec une nouvelle qui a suscité une vive discussion. Il a rapporté que le président français est allé à Dakar et devant toutes les têtes pleines du Sénégal, il a traité les Africains de singes qui devraient évoluer.

C’est pas possible", s’est écrié un membre bouillant du grin qui, depuis qu’il a regardé le feuilleton "Racines" où Kunta KINTE fut déporté d’Afrique et vendu comme esclave, depuis donc, il regarde les Blancs avec beaucoup de méfiance.

Le "commis-pointeur" qui ne parle que dans les journaux est allé prendre le journal en question. Il souligne une partie et la fait lire à haute voix par quelqu’un d’autre. "Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain qui, depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a pas de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès...
Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. Le problème de l’Afrique, et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là, le défi de l’Afrique, c’est d’entrer d’avantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire...". Extrait du fameux discours de Nicolas SARKOZY le 26 juillet 2007 dans un grand amphithéâtre de l’université Cheikh-Anta DIOP de Dakar, devant des ministres, des professeurs et des étudiants triés sur le volet. Discours repris dans Jeune Afrique N°2430.

Mais où est la partie où il parle de l’homme africain comme étant un singe" ? S’offusque le bouillant. Ecoute encore ce n’est pas fini" réplique le commis-pointeur qui souligna une autre partie à lire. "Le problème de l’Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter ne reviendra pas pour la simple raison qu’il n’a jamais existé...".

Voyant que l’assistance est restée de marbre, le commis-pointeur remonta plus haut et fit lire une autre partie qui eut un peu de répondant parmi les gens du grin. Dans cette partie, le président français parle de la colonisation : "L’Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. On s’est entre-tué en Afrique au moins autant qu’en Europe. Mais il est vrai que jadis les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu’ils devaient penser, ce qu’ils devaient croire, ce qu’ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont déenchanté l’Afrique. Ils ont eu tort". Là les gens se sont un peu remués. L’homme bouillant qui attendait la phrase promise s’est finalement désintéressé de cette histoire.

Les débats ont été très houleux. Une première opinion pense comme le commis-pointeur que SARKOZY est allé un peu trop loin. Ceux-là n’ont pas été tendres envers les étudiants de l’université Cheick Anta DIOP de Dakar. Pour eux, ces derniers devraient réagir même violemment, ne serait-ce que pour faire honneur à ce grand défenseur de l’homme noir dont le nom trône fièrement à la devanture de leur université. Ils pensent que Cheick Anta DIOP s’est certainement remué dans sa tombe à plusieurs reprises.

Les autres par contre pensent que SARKOZY n’a fait que dire la vérité. Pour eux, la vérité rougit les yeux mais ne les casse pas. Ce n’est pas par ce genre de discours que l’Afrique peut se réveiller. Il faut selon eux, secouer un peu l’orgueil et la fierté des Africains pour les mettre au travail. C’est tout juste cela que recherche le nouveau président français.

Mais le sage du grin lui est toujours au-dessus de la mêlée. Pour lui, Nicolas SARKOZY ferait mieux de régler les problèmes des Français qui existent réellement, plutôt que de vouloir donner des leçons d’histoire aux Africains. Au stade actuel où vont les choses, nul n’est à l’abri du besoin. Nous devons nous donner la main, dans la solidarité pour mieux vivre ensemble. Vouloir marginaliser l’Afrique à tout prix est suicidaire pour le monde entier.

S’engouffrant dans la même lancée, le commis-pointeur revient encore avec son journal en question (Jeune Afrique N°2430) qui révèle les résultats d’une enquête menée par le Pew research center de Washington, entre avril et mai 2007, auprès de 45239 personnes de 47 pays à travers le monde. "Il en résulte que le pessimisme des pays les plus riches ne touche pas les plus pauvres. Alors que 80% des Français estiment que leurs enfants auront une vie plus difficile qu’eux, 73% des Ivoiriens, 69 % des Nigérians, 60% des Sénégalais et 56% des Maliens pensent le contraire". C’est donc dire que rien n’est encore joué d’avance. Le sage d’Afrique, feu Houphouët BOIGNY aimait à dire que "la vie est une course ; on ne juge pas au départ mais à l’arrivée".

C’est aussi le même Houphouët qui de son vivant disait "De grâce, écoutez les anciens que nous sommes. J’ai dit un jour ici que le monde est habité par quatre vilains sentiments : la peur, l’hypocrisie, l’égoïsme et la jalousie. Il ne faut pas que demain les petits Européens soient victimes de l’égoïsme de leurs pères vis-à-vis de nos pays". Quand on rapproche cette pensée du sage de Yamoussokro aux résultats de l’enquête menée par le Pew research center de Washington, on voit bien que ses paroles ne sont pas tombées.

Le sage du grin de conclure, "nous sommes tous dans le même bateau et chacun devrait prier pour qu’on arrive à bon port ensemble". Mais ceci n’est qu’un idéal pas facile à atteindre.

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 24 août 2007 à 16:19 En réponse à : > Discours de Nicolas Sarkozy à Dakar : ce qu’on en pense au "grin"

    "Leurs difficultés actuelles sont liées à la corruption, à la faiblesse de l’Etat de droit, à la condition de la femme. Discours excessif, certes, mais qui a des vertus libératrices tant il bouscule les conventions."

    Voila le genre de remarque d’internautes, qui ne font que paraphraser leur Président (personnellement je suis français mais jamais je n’accepterai cet Homme comme tel, non-non-non, il n’est pas mon président !) et qui sont énoncées par des incultes de l’Histoire contemporaine. Pas une réaction (pour, contre ou contradictoire) ne parle des "éléphants blancs"... La "corruption", la "faiblesse de l’Etat de droit" etc. trouve leur racine dans l’exploitation outrancière des ressources de ce Continent. Exemple actuel : le Togo, pays "extremement riche" (ces guillemets sont les miennes). Un dictateur depuis 50 ans et des contrats avec la France depuis ... 50 ans. Une entreprise européenne implante une usine achetée excessivement chère par leur dictateur (avec backchiche bien entendu) pour contribuer à l’extraction d’une de leur nombreuses richesses naturelles. L’idée est louable mais la méthode meurtrière : ils construisent l’usine, l’exploitent pendant un temps et s’en vont avec le beurre et l’argent du beurre. Après le départ on se rend compte qu’il n’y a personne de local qui a été formé pour faire fonctionner l’usine. Résultat : des accidents du travail coûtant parfois la vie et une usine laissée à l’abandon et qui nécessiterait le même investissement de départ pour la refaire fonctionner ... Messieurs, quand on parle de coopération au travers d’un nouveau ministère, cela ne doit pas dire "tu m’aide à les expulser et je t’aiderai à gagner du pognon facilement" !!!
    Second exemple, toujours dans le même pays : pour la réélection de leur dictateur, ce dernier a eu la bonne idée d’organiser une élection démocratique. Louable encore une fois et appuyée par la bienveillance chiraquienne. L’opposition ? elle la boycotta pour protester contre l’ingérance et l’appui extérieure français et la corruption et leur dictateur. Résultat : pour ne pas perdre la face et peindre la facade de cette élection aux couleurs de la démocratie, l’ex-futur président/dictateur a du demander à ses ministres de se présenter contre lui ?! Refus de la part de certains d’entre eux. Conséquences : monsieur l’ambassadeur de France au Togo se déplaca personnellement à leur hotel, toqua à leur porte avec un chèque glissé sous celle-ci !!! vous me croyez ou pas je m’en fout. Votre ignorance ne regarde que vous. Et comme vous le diriez "je vous laisse régler par vous seulement ce problème qui n’appartient qu’à vous-même" (c’est apparement votre méthode de réflexion, du moins concernant l’Afrique)
    La coopération de ce nouveau ministère, s’il veut garder une certaine place à peine glorieuse dans l’Histoire, doit jouer le rôle de contre-pouvoir à la puissance économique faramineuse de ces compagnies européennes qui implantent les "éléphants blancs". Et leur dire stop ! arrêtez ce carnage silencieux et pernicieux. Mettre en place une comission de surveillance de ces pratiques avec un discours solennel et public à l’appui de votre Président. Elle est là la coopération. C’est écouerant d’entendre tous ces soutiens à quelqu’un qui vient en Afrique pour parler de Noir à des Noirs. Quel rascisme !
    Mes sources
    - Gilles Labarthe "Le Togo, de l’esclavage au libéralisme mafieux" Editions Agone, Marseille, 2005
    - La campagne de la presse africaine lors de ces élections, mille fois plus documentées que cent 20h de Fr2. Merci Google.

    • Le 27 août 2007 à 12:24 En réponse à : > Discours de Nicolas Sarkozy à Dakar : ce qu’on en pense au "grin"

      Je ne comprends pas trop ces leçons de démocratie de la part de quelqu’un qui ne reconnait pas la légitimité d’un président démocratiquement élu en France.
      Nicolas Sarkozy a-t-il glissé une enveloppe de billets sous la porte de Ségolène Royal pour qu’elle se présente contre lui ?
      Personnelement je n’ai pas voté pour lui, mais je respecte le choix de mes concitoyens que je ne considère pas à priori comme des incultes de l’histoire contemporaine.
      Je suis au courant des élections au Togo, mais je sais aussi écouter ceux qui me parlent des élections au Libéria, de la première femme élue en Afrique, de la visite que nicolas Sarkozy lui rendit avant son élection à l’ambassade du Libéria, de celle qu’elle lui fit la veille la veille de celle d’Omar Bongo.

      • Le 28 août 2007 à 10:44, par arnaud En réponse à : > Discours de Nicolas Sarkozy à Dakar : ce qu’on en pense au "grin"

        Pardon. Je ne voulais pas faire de leçon de démocratie. C’est vrai que c’était un peu culotté de ma part ... Mais je voulais surtout réagir sur ce système d’implantation silencieuse et sous-marine des "éléphants blancs". Car sans résoudre ce problème qui n’est pas de l’ordre du détail, je vois mal comment en tant que premier garant de ces implantations un président peut venir leur faire ... une leçon de démocratie et d’Histoire. Je pense qu’une politique qui se veut moderne doit d’abord être strictement cohérente. Et pour cela il faut un peu de courage afin de redigérer une politique extérieure embourbée dans des méthodes archaïques et malheureusement contemporaine. Justement, si je devais émettre une petite critique à votre encontre, je dirais que vous êtes un peu naïf concernant vos concitoyens et leur ignorance, ou leur volonté d’ignorer, cette Histoire toujours en marche. Et le leur dire n’est pas un manque de respect. Je veux juste que quelque soit ses considérations politiques, mon concitoyen garde un esprit critique et évite les pièges du cocktail explosif qu’est le triangle politique-média-finance. Et s’il vous plaît, ne voyez aucune idéologie dans cette critique. Les faits sont là, un peu plus probants chaque jour. Il est bien entendu louable d’aller féliciter cette première femme présidente en Afrique, mais cette venue ne s’est fait que parce que c’est une femme ... Il est temps de voir le fond des choses. Je ne vais pas être d’emblée d’accord avec Rachida Dati seulement parce qu’elle est jeune, issue de l’immigration et que c’est une femme. C’est son action qu’il faut regarder, vous en conviendrez j’en suis sûr. Il faut réussir à filtrer la poudre aux yeux.
        Et personnellement si au beau milieu de 65 millions d’habitants, ne serait-ce qu’une seule personne pense différemment des autres, je viendrais l’écouter avec une attention toute particulière. La Démocratie doit aussi se définir dans ce concept. Et là, oui, je vous l’accorde, c’est une leçon de Démocratie que je vous fait ici.

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