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Lutte anti-SIDA en Afrique du Sud : Les ambiguïtés de Tabo M’Béki

Publié le lundi 13 août 2007 à 07h32min

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L’Afrique du Sud fait de plus en plus face à de sérieux problèmes d’éthique politique, au-delà même des questions de discipline et d’efficacité au plan gouvernemental. Le limogeage récent de Madlala Routledge, ministre adjointe de la Santé, par le président Thabo Mbéki, en est une preuve.

Elle avait des divergences avec le président dans la gestion du dossier du Sida. Quelle alternative donc pour un membre du gouvernement convaincu qu’une prise de position ou une décision adoptée au plus haut niveau est erronée, dommageable pour la population, et même qu’elle en compromet dangereusement la survie ?

Selon un officiel, la décision de démettre Mme Routledge n’a point besoin d’être justifiée. On la trouve conforme au fonctionnement du système démocratique : le président décide des nominations et du renvoi de ses ministres. Pourtant, selon la presse sud-africaine, des divergences d’opinions seraient bien à la base de ce limogeage. En effet, la vice-ministre de la Santé devait se rendre en Espagne pour participer à une conférence sur le Sida. Les tentatives du président Tabo M’Béki en dernière minute d’annuler ce voyage ont été vaines. Le comble, c’est que le Sida tue chaque jour un millier de Sud-Africains alors que la politique menée par le gouvernement est des plus déconcertantes.

Depuis quelques années, l’équipe du président M’Béki inquiète par les ambiguïtés de sa politique face au Sida. Cela, à un moment où la communauté internationale compte sur l’implication effective des plus hautes autorités politiques pour contrer la propagation de la maladie. A plusieurs reprises, le successeur de Mandela avait mis en doute le lien entre le virus VIH et le Sida. M.M’Béki avait alors subi les attaques de la quasi-totalité de la communauté scientifique mondiale. Après avoir refusé de revenir sur ses positions, il avait fini par faire adopter un plan « d’urgence » donnant accès aux médicaments anti-rétroviraux.

Ces ambiguïtés dans les prises de position sud-africaines dissimulent mal le souci des gouvernants de faire place nette à une industrie pharmaceutique étrangère largement en avance sur la technologie locale. L’Afrique du Sud, pays émergent et doté de technologies de pointe, a certainement intérêt à faire prévaloir une certaine discipline, étant donné les difficultés du marché international et les inégalités d’accès à ce marché. Rien d’étonnant qu’un certain discours transparaisse, les stratèges en communication ayant beau jeu de semer le trouble. La diffusion de messages spécifiques et bien ciblés viserait peut-être à contenir les assauts de la concurrence, le temps qu’il faut à l’industrie locale pour développer ses produits afin de conquérir une part non négligeable du marché.

Les propos et gestes des dirigeants sud-africains sont susceptibles d’alimenter les rumeurs et d’influencer les comportements. Surtout dans un pays connu pour l’ampleur des viols, notamment de jeunes filles. Les positions ambiguës du gouvernement M’Béki traduisent peut-être son souci de défendre les intérêts sud-africains au plan économique, technologique, politique, idéologique, industriel, etc.

Face à la prédominance et à l’appétit de l’industrie pharmaceutique occidentale, des solutions alternatives doivent être trouvées pour une Afrique en retard et en proie à une paupérisation continue. Mais les offres alternatives n’ont pas encore prouvé leur efficacité, et les risques sont grands face à la propagation du Sida. L’observance des mesures de prévention et l’accès aux antirétroviraux dans le cadre d’une politique anti-Sida rigoureuse et bien gérée demeurent donc des impératifs pour le continent.

Au demeurant, le risque est grand de se mettre à dos, outre le leader, toute sa meute de courtisans. Mais, ne vaut-il pas mieux critiquer ouvertement des décisions inopportunes ou erronnées que de suivre de façon moutonnière une politique pour ensuite la dénigrer en privé ? Le triomphe de la vérité, de la justice et de la démocratie est aussi à ce prix.

Le Pays

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