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Dr Alain Dominique Zoubga : "...Un nouveau parti pour un autre Burkina"

Publié le lundi 13 août 2007 à 07h51min

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Alain Zoubga

Depuis le dimanche 4 août 2007, le cercle des partis socialistes s’est agrandi avec la naissance d’un bébé, l’AUTRE Burkina/PRS (Parti pour le Socialisme et la Réfondation). Pour comprendre les tenants et aboutissants de ce nouveau parti, Sidwaya a rencontré jeudi dernier l’un des fondateurs, le Dr Alain Dominique Zoubga.

Sidwaya plus (S.P.) : A quoi répond la création de ce parti ?

Dr Alain Dominique Zoubga (A.D.Z.) : Je suis l’un des fondateurs du parti. Nous sommes un groupe de camarades, après une profonde réflexion de plusieurs années et une pause d’une année suite à mon divorce avec la direction politique de mon ancien parti le PDP/PS, au regard d’un contexte particulièrement difficile sur tous les plans, se sont convaincus que la forme idéale pour continuer à lutter pour le Burkina Faso est d’asseoir un cadre. Aujourd’hui nous avons trouvé ce cadre et l’avons baptisé l’AUTRE Burkina/PRS (Parti pour le Socialisme et la Réfondation). Il y a aussi et surtout les raisons liées à notre positionnement en tant que militant dans la lutte politique depuis des années qui justifient notre engagement à accomplir cette tâche difficile.

S.P. : Pouvez-vous nous évoquer les principaux objectifs de l’AUTRE Burkina/PRS ?

A.D.Z. : A l’instar de tous les partis politiques, nous sommes ambitieux. Et compte tenu de ce contexte, nous devons travailler à redonner pleine confiance aux hommes et femmes, lesquels ont foi au travail et aspirent à la liberté. Il faut réhabiliter la politique et le politique pour démentir le refrain selon lequel "vous les hommes politiques-là, on vous connaît tous, la politique c’est l’affaire des menteurs". En outre, nous entendons travailler à construire une force politique conséquente capable de s’opposer au pouvoir en place. Enfin, nous devons faire en sorte que le peuple burkinabè devienne le seul et unique bénéficiaire de cette richesse qu’est la justice sociale.

S.P. : Quel est votre programme ?

A.D.Z. : Le programme de l’AUTRE Burkina/PRS s’articule sur trois grands volets dont premièrement, le changement lié à l’oppression des libertés élémentaires, de justice sociale et à tout ce qui est dénoncé de nos jours comme maux de la société burkinabè. Il y a aussi le travail afin d’amorcer des mesures que nous appelons mesures révolutionnaires, et la lutte pour le socialisme au bénéfice de la construction d’une société juste.

S.P. : Disposez-vous d’un projet de société ?

A.D.Z. : Nous n’avons pas encore formalisé notre projet de société. Du reste, il sera bâti autour de trois grands piliers à savoir, la société mixte où cohabiteront les secteurs public et privé, la démocratie sociale et enfin le développement durable.

S.P. : Ces axes que vous venez d’énumérer n’existaient déjà-t-ils pas ?

A.D.Z. : C’est vrai, cela peut déjà exister. Cependant, il ne s’agit pas d’écrire ou de dire ceci ou cela, mais plutôt de l’appliquer absolument. La réalité aujourd’hui met à nu tous ces points extrêmement fragilisés. Nous avons proposé dans notre déclaration une rupture à double niveau : la réfondation et la révolution. Certes, la Révolution a eu ses hauts et ses bas mais nous sommes convaincus que la voie révolutionnaire demeure toujours la bonne pour notre peuple.

S.P. : Par rapport au caractère révolutionnaire de votre parti, est-il un nouveau-né de la famille sankariste ou quelle est sa spécificité ?

A.D.Z. : Je ne suis pas un sankariste, ni contre le sankarisme mais tout simplement un révolutionnaire. J’ai connu Sankara parce qu’il était révolutionnaire, la Révolution a été le centre d’intérêt de notre rencontre avec le capitaine Thomas Sankara, et nous a unis. Des sankaristes, j’en connais qui ont connu la Révolution parce qu’ils ont connu Sankara. Sankara a été le point de passage obligé pour connaître la Révolution. Alors que la Révolution a été le point de passage obligé pour moi de connaître Sankara. La nuance est entre le caractère révolutionnaire que j’ai et le côté affectif de certains sankaristes vis-à-vis de Sankara, que je ne possède pas.

S.P. : La Révolution que vous prônez est-elle identique à celle du vivant de Sankara ?

A.D.Z. : Ce n’est pas une continuité mais nous partons sur des acquis considérables de la Révolution d’août dont la lutte contre la gabégie, les trois luttes, la moralisation de la vie publique, consommons burkinabè, l’honnêteté, l’intégrité.

Par ailleurs, il y a eu autant d’erreurs qui ont jalonné cette même révolution.
La pratique des CDR que le capitaine Thomas Sankara appelait "néoféodaux" les CDR "brouettes" comme on le disait a provoqué des dégâts et pesé négativement sur la révolution. Aussi faut-il noter que la révolution elle-même n’était pas d’accord avec certaines pratiques inacceptables de ces CDR qui ne sont pas à brûler. Sachons donc tirer profit de leurs pratiques afin d’associer véritablement le peuple à la gestion du pouvoir d’Etat.

S.P. : Quelle a été votre contribution pour sauver la révolution ?

A.D.Z. : J’étais un militant des mouvements de la société civile, un étudiant (...). J’ai été responsable d’un parti politique le FLAME l’ULC avant et pendant la révolution. Ensuite j’ai continué à diriger le FLAME et l’ULC avant le Front populaire pour après créer mon propre parti le PPS que nous avons fusionné avec le PDP pour devenir le PDP/PS.
Toute cette richesse d’expériences n’étaient pas forcément roses. Et c’est justement, fort de cet acquis que nous voulons proposer autre chose. En résumé, il y a nécessité indispensable au Burkinabè d’aujourd’hui de faire une autre politique autrement ou autrement une autre politique.

S.P. : Est-ce pour cela que dans votre déclaration, vous reprochez un certain nombre de choses à la loi fondamentale dont vous souhaitez la relecture ?

A.D.Z. : En effet, cette loi a été élaborée à une époque où nous sortions tout droit de l’Etat d’exception grâce à une dure bataille pour arracher les acquis véritablement démocratiques. Aujourd’hui malheureusement la constitution est très déséquilibrée en plusieurs points. Des pouvoirs énormes sont accordés à Blaise Compaoré en tant que chef de l’Etat de ce pays si bien que le régime est un peu exagérément trop présidentiel. Finalement les rapports sont trop en faveur de l’exécutif notamment le chef de l’Etat, l’Assemblée nationale est incapable de jouer véritablement son rôle, celui du Premier ministre est négligeable au point qu’on peut se passer de lui. Voilà quelques aspects auxquels nous voulons apporter des corrections.

S.P. : En quoi le poste de Premier ministre est-il fictif comme vous l’affirmez dans votre déclaration ?

A.D.Z. : La réalité est là, la constitution marginalise le Premier ministre qui n’est responsable que devant le chef de l’Etat et l’Assemblée nationale. Et le peuple ? Le ministre d’Etat peut même jouer le rôle du Premier ministre. Il faut donc revoir ce régime trop présidentiel, l’individu n’y est pour rien mais plutôt la constitution qui doit être revue en vue de rééquilibrer tous les différents pouvoirs qui ne doivent pas être l’apanage d’un seul homme.

S.P. : Voyez-vous quelques points satisfaisants chez les dirigeants actuels ?

A.D.Z. : Il y a un domaine que je considère comme étant une réussite de la part des dirigeants actuels, la culture. L’ancien ministre Mahamoudou Ouédraogo a fait un travail fantastique, je dois dire que c’est l’un des secteurs où j’estime qu’on a engrangé des acquis même s’il reste beaucoup encore à faire. J’ai pris cet exemple pour montrer que tout n’est pas négatif au niveau des dirigeants actuels mais globalement je n’apprécie pas du tout leur politique.

Le verrou de la situation actuelle se concentre dans ce que l’on considère comme étant une évolution vers une déchéance sociale. Il n’y a plus de morale dans ce pays-là, tout se réduit à l’argent, au matériel au détriment des valeurs humaines, de l’éthique.
Vous demeurez riche ou pauvre si vous l’êtes déjà de naissance. Je suis dans un ministère et j’observe comment se traitent les affaires de marchés. De nos jours c’est impossible de gagner un marché avec un dossier correct en main.

S.P. : A qui imputez-vous toutes ces responsabilités ?

A.D.Z. : Le système en place, ce n’est pas un individu, si le régime se maintient c’est qu’il est bien organisé dans son système, ses rouages et connaît les faiblesses de ses adversaires. C’est cela la force du système ; fort heureusement qu’elle peut devenir une faiblesse par le réveil des adversaires.

S.P. : Ce réveil est-il possible quand les partis d’opposition ne finissent pas de s’opposer entre eux-mêmes d’abord ?

A.D.Z. : Certes, c’est une situation difficile que vit l’opposition. Egalement, il existe dans l’opposition des forces politiques qui croient à la lutte véritable. L’opposition n’est pas condamnée car progressivement il y a une certaine conscience qui prend corps lentement. Je demeure optimiste quant au changement qui doit s’opérer tôt ou tard, dans quel sens, je l’ignore, car aucun régime n’est immuable.

S.P. : Pour revenir sur votre nouveau parti, qu’est-ce que la démarche de la triple U ?

A.D.Z. : Le premier U signifie l’Unification dont nous pensons capables les Etats socialistes de la réaliser en s’unissant pour constituer un bloc. Le deuxième U renvoie à l’Union des révolutionnaires. La gauche peut également se rassembler pour former l’Unité qui est le dernier U et cela permet aux leaders de faire en sorte que le peuple soit uni derrière tous ces symboles.

S.P. : Méritez-vous un crédit dans la triple U lorsque vous avez vous-même manqué de vous unir malgré 20 ans de lutte dans l’opposition ?

A.D.Z. : C’est à vous de juger. L’opinion jugera.

S.P. : Quitter un parti socialiste pour en créer un autre et prôner l’unification des socialistes, n’est-ce pas contradictoire ?

A.D.Z. : Ça parait contradictoire mais ça ne l’est pas du tout. Le mouvement que j’ai amorcé peut amener certains à réfléchir. Quand j’ai transmis ma lettre de démission au secrétaire général du PDP/PS, il y a des gens qui ont approuvé tout comme d’autres y voyaient la main du pouvoir.
C’est finalement ces raisons qui m’ont amené à publier cette lettre de démission dans la presse pour montrer que le pouvoir n’y est pour rien.

S.P. : Quelle nuance fondamentale entre votre parti et les autres ?

A.D.Z. : La nouveauté est la refondation qui n’existe pas en tant que tel dans aucun autre parti. Egalement nous proclamons tout haut notre vision révolutionnaire du parti, nous sommes des socialistes révolutionnaires. Ils ne sont pas nombreux ce qui le disent.

S.P. : Pourquoi fonder ce parti particulièrement un 4-Août ?

A.D.Z. : Je reste un révolutionnaire dans le fond car un héritier de la Révolution d’août et dont je suis convaincu qu’elle demeure une voie à suivre. Mais j’ai aussi sur le plan idéologique mon fond socialiste. Je suis un révolutionnaire, un socialiste révolutionnaire. Le 4-Août est une date particulière et son choix par mes camarades et moi a été sciemment fait après avoir bien réfléchi.

S.P : Plus de cent partis qui existent actuellement ! La création de ce nouveau parti n’est-il pas un effet de mode ?

A.D.Z : Ça pourrait l’être si les faits le confirmaient, mais nous n’y croyons pas. Nous sommes le seul parti à estimer qu’il est possible que des forces se réclamant de la même option puissent se regrouper et se consolider. J’ai dissous mon parti pour une fusion avec le PDP qui malheureusement, a été un échec total malgré notre lutte de plusieurs années pour que cette fusion soit une réalité.

S.P. : Qu’avez-vous fait pour gérer la crise dans le PDP/PS qui a été sanctionnée par votre départ ?

A.D.Z : J’ai adressé une lettre de quatre pages publiée d’ailleurs par Sidwaya, à l’intention de la direction politique du PDP/PS qui n’a pas semblé me prendre au sérieux. Le seul contact que j’ai eu avec cette direction qui, du reste, trouvait mes reproches pertinents, visait à me demander de ne pas claquer la porte afin de réussir plus facilement à gérer la crise que de quitter le PDP/PS. J’ai rétorqué que j’ai quitté la direction politique mais je demeure toujours un militant de base du parti et qu’à tout moment, je suis disponible. Cela fait plus d’un an (4 août 2006) aujourd’hui que je n’ai pas reçu d’écho favorable. Finalement j’estime qu’il y a eu d’autres événements qui m’ont convaincu de la nécessité de créer un autre cadre. A cette fin, il n’est pas exclu que nous travaillons peut-être ensemble (AUTRE Burkina et le PDP) dans le futur sur certaines questions en dépit de la séparation.
J’ai foi qu’avec la ligne actuelle du PDP nous devons être à mesure de collaborer ensemble dans la même direction. Je ne fais pas de mon divorce un problème d’individus et d’hommes, il faut cesser quand on dirige un parti de gauche d’adorer les valeurs de droite.

S.P. : Que reprochez-vous à votre désormais ex parti ?

A.D.Z. : J’estime en premier lieu qu’il faut cesser certaines méthodes qui frisent le ridicule quand il s’agit de l’établissement des listes électorales. Cela a l’air de rien mais c’est frustrant. Il faut donc recourir à des gens que vous savez compétents pour apporter une dynamique au parti. Aussi, j’estime qu’on doit être totalement acquis à la causse du parti dont on se met au service une fois qu’on est élu. Etre un élu, un député et n’avoir aucunement l’esprit du parti ne riment pas ensemble. Je peux en citer d’autres exemples mais cela n’est pas important.

S.P. : Quels rapports entretenez-vous avec vos anciens camarades qui dirigent le pays actuellement ?

A.D.Z : Je garde toujours de bons rapports avec mes anciens camarades du PDP/PS en dépit de la séparation. Je n’ai pas quitté ce parti au nom de querelles de personnes. Certes le PDP/PS a une ligne juste, des orientations bonnes et des options épousées par le peuple. Le problème fondamental qui a suscité mon départ est que le cadre de ce parti ne m’a pas convaincu du fait que les principaux dirigeants ne jouent pas franc jeu.

On ne peut pas être à la tête d’un parti de gauche et adorer les valeurs de droite. Quant à mes camarades qui sont au niveau du pouvoir, nous avons des relations. On se retrouve quelquefois, on discute et ils me reprochent d’être intransigeant sur certaines choses. Je leur réponds qu’il ne s’agit pas d’intransigeance mais de savoir que ce que nous avons tous ensemble voulu faire, ou construire depuis des années n’est pas ce qui se passe sur le terrain. En un mot, je n’ai pas d’ennemi au niveau du pouvoir, j’ai des adversaires politiques.

Abdoul Rasmané ZONGO
Hamidou KABRE (Stagiaires)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 13 août 2007 à 15:28, par Yop En réponse à : > Dr Alain Dominique Zoubga : "...Un nouveau parti pour un autre Burkina"

    Je vous avait bien dit dans ma réaction précedante.

    Le vraie probléme de nos politiques et plutôt ldans le "comment JE vais y arriver ?

    Est-ce serieux tout ça ? lisez vous même dans sa reponse à sidwaya ci-dessous

    S.P. : Que reprochez-vous à votre désormais ex parti ?

    A.D.Z. : J’estime en premier lieu qu’il faut cesser certaines méthodes qui frisent le ridicule quand il s’agit de l’établissement des listes électorales. Cela a l’air de rien mais c’est frustrant.....

    Comme si on est pas en tête de liste il est interdit de faire de la politique dignement et sainement. C’est tout simplement doublement triste.

    • Le 14 août 2007 à 05:53 En réponse à : > Dr Alain Dominique Zoubga : "...Un nouveau parti pour un autre Burkina"

      Alain, bonne analyse de la situation mais vs ne faites pas mieux en faisant dans—ou en renforcons le morc4llement et l’atomisation de la vie politique. La tete de rat est meme devenue une tete moustique, avec la virulence au service de l’alternance en moins.

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