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Europe-Afrique : APE : un « partenariat » qui divise

Publié le mardi 14 août 2007 à 07h46min

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A moins de 6 mois de l’échéance du 1er janvier 2008, les fameux APE (Accords dits de partenariat économique), à conclure entre l’Union européenne et les pays ACP, suscitent toujours l’inquiétude et la polémique. Beaucoup y voient une consécration de la primauté du commerce sur le développement.

On en parle depuis 2000, et pourtant, cela fait à peine quelques mois que le débat public fait rage autour des Accords de partenariat économique (APE), que les pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) doivent conclure cette année avec l’Union européenne (UE). Des accords source de bien des désaccords entre Etats européens et ACP, et entre ceux-ci et leurs sociétés civiles respectives.

L’UE estime que c’est là la seule issue pour garantir la croissance économique des pays ACP, alors que leurs détracteurs y voient la soumission du développement aux exigences du commerce. Elle invoque aussi les obligations envers l’OMC, qui a pour vocation de promouvoir le commerce.

Les APE sont fondés sur la conviction que la croissance économique d’un pays découle de plus grande insertion dans le marché mondial, qu’il faut donc favoriser en limitant, voire supprimant les barrières douanières. Cette croissance aurait automatiquement, à terme, des retombées sur le développement du pays concerné.

La suite est dès lors logique : la fin des préférences commerciales pour les produits ACP importés en Europe comme le sucre, les bananes...la diminution puis la suppression des droits d’entrée des produits ACP sur le marché européen et des produits européens sur les marchés des ACP (l’Europe insiste beaucoup sur le fait qu’elle ne demande pas une réciprocité totale), la libéralisation progressive du commerce des services, la promotion de politiques favorisant la concurrence...

Et, enfin, la création de zones économiques régionales dans les ACP entre lesquelles une intégration doit avoir lieu, y compris sous la forme de baisse de taxes douanières. Ce point-là constitue peut-être l’élément de fond le plus nouveau, encore que l’on parle d’intégration régionale depuis près de quarante ans sans que les résultats aient réellement suivi, en Afrique du moins.

Le diable dans les détails

Les négociations en cours entre l’UE et les six groupes de pays ACP ne peuvent pas remettre ces principes de base en question. L’Europe ne cesse de réaffirmer qu’elle n’impose rien, mais affirme en même temps qu’il n’y a pas d’alternative. S’adressant à la mi-mai aux acteurs socio-économiques des Caraïbes, Karl Falkenberg, directeur général adjoint de la division générale du commerce de la commission européenne, leur a prédit que les producteurs régionaux qui souhaitent exporter vers l’Europe seraient perdants si les négociations des APE entre l’UE et la région Caraïbes ne sont pas achevées à la fin de l’année.

Hors débat aussi, cette échéance de 2008, sans quoi il faudrait obtenir une nouvelle dérogation, peu probable, de la part de l’OMC pour permettre des exceptions au principe de non-discrimination dans le commerce mondial, selon l’UE.
Certaines modalités des APE sont, par contre, négociables.

Par exemple, des exceptions provisoires pour certains produits jugés « sensibles », et l’ampleur de l’aide financière que l’UE peut accorder en compensation aux pays ACP. Ceux-ci insistent en effet beaucoup sur les pertes fiscales liées à l’abaissement des taxes sur le commerce, et demandent donc à l’Europe de les compenser. Le parlement européen, dans un rapport, explique qu’ »en matière de lien entre le commerce et développement, le diable est dans les détails ». Une manière de dire que le problème n’est pas dans le principe même des APE, mais dans toutes les modalités techniques de leur mise en œuvre, qui peuvent en faire des outils utiles ou, au contraire, catastrophiques pour le développement.

Un jeu inégal

Les Etats ACP critiquent certains aspects des APE, mais sans remettre leur principe fondamentalement en cause. Leur contestation porte essentiellement sur l’échéance du 1er janvier 2008 et sur l’impact fiscal. Certains, cependant, affirment la nécessité de protéger les industries naissantes et le secteur agricole, qui risquent de ne pas résister à la concurrence étrangère, au détriment des revenus et de l’emploi pour les nationaux. Ils soulignent aussi le refus des pays du Nord de supprimer les subventions à leurs producteurs.

La contestation des APE par les sociétés civiles est plus radicale. Elle met en cause la relation automatique entre croissance et développement. En avril 2007, dans son rapport annuel, la commission économique des Nations unies pour l’Afrique proportion de personnes sous le seuil de pauvreté ait diminué. De son côté, le Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) précise que « les politiques libérales mises en place dans le cadre des programmes d’ajustements structurels... se sont traduites par une indépendance alimentaire et une pauvreté rurale plus accrues ».

Or, les APE vont accentuer cette libéralisation.
Les sociétés civiles pointent aussi le poids inégal des parties en négociation : d’un côté, des pays européens qui ont un PNB combiné de 13 300 milliards de dollars ; de l’autre, six groupes de pays ACP, dont trente-neuf font partie des cinquante pays les moins avancés (PMA) au monde.

La signature des APE signifierait que les multinationales pourront « entrer en compétition avec nos petites entreprises nationales pour l’octroi d’un marché au niveau national », estime Mouhamet Lamine Ndiaye, responsable d’Oxfam GB pour l’Afrique de l’Ouest. Avec les APE, « les agriculteurs et les producteurs de nombreux pays parmi les plus pauvres du monde seront soumis à la concurrence directe et inégale des producteurs européens, plus efficaces qu’eux et hautement subventionnés, ajoute-t-il. Les syndicats de ces pays sont convaincus que lorsqu’on met sur un ring deux combattants de force inégale, la liberté d’action devient l’arme du plus fort ». Et le gagnant est...

André LINARD
Syfia international

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Vos commentaires

  • Le 15 août 2007 à 17:07, par Paris rawa En réponse à : > Europe-Afrique : APE : un « partenariat » qui divise

    Serait-il idiot de se poser quelques questions simples pour réfléchir en profondeur ?

    Pourquoi l’U.E. qui fustige souvent la malgouvernance en Afrique ne demanderait-elle pas que pour les fameux APE on organise des consultations de type référendaire pour éviter que les dirigeants-dictateurs ne prennent des décisions pour ou contre la signatures de ces APE sans tenir compte de la société civile et des producteurs de leurs pays qui seront le premiers concernés par ces accords ? Peut-on developper des pays sans tenir compte de l’avis des habitants ? N’est-ce pas un marché de dupes aux dépens de ceux qu’on dit être des "sans-voix" simplement parce qu’on ne veut pas les entendre ? Les programme d’ajustement (PAS) ont été décidés entre les gouvernants et des institutions internationales sans aucune consultation des populations concernées. Pourquoi, les dirigeant des pays africains ne prennent jamais par eux-mêmes la décision de consulter leur société civile et d’impliquer les citoyens dans ces choix ? Nos dirigeants eux-même ne sont-ils pas convaincus que leurs citoyens ne sont que des demeurés, incapables de comprendre même si on leur expliquait les enjeux dont ils sont l’objet ?

    Une chose est sûre : tant que les populations africaines ne seront pas impliquées dans les choix des modèles de developpement, il n’y aura pas du tout de developpement. Et tant que l’Afrique (peuples et gourvenants) ne saura jamais dire non et consentir aux sacrifices nécessaires à l’expression souveraine de ce non, elle ne sera jamais maîtresse de son destin. Il n’y a pas de miracle : ou bien on est prêt à se battre pour sa liberté, ou bien on est soumis aux bons vouloirs des autres.

    Sommes-nous vraiment incapables d’assumer tous ensemble le choix de ne pas signer les APE ? Sommes-nous réellement incapables de faire savoir à nos "partenaires" au developpement que nous avons aucune intention de négocier notre indépendance économique ? La pire des dépendances c’est de se croire incapable d’indépensance.

    • Le 18 août 2007 à 12:48, par Narcisse KOUNHOUA, 34 ans, Camerounais, chef d’entreprise. En réponse à : > Europe-Afrique : APE : un « partenariat » qui divise

      Vraiment, je suis sidéré et très déçu d’une telle réaction. C’est le prototype même d’acteurs qui nourrissent la force d’inertie. Le développement de l’Afrique ne passera jamais par des bras de fer insensés. L’Afrique a besoin de s’affirmer certes, mais les choses sont claires. L’Europe est une vieille amie de l’Afrique et par amitié, elle a de la peine à se lancer sans celle-ci. Savez-vous que ces APE sont des cotisations que les Etats de l’Union Européenne prélèvent sur leur citoyens pour venir en appui aux pays émergeants ? C’est un pire délire de croire que l’Afrique se porte bien quand tous les ans il faut penser aux annulations de dettes des Etats ou bien des subventionnement extérieurs pour l’appui aux investissements. Vraiment Messieurs, cessez de croire que le développement de l’Afrique passe par le courage de dire NON à l’occident. Nous avons besoins d’innovations et d’attractivité économique pour sortir ce continent du traineau qu’il représente par sa lenteur d’initiatives économique à l’explosion de l’économie mondiale. Vous dites non, mais les gens meurent tous les jours de pauvreté, les médicaments et les aliments coûtent de plus en plus cher. Les APE sont nécessaire et extrêmement urgents pour alléger les conditions de vie des populations que vous citez. Il ne s’agit pas pour l’Europe de développer son marché extérieur, mais plutôt de mieux cibler les opportunités de l’Afrique, et d’impliquer chaque Etat dans ses responsabilités à l’intérieur. Les APE n’annulent nulle part les subventions Européennes dont vous semblez vous réjouir. L’Europe veut plutôt créer un équilibre et faire des compensations là où des déficits apparaîtraient. Vraiment mettons de côté l’esprit malveillant d’un nationalisme inutile à l’heure de la mondialisation, ceci ne nous avance à rien. Signons cet accord APE pour le développement de l’Afrique.

      • Le 20 août 2007 à 16:42, par Paris rawa En réponse à : > Europe-Afrique : APE : un « partenariat » qui divise

        En réponse à Monsieur Narcisse :

        Il ne voit dans le désir de souveraineté des africains qu’un "nationalisme inutile" et il fait déjà du courage de dire NON la cause par anticipation (puisque ce non n’a jamais été exprimé) du manque de médicaments et autre malheur frappant les africains.

        Il faut comprendre et accepter la nécessité de refuser ce qui nuit à notre developpement. Tant que nous seront incapables des choix salutaires par nous-même ou de fixer les conditions non-négociables de tout partenariat, nous dépendrons alors du choix des autres.

        Souvenez-vous que les pays développés ont eu leur révolution. Par exemple, à la révolution Française c’est le peuple qui a destitué guillotiné le roi et la reine pour installer la république et la démocratie. De même, les pays émergeants (chine, indes, brésil...) ne se laissent pas toujours dicter leurs choix par d’autres puissances. Savoir dire non, c’est s’obliger à prendre ses responsabilités, à ne pas démissionner en croyant que les autres vont réfléchir à notre place ce qui est indispensable pour nous. Il faut être très naïfs pour croire que nos "partenaires" ne sont que des bienfaiteurs humanistes et inoffensifs. Il faut au moins se dire qu’ils ne nous aideront jamais à devenir leurs concurents et à prendre leurs parts de marché comme le font déjà la chine le brésil et autres dégourdis. Chers amis, il faut cesser d’être le nègre naïf de la période coloniale. il faut cesser de se croire incapable, c’est le premier pas vers la réussite. C’est difficile, mais il faut précisément refuer la facilité ! Si vous avez peur de regarder votre destin en face et de le prendre en main, d’autre s’en chargeront et alors, il ne faudra plus s’en plaindre.

        Il faut savoir ce qu’on veut : le beure ou l’argent du beure ? le poisson ou la canne à pêche ?

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