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Simon Compaoré : "A moins d’être apatride, on ne peut s’opposer à l’aide à son pays"

Publié le vendredi 21 mai 2004 à 07h39min

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Du 30 avril au 1er mai 2004, s’est tenue à Paris l’Assemblée générale de l’association internationale des maires francophones (AIMF) avec en toile de fond un colloque sur les nouvelles technologies comme outils de gestion efficaces de communes.

A l’issue de cette rencontre et dans la perspective de la 24è A.G qui se tiendra à Ouagadougou en marge du Xè sommet de la Francophonie, nous avons échangé avec le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré, président de l’Association des maires du Burkina, chef de la délégation comprenait les maires de Bobo Dioulasso, Ouahigouya, Banfora, Tenkodogo et de Baskuy.

Simon Compaoré
L’AIMF créée en 1979 par le maire de Paris (M. Jacques Chirac, actuel président français) et celui du Québec, Jacques Pelletier, regroupe plus d’une centaine de villes aujourd’hui représentant une quarantaine de pays. Cela témoigne de l’importance de cette association qui a obtenu la qualité d’opérateur de la Francophonie. Dans le monde francophone, toutes les principales villes en sont membres.

Quant à l’objet de cette rencontre, il faut savoir que les instances de l’AIMB se réunissent régulièrement : il y a l’Assemblée générale qui regroupe l’ensemble des maires et qui porte sur un thème lié aux préoccupations des villes et il y a le colloque qui porte sur une thématique liée à la gestion des villes.

Cette année, le colloque a porté sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication comme outils de gestion efficace des villes, avec divers aspects : les NTIC comme outils d’aide à la gestion et à la décision pour les maires et comme moyens de communication entre population et responsables des municipalités. Moi, j’ai dirigé un atelier qui avait pour thème « les NTIC comme outils d’aide à la décision.

Ce qu’il faut retenir du thème des NITC, c’est qu’en tant que moyens modernes de communication, elles permettent aux maires de pouvoir dialoguer mais aussi de générer d’autres outils tels que le système d’information géographique qui permet par exemple de visualiser les écoles, les dispensaires, les voies de circulation, les édifices et de prendre rapidement des décisions au cas échéant. En un mot, ce sont des moyens modernes entre les mains des maires pour ne pas faire de pilotage à vue.

En matière de NTIC, on sait qu’il existe les centres multimédias municipaux mais d’une manière générale, quel est le niveau d’utilisation des NTIC dans les mairies ?

Les centres multimédias ont été une préoccupation de notre association, l’AIMF, qui a aidé la plupart des villes à les réaliser pour permettre aux jeunes d’abord d’avoir accès à ces outils révolutionnaires ; parce que dans notre pays, il n’était pas donné à tout le monde de toucher l’ordinateur. Il a fallu que l’AIMF aide les villes à obtenir des ordinateurs pour pouvoir doter ces centres de moyens modernes de communication, pour se connecter à Internet. Cela permet à nos jeunes de nouer des relations avec ceux du Nord et de faire des recherches.

Quel est le niveau de participation de la délégation burkinabè ?

Au Burkina, il y a cinq villes qui sont membres de l’AIMF ; ce sont les villes de Tenkodogo, de Bobo Dioulasso, Ouahigouya, Banfora et Ouagadougou. Tous les maires de ces villes sont ici présents car c’est à l’occasion de telles rencontres que se nouent les relations et que se prennent les décisions de financement de certains projets. Et comme on ne peut pas financer ceux qui ne s’intéressent pas à la vie de l’association, mieux vaut être présent. Voila pourquoi nous avons fait l’effort d’être tous présents pour non seulement bénéficier de ce qui se dit lors des colloque et assemblée mais aussi de pouvoir plaider notre cause en ce qui concerne les projets que nous présentons à l’AIMF pour financement.

Lors de ces rencontres, nous avons des réunions de bureau et au niveau du Burkina, nous avons la chance que la ville de Ouagadougou, à travers ma modeste personne a été élue membre du bureau. J’ai en effet été élu trésorier du bureau de l’AIMF et je pense que cela est important. Lors de la réunion du bureau à laquelle j’ai assisté, nous avons validé les projets qui étaient éligibles. La ville de Tenkodogo a présenté un projet pour la réalisation d’un marché pour un montant de 68 millions de FCFA qui a été accepté. Si le maire de Tenkodogo était absent, vous pouvez imaginer la suite. On dit d’ailleurs que les absents ont toujours tort et c’est pourquoi à ces réunions où il y a du concret, il faut être présent.

Comment se fait-il qu’il n’y ait que cinq villes burkinabè qui sont membres ?

Ce sont les règles de l’association qui ont déterminé un tel quota. Mais nous voulons réviser ces règles et la prochaine AG de l’AIMF qui aura lieu à Ouagadougou du 24 au 25 novembre 2004 sera l’occasion de revoir les statuts pour porter le nombre de villes par pays à dix parce qu’il y a un engouement fort pour ce cadre de rencontres.

L’expérience des centres multimédias sera-t-elle développée dans les autres villes burkinabè ?

C’est déjà chose faite. C’est une nécessité et où ce n’est pas encore fait, ça le sera. Car Internet aujourd’hui, c’est comme le téléphone. Le téléphone coûte cher et quand on n’est pas connecté et que l’on doit faire beaucoup de correspondances extérieures, le courrier prend du temps. Internet est un instrument fabuleux, aujourd’hui indispensable même pour les petites villes ou encore les paysans qui cultivent le coton doivent y avoir accès.

Selon les experts, d’ici à 2025, les deux tiers de l’humanité vont vivre dans les villes aussi bien au Sud qu’au Nord. Ces villes vont recevoir du monde, leurs problèmes vont se multiplier et on a besoin d’avoir des instruments modernes pour améliorer la gestion afin d’affronter ces défis de demain. C’est maintenant qu’il faut préparer cela.

Comment va se passer l’AG de l’AIMF qui se tiendra à Ouagadougou ? Où en est-on avec les préparatifs ?

Lors du colloque, cette grande rencontre a été évoquée à plusieurs reprises. Le président de l’AIMF, le maire de Paris est revenu là-dessus à plusieurs reprises. Elle sera exceptionnelle parce qu’elle se tient en marge du sommet des chefs d’Etat de la Francophonie. Le thème porte sur le développement durable qui est aussi celui du Xè sommet.

Qu’est-ce que le maire de Ouagadougou réserve d’exceptionnel pour les invités de cette grande rencontre ?

S.C : Ce sera la surprise ! Mais sachez que c’est un véritable challenge qui est lancé à la ville de Ouagadougou et à l’ensemble des villes du Burkina membres de l’AIMF. Nous devons relever le défi car dans l’histoire de notre organisation, c’est la première fois qu’une telle manifestation est organisée à Ouagadougou. Avec l’expérience des grandes rencontres (OUA, France-Afrique et bien d’autres), nous allons donner un cachet particulier à cette 24è AG. C’est vrai qu’il y a des difficultés dues au fait que cela se passe à la même période que le sommet des chefs d’Etat et du coup, les besoins de logement et autres logistiques vont se poser. Mais avec la commission nationale d’organisation du sommet dont nous sommes membres, nous allons prendre en compte ces préoccupations.

Notre président d’honneur qui est le président Jacques Chirac a confirmé qu’il va présider la cérémonie d’ouverture des travaux de notre AG. Il y aura en plus les maires de Paris, de Genève, de Bruxelles, de Liège, du Québec et ceux des différentes capitales africaines membres de l’association.

Ouagadougou est jumelée à plusieurs villes françaises et européennes et on a annoncé une rencontre de ces villes jumelles de Ouaga lors du sommet…

En effet, en marge de l’AG de l’AIMF, nous allons réunir les villes qui sont en partenariat avec Ouagadougou et dont la plupart sont membres de l’AIMF, pour voir comment améliorer nos relations et faire en sorte qu’il y ait une synergie au niveau et mieux, qu’il y ait une spécialisation dans les projets de coopération ; par exemple, avec Grenoble ; l’accent est mis sur la culture, Lyon, c’est la propreté urbaine, Loudun, c’est la santé, l’éducation. Nous voulons faire en sorte de mieux coordonner nos efforts pour être plus profitables à la ville de Ouaga.

Combien de villes sont jumelées aujourd’hui avec Ouagadougou ?

Ce ne sont pas tous des jumelages en tant que tels mais des partenariats : il y a la ville de Lyon et la Communauté urbaine de Lyon qui regroupe plus d’une quarantaine de communes, la ville de Grenoble, la ville de Loudun, en ce qui concerne la France En Amérique du Nord, il y a la ville de Québec. En Italie, nous avons la ville de Turin. En Afrique, il y a Koumassi au Ghana, Lomé au Togo, et bien d’autres villes comme Cotonou, Parakou, Bangui, Brazzaville.

Il y a quelque temps, des activistes de droits de l’homme avaient demandé à certaines villes françaises de réviser ou même de suspendre leur coopération avec Ouagadougou. Où en est-on aujourd’hui ?

S.C : Tout à fait. Mais nous avons fait stopper une telle campagne très rapidement en menant des actions vigoureuses pour rétablir les choses et remettre les pendules à l’heure. Parce que tout est une question de contact et d’informations. L’occasion m’est donnée ici pour dénoncer cela avec vigueur car on peut ne pas aimer certaines personnes mais on ne peut pas refuser qu’on aide sa ville, son pays, à moins d’être apatride.

Ce qui s’est passé, c’est que des gens estimaient que le maire de Ouagadougou était dérangeant pour eux et ont développé une cabale pour faire couper les relations entre Grenoble et Ouagadougou. C’est tout à fait abject ; Ouagadougou, ce n’est pas Simon Compaoré. Moi, je ne suis que de passage. J’ai un mandat. J’ai remplacé des gens et des gens me remplaceront. C’est dans l’intérêt des citoyens de la ville de Ouagadougou.

Le fait d’être jumelée avec Grenoble, ce sont deux villes qui échangent, qui décident de se soutenir au bénéfice de leurs populations mais pas au bénéfice des deux maires. Le maire de Grenoble est élu, celui de Ouaga est également élu, tous les deux pour un temps bien déterminé. Mais ces villes demeurent, leurs populations demeurent. Je pense donc que c’est tout à fait déplacé de demander un embargo sur ces relations parce qu’on n’est pas d’accord avec le maire de Ouaga.

Je crois que nos démarches ont été très bien comprises, les acteurs se sont exprimés pour dire qu’ils ne souhaitaient pas une rupture des relations. La cause a été entendue et dieu merci, à l’occasion de cette 24 è AG, nous allons inaugurer une infrastructure réalisée par Grenoble et Ouagadougou, le Jardin de la musique qui recevra du matériel financé par la ville de Ouaga et d’autres structures françaises pour permettre aux jeunes d’être en contact avec la musique et de la pratiquer.

On a l’impresssion que la ville de Ouaga s’est accaparée des jumelages-coopération au détriment des autres villes. N’y a-t-il pas lieu de songer à une décentralisation de cette politique ?

S.C : Non, non, je refuse cette idée d’accaparement de jumelages. Chaque maire développe ses initiatives. Tenkodogo est une ville moyenne mais son maire développe une dynamique et a des partenariats. Il vient d’ailleurs de rendre visite à sa ville jumelle. Le maire de Bobo a une dynamique avec des villes françaises, le maire de Ouahigouya fera le tour de ses villes jumelles. Banfora également est jumelée à des villes françaises. Chaque maire développe une dynamique.

Alors ce n’est pas parce que Ouaga, c’est la capitale que ça fait beaucoup de bruit. Les autres maires ont des partenariats qui marchent et portent déjà des fruits. Je n’accapare pas, moi je fais comme les autres maires. Peut-être qu’ils n’ont pas la chance d’être aussi présent que nous dans la presse ; peut-être que moi je fais plus de bruit qu’eux, mais ils ont des partenariats qui marchent.

Peut-on dire qu’entre Ouagadougou et ses villes jumelles c’est l’harmonie ?

SC : Ecoutez-moi, s’agissant de Lyon, le président du Faso vient d’y être décoré comme vous avez pu le suivre. Vous avez vu que tout baignait dans l’huile. Pour ce qui est de Lyon et du Grand Lyon (communauté urbaine de Lyon, ce sont vraiment des relations très exemplaires. On a fait des avancées dans le domaine de la propreté et de la ville de Ouaga, dans le domaine de la voirie et bien d’autres domaines avec l’appui de Lyon et du grand Lyon. La police municipale, c’est aussi grâce à l’appui de Lyon. A ce niveau il n’y a pas de nuages dans nos relations. Car grâce à cette relation, nous pouvons former des cadres supérieurs et moyens.

Au niveau de Grenoble, nous avons le gestionnaire du jardin de la musique qui y a suivi une formation ; le technicien qui doit gérer tout le matériel également. Là aussi nous avons des relations extrêmement bonnes. Avec Loudun, c’est une vieille histoire ; ça date de plus de trente ans, et le maire sera à l’AG de l’AIMF et m’a déjà envoyé une note pour me dire qu’il souhaiterait que je réfléchisse déjà sur les nouveaux domaines dans lesquels nous allons pouvoir élargir nos relations. Je dois dire qu’il y a des motifs de satisfaction.

Vous avez participé à la cérémonie de remise du titre de docteur honoris Causa décerné au président du Faso par l’Université Lyon 3. Comment avez-vous apprécié cela et l’apport pour la coopération décentralisée ?

SC : Le président n’est pas à sa première sortie à Lyon ; ça fait trois, quatre ou cinq fois je crois. Le fait que le responsable du pays sorte, va dans des villes et se réjouisse des partenariats avec des villes du Burkina, c’est aussi montrer son intéressement. Qu’on le veuille ou non, par ces sorties, il va booster cette dynamique de coopération.

Moi, je suis très satisfait parce que tous ceux qui portent cette ccopération et qui voient le président venir prendre la parole, féliciter les acteurs de la coopération, c’est comme si on décuplait leurs forces. Ils vont encore mieux faire. La plupart de ces gens qui ont quitté le Burkina ont reçu la reconnaissance du pays qui les a souvent décorés pour le leur témoigner.

La présence chaque fois renouvelée du président était un motif de satisfaction pour ces gens qui essaient chaque jour de faire un peu plus pour la ville de Ouaga et d’autres villes du Burkina. C’est dans ce sens que je suis très content. Le président a décidé une initiative très appréciée qui est la rencontre franco-burkinabè sur la coopération décentralisée. Cela a déjà eu lieu à St Fons (dans la région de Lyon, à Poitiers et à Ouagadougou. C’est très apprécié. Et nous sommes le pays qui dans le domaine de la coopération décentralisée, vraiment innove, notamment avec la France.

Quels sont vos relations avec la ville de Paris dont le maire assure la présidence de l’AIMF ?

SC : Avec la ville de Paris, en tant que telle, nous n’avons pas de relations directes mais via l’AIMF. Parce ce que la ville de Paris finance quasiment une bonne partie des projets de l’AIMF. C’est une contribution qui n’a rien à voir avec celles des autres villes, même fussent-elles celles du Nord. Il y a aussi la ville de Québec, Liège, Genève qui contribuent, mais à un niveau nettement moins important que cellui de Paris. C’est comme si elles aident la ville de Ouagadougou puisque nous bénéficions des financements de l’AIMF. A l’occasion du sommet francophone, nous allons inaugurer deux importantes infrastructures financées par l’ AIMF : le centre SIDA en novembre prochain et le Lycée de Sighnoguin, certainement en présence du maire de Paris ; à défaut que ce soit sous la présidence des chefs d’Etats burkinabè et français ; parce que ce projet de Lycée est financé aussi par la coopération française.

Entretien réalisé par Le Faso.net


68 millions pour Tenkodogo

Le maire de Tenkodogo, M. Alassane Zakané qui était aux côtés de Simon Compaoré pendant l’entretien en a profité pour donner des précisions sur le financement que sa a ville obtenu auprès de l’AIMF.

Alassane Zakané :

Au cours de ce colloque, j’ai reçu le financement d’un marché de quartier situé au secteur 2 de Tenkodogo d’un montant de 68 millions de FCFA. Pour notre ville, nous sommes en train de développer des structures à caractère marchand parce qu’un jour ou l’autre les bailleurs de fonds pourraient être amenés à nous abandonner. Donc il faudrait qu’on se prenne en charge et c’est pourquoi nous mettons l’accent sur les infrastructures marchandes qui pourront donc générer des recettes nécessaires pour le développement de notre commune.

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