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Election en Côte d’Ivoire : L’étrange empressement de Gbagbo

Publié le mercredi 8 août 2007 à 06h32min

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Laurent Gbagbo

A Bouaké le 30 juillet dernier, il déclarait : "Il nous faut aller aux élections vite, vite vite !". Cela avait eu peu d’effet sur l’opinion qui avait, à la limite, banalisé ces propos qui tenaient pourtant à cœur le président Gbagbo. Et pourtant, plus d’un s’est laissé surprendre lundi soir quand il a annoncé son ambition d’organiser les élections à la fin de l’année dans son pays.

Ainsi donc, Laurent Koudou Gbagbo prend tout le monde au dépourvu. Du belliciste foncièrement opposé à l’organisation des élections, il devient subitement le plus impatient à voir se dérouler ces élections. Pendant que l’échéance de début 2008 prévue par les accords de Ouagadougou suscitait un certain scepticisme chez nombre d’acteurs, voilà que l’enfant terrible de Mama, comme pour faire mentir les "Ivoiro-sceptiques", vient jeter un pavé dans la mare.

Mais d’où Laurent Gbagbo tire-t-il cet optimisme soudain ? N’est-ce pas là encore un autre tour de passe-passe qu’il prépare ? N’est-ce pas une manière de mettre ces vis-à-vis au pied du mur ? Ne voudrait-il pas ainsi créer les conditions d’un boycott de l’élection par ces adversaires pour, enfin, dire que ce sont eux les ennemis de la paix ? Dans tous les cas, cette sortie de Laurent Gbagbo ne manque pas de susciter des interrogations de toutes sortes. Lui seul sait la portée réelle de telles déclarations à ce stade des choses. Toujours est-il qu’en agissant ainsi, il prend une longueur d’avance sur les autres car dans tous les cas, il aura raison : que les élections aient lieu effectivement en décembre ou pas, il est sûr d’être du bon côté.

Dans le premier cas, il aura eu le mérite d’avoir accéléré le retour de la paix pendant que certains voulaient traîner le pas. Cela vaudra, bien entendu, son pesant d’or, tant en matière électorale que du point de vue de la notoriété personnelle de Gbagbo. Dans le second, il n’aura pas non plus démérité, loin s’en faut. Il pourra se prévaloir d’avoir tout mis en œuvre pour un retour rapide à une vie constitutionnelle normale, mais le sort et la "mauvaise foi" des autres auront eu raison de lui. Nul n’étant tenu à l’impossible, il en récoltera, là aussi, les dividendes.

En tout état de cause, Laurent Gbagbo demeure le véritable maître du jeu dont il détient incontestablement les principaux leviers et en bon manœuvrier, il saura sans doute négocier tous les tournants pour qu’au décompte final, il soit le grand vainqueur. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est difficile de ne pas tomber sous le charme du jeu de l’enfant de Mama. Petit à petit, il défait l’étau infernal dans lequel il a été pris depuis le début de son mandat présidentiel et ceux qui avaient vite fait de l’enterrer en doutant de son intelligence politique, l’apprennent à leurs dépens.

Au demeurant, si Laurent Gbagbo peut effectivement accélérer le processus pour que le scrutin ait lieu le plus tôt possible, nul doute que cela serait le meilleur cadeau qu’il puisse faire au peuple ivoirien qui n’a que trop souffert de cette situation de "ni paix ni guerre". Une chose est sûre, c’est que Laurent Gbagbo, tous calculs et intrigues mis à part, a hâte de voir la situation se régulariser dans son pays.

Cette gouvernance qui frise le régime d’exception auquel il a été soumis depuis son élection, doit lui être de plus en plus inconfortable, même s’il en a profité financièrement, matériellement et même politiquement. Cela ne devrait plus lui faire honneur, lui, le "Bété pur sang" avec la dose de fierté qu’on lui connaît, voudrait à présent pouvoir se vêtir des habits d’un chef d’Etat normal, bien accompli, à la tête d’un pays stable avec une économie qui marche à plein régime. Cela est tout à fait légitime et l’on comprend qu’il soit impatient de retrouver une telle situation.

Cependant, cela devrait-il l’obnubiler au point de perdre de vue l’ampleur des tâches qui demeurent et demandent à être abattues de façon sereine et rigoureuse pour un scrutin crédible qui puisse garantir une paix durable ? Ces tâches qui se nomment audiences foraines, fichier électoral fiable, désarmement, etc., ne méritent-elles pas, comme le préconisait le Premier ministre Guillaume Soro et nombre d’autres acteurs, que soient proscrites toute précipitation et fuite en avant ?

En choisissant de décharger toute action sur les seules épaules de son Premier ministre, Gbagbo ne choisit-il pas la courte échelle ? N’est-il pas plus judicieux de privilégier les solutions durables quel que soit le temps que cela prendra ? A la vérité, cette perspective, plutôt que d’être sous-estimée ou banalisée, mérite d’être prise en compte. Il faut y réfléchir avec tout le sérieux qui sied pour qu’à la fin, il n’y ait ni gagnants ni perdants, mais que tout le monde ait raison, parce que le point de vue de chacun aura été pris en compte, et que la Côte d’Ivoire aura avancé...

Le Pays

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