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Femmes députées : Blandine Sawadogo, Makoura Tou et Kadidiatou Korsaga

Publié le jeudi 2 août 2007 à 08h09min

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Blandine Sawadogo

Mme Blandine SAWADOGO, députée CDP : « Ma carrière politique a été une grande école pour moi »

Il faut rencontrer cette dame, discuter avec elle pour se rendre compte que, derrière cette silhouette calme, tempérée et discrète se cache une militante.

Une militante de première heure à la carrière riche, semée de toutes les sensations pour et dans l’émancipation de la femme aussi bien en Europe où elle a fait ses études qu’au Faso. Elle a tout connu, elle a tout traversé. Ce n’est donc pas pour rien si elle se dit aujourd’hui aguerrie. Aujourd’hui, en plus d’être députée, elle occupe plusieurs responsabilités au sein de son parti, dans le parlement panafricain etc.

Comment êtes-vous venue en politique ?

B.S : C’est une très longue histoire. J’ai quitté le Burkina Faso en 1972 alors que j’étais une très jeune mariée, et puis, je me suis retrouvée en Belgique avec mon mari. Il faut dire que je suis restée au pays jusqu’au premier cycle ; le second cycle et études supérieures, je les ai passés en Belgique. Je dois dire que lorsqu’on a l’occasion de séjourner à l’extérieur surtout en Europe, il y a des raisons d’être motivé et de se battre.

Les tous premiers étudiants de la Haute-Volta en Belgique étaient, entre autres, l’ancien maire de Bobo-Dioulasso, Célestin KOUSSOUBE. C’est en première année de science sociale que j’étais à l’université de Louvin la neuve et mon mari lui terminait ses études. Je suis rentrée avec lui et ai trouvé une occasion pour repartir terminer mes études à Bruxelles dans une école socialiste en tout cas une école de la gauche.

J’étais donc préparée pour être de la gauche et j’avoue que les luttes qui ont abouti à la suppression du « minerval » parce que la Belgique avait des frais de scolarité très énormes (40 000f belges) ce qui était très élevé pour nos Etats. J’étais de ceux-là qui se sont battus pour dire non parce que j’étais dans une école socialiste et bien préparée pour me battre. Je me suis très vite, en troisième année, intéressée à la question de la femme, ce qui m’a amenée à faire mon mémoire de fin d’étude sur la promotion de la femme en 1983 dont le thème était : « Promotion féminine, nouveaux objectifs d’actions pour l’émancipation de la femme africaine ». Je m’intéressais déjà aux femmes africaines.

Je suis élue au parlement panafricain, où j’assure la fonction de présidente de la commission genre. Je suis élue responsable des femmes du Kadiogo.
J’ai milité dans les associations féminines, travaillé avec les féministes, les néo-féministes. J’ai pendant longtemps évolué dans ces cadres-là pour comprendre en tant qu’Africaine. Mon orientation pour le combat pour la femme s’est faite principalement avec le GRIF (Groupe de Recherche et d’Information des Femmes).

C’est dans ce groupe que je me suis mise à écrire sur la situation de la femme en Afrique, en Europe, les femmes immigrées. Je fus l’une des membres fondatrices de l’association des femmes d’Afrique Caraïbes Pacifique. Nous étions deux, une Congolaise et moi. C’est une association qui évolue toujours aujourd’hui, d’autres l’appellent l’association des femmes francophones. Je suis partie de très loin comme militante. C’est vous dire que très vite, très tôt avant l’âge de 25 ans j’étais déjà engagée. Voila ce que j’ai fait pendant 15ans en Belgique.

Le 28 août 1983 soit cinq jours après ma soutenance, je suis rentrée au pays. Avec le changement qui venait d’intervenir au pays je me réjouissais d’avance de ce changement et de ce que je pouvais apporter. Dès que je suis arrivée je me suis engagée dans le quartier, dans la DEMOF qui était dirigée par Alima TRAORE. Le premier 8 Mars qui a fait le plein de la Maison du peuple, c’était en 1985, et le premier bureau de l’Union des femmes c’était en 1986 ; je faisais partie de ce bureau. Depuis donc cette date jusqu’aujourd’hui, je suis dans les structures de femmes.

Juste après le 15 octobre, les choses ont changé parce que le 15 octobre 1987, il faut dire que la situation n’était pas simple. Nous étions des militants en vue et chacun craignait pour sa vie notamment ma personne puisque quand les crépitements ont commencé le 15 octobre moi j’étais à la Sûreté. D’aucuns pensent que je suis calme, mais je suis aguerrie. Politiquement, je suis assez mûre et sais ce que je veux. Après le 15 octobre, j’ai été envoyée à Cuba pour encadrer nos 600 jeunes.

Je suis donc restée 2 ans à l’île de la jeunesse. Je suis revenue en 1990, juste au moment où le pays faisait son entrée dans le multipartisme et la démocratie. Comme d’habitude, je me suis engagée. Sans me mettre au devant de la scène, j’ai regardé faire pendant un moment. Je me suis dit qu’il était temps que je m’occupe de ma carrière professionnelle. Comme ce n’était pas dans ma nature de rester inerte, déjà en 97, j’étais candidate aux législatives, en 1998 j’ai battu campagne à Pabré. En 2002 j’ai été élue députée. Ma carrière politique a été une grande école pour moi.

Lorsque j’étais arrêtée le 15 octobre à la sûreté, c’est un certain S.T. parce que c’était le bout de papier qu’il m’a donné et ainsi inscrit sur renseignements pris après il s’est avéré qu’il s’appelle SIMPORE Thomas, à l’époque commissaire de police ou inspecteur de police, je n’en sais rien, c’est ce monsieur donc qui m’a sauvé la vie parce qu’il a refusé qu’on m’introduise dans une salle où je ne sais quoi. C’est lui qui a refusé qu’on me torture. Depuis lors je ne l’ai plus jamais revu. Et j’avoue que j’aurais aimé le rencontrer.

Comment êtes-vous arrivée à concilier votre calendrier politique et votre vie de foyer ?

B.S : Ça été très pénible car déjà en 83 lorsque je suis rentrée et que je faisais mes premiers pas avec les femmes, j’avais des problèmes avec mon mari qui voyait ça d’un mauvais œil. Lui était de l’autre côté de la Révolution et moi qui étais engagée dedans je n’entendais pas les choses de la même oreille.

Comment voyez-vous la promotion de la femme aujourd’hui au Burkina ?

B.S : Je n’aime pas tellement ce mot promotion de la femme. Mais comme il faut l’utiliser... J’estime que la femme n’est pas un article, une marchandise qu’il faut promouvoir. Depuis l’année internationale de la femme en 1975, en fait j’acceptais mieux l’expression "condition féminine" parce que, là, je trouve qu’il fallait en parler, il fallait dénoncer, et c’est tout à fait juste. Dans les années 80, il était question de la promotion de la femme ; aujourd’hui on est à l’approche genre. Je crois que c’est mieux qu’on parle du genre. De tous ces passages, je retiens simplement une chose, on a très peu bougé.

De toutes ces politiques, j’ai comme l’impression que nous sommes en train de nous égarer. Est-ce que le cheminement que nous avons pris, convient réellement à nous-mêmes ? Ce que nous sommes ? A nos réalités ? Aux désirs actuels des femmes ? Je crois que c’est parce qu’elles ne comprennent pas que ça n’avance pas. Dans notre pays, contrairement à d’autres pays, beaucoup de choses sont faites. J’ai eu l’avantage de travailler avec des femmes venant de 50 pays.

Donc 50 réalités. C’est dire que je connais ce qui se passe dans les autres pays. A l’exception de l’Afrique australe, de l’Afrique de l’Est où les choses bougent, je dois dire qu’en Afrique de l’Ouest, nous sommes beaucoup plus avancées dans les textes, ça veut dire que nos gouvernements se sont engagés rapidement pour adopter les textes, mais dans la pratique, c’est nul. La scolarisation n’est pas un tabou chez nos amis anglophones, c’est un droit et un devoir que d’aller à l’école. Ce qui n’a pas été le cas chez nous, même si ces dernières années, il faut le reconnaître et surtout le dire, l’Etat a mis le paquet dans l’instruction des filles. Ce qui est très positif.

La scolarisation, c’est la seule voie qui peut libérer la femme. Je pense qu’on a fait un grand pas, mais ce n’est pas suffisant parce que le pourcentage de femmes qui suivent le mouvement est insignifiant. Il y a un mouvement qui a impliqué plus de femmes. C’est l’Etat d’exception. Parce que là, il y a eu vraiment un boom pour réveiller les femmes, et sans comprendre, elles se sont toutes engagées. Et je crois que ce grand mouvement que vous constatez aujourd’hui dans les partis politiques est dû à cela.

Malheureusement, dans ce mouvement, nous n’avons pas beaucoup de femmes instruites. Notre pays a adopté la loi sur la parité et à l’époque il était le 10e pays à le faire. Lorsqu’on créait le ministère de la Femme j’étais au ministère de l’Action sociale chargée des associations féminines, Béjing venait de se terminer et on avait mis une structure interministérielle chargée de suivre les décisions de Beijing dont j’étais la responsable avec d’autres camarades. On s’était retrouvé à un atelier pour mettre en place un secrétariat permanant pour gérer Beijing.

C’est à la veille de la clôture de l’atelier que le ministère de la Promotion de la femme a été créé. On a pensé à l’époque que c’était un recul. Mais en fait il le fallait. C’était politiquement une interpellation pour dire que le gouvernement pense aux femmes. En terme clair, je pense que peut-être il faut réorienter la lutte, l’harmoniser avec ce que nous voulons réellement pour notre pays. Parce que et les femmes, et les hommes, nous sommes dans le même combat. Envisager quelque chose qui ne fait pas la promotion de la famille, ça sera un échec. Moi je crois beaucoup plus à ça.

Malgré les efforts qui sont faits les femmes accèdent encore difficilement à des postes de responsabilités. Qu’est-ce qui explique cela selon vous ?

B.S : Ecoutez ! Les partis politiques, ce sont les hommes qui les créent, et font appel aux femmes. Il y a peut-être eu des tentatives féminines, mais je ne suis pas sûre qu’elles soient personnelles et non pas guidées. Nous restons collées aux talons des hommes. Au jour d’aujourd’hui c’est encore les hommes qui décident si oui ou non nous devons être élues, si nous devons être candidates, si nous devons être si, si nous devons être ça. Il n’existe pas cette force féminine qui puisse s’imposer. C’est vrai qu’il y a le manque de solidarité entre les femmes, mais je ne crois pas que ce soit ça seulement car cela n’est pas propre aux femmes.

Chez les hommes aussi la solidarité est la chose la moins bien partagée. Le seul problème pour nous femmes, c’est que nous ne sommes pas nombreuses pour des broutilles et nous nous battons pour ça. Aujourd’hui vous ne verrez pas une femme aller se battre pour chercher la place d’un homme. Pourtant les hommes le font pour la place d’une femme ou sensée revenir à une femme.

A cela il faut ajouter le code électoral qui fait de la province une circonscription électorale qui n’arrange pas les femmes. Prenez le cas où il y a un seul poste à pourvoir dans la province, pour que ce poste puisse être attribué à une femme, c’est pas simple. Pour ces législatives par exemple, il y avait des provinces où il y avait trois à quatre postes mais où aucune femme n’était candidate.

Pourtant il y avait des candidates qui pouvaient être bien positionnées. Je crois que ce n’est pas seulement une question de gourmandise des hommes, je pense qu’il y a d’autres paramètres qu’on ne dit pas. C’est interne au parti. Parfois les femmes sont les plus faibles et on les écrase. Le manque d’engagement politique des femmes est un frein. J’entends donc qu’il faut ouvrir des listes indépendantes.

De plus en plus il est question de légiférer pour donner à la femme la place qui lui revient. Votre avis sur la question ?

B.S : Au parlement panafricain j’ai la charge de faire en sorte que les parlements nationaux adoptent les quotas. De par donc ma mission, je ne peux pas m’opposer aux quotas. Mais les quotas ont des limites et les pays qui ont expérimenté la formule l’ont abandonnée aujourd’hui. Chez nous au Burkina, la loi sur le quota est un peu en contradiction avec la constitution. Les tous premiers articles disent que nous sommes tous égaux. Le président de l’AN m’avait demandé de faire une réflexion sur comment justement faire la promotion du genre avec les secrétaires parlementaires et nous nous sommes retrouvés bloqués par la constitution.

Nous sommes arrivés à la conclusion que les arrêtés ministériels pouvaient contourner cet obstacle. En fait nous ne devons même pas être au stade de l’élaboration d’une loi sur les quotas puisque notre président faisait partie des chefs d’Etat qui ont adopté les textes sur la parité. Nous les avons adoptés, nous n’avons qu’à avancer avec ça. Au niveau de mon parti, déjà 25% sont appliqués, il reste 5% mais nous n’arrivons pas à remplir les 25%. Aux dernières élections municipales on a appliqué la parité ce qui a été une bonne chose.

Nos sœurs rurales qui se sont engagées dans ces élections-là sont épanouies, elles savent dire des choses en politique ce qui n’est pas rien. Si la loi sur les quotas venait au parlement, il faut l’adopter sainement parce que jusque là la parité est difficile à appliquer, même dans la pratique. La démarche engagée par notre pays est sans doute la bonne. Le calme et la paix qui règnent dans notre pays sont déjà une très bonne chose. Et nous devons profiter de cette situation pour réfléchir calmement et nous demander si tout ce qui nous est proposé peut très bien cohabiter avec ce que nous sommes réellement. Ça aussi c’est une question.

Toutes ces politiques en vogue, il faut réfléchir. Et à l’époque lorsque je me battais dur dur, toute idée allant dans le sens de promotion, j’y étais un peu hostile parce que l’histoire montre que toutes ces révolutions-là, sont faites pour résoudre des questions économiques et j’ai bien peur qu’on ne nous embarque pour résoudre des questions économiques. C’est pourquoi je dis qu’il faut que les femmes soient beaucoup plus fortes beaucoup plus solidaires. Il ne faut pas se laisser embarquer vers des horizons où il n’ y a pas de porte de sortie. Il fut un temps où la femme avait une très grande valeur dans nos pays.

Comment cela se passait-il ? N’y a-t-il pas lieu d’apprécier cela à sa juste valeur ? Je pense que ce qui a manqué dans la situation réelle de la femme, c’est l’absence de considération par rapport à ce qu’elle est réellement. Si on prenait en compte tout ce que la femme représente, tout ce qu’elle fait dans la société, c’est une grande valeur. Moi je suis fière d’être femme. Il n’appartient pas à tout le monde de porter un bébé dans son ventre, de le traîner 9mois au péril de sa propre vie. C’est une grande valeur, c’est ça qu’il faut valoriser. Il faut que nous repartions dans notre postulat de base pour savoir où nous étions, où nous sommes, et vers où nous voulons aller. Il ne faut pas naviguer à vue dans la promotion de la femme.o
Par Frédéric ILBOUDO


Makoura TOU / HEMA , députée RDB : Du secteur informel à l’Assemblée

Makoura Tou

Mme Makoura TOU née HEMA , élue députée du RDB dont elle est la directrice provinciale dans la Comoé a un parcours politique atypique. Elle ne s’attendait peut-être pas à ce « destin » qui la mènerait à un mandat parlementaire quand en 1994, le défunt Mamadou KONE, alors secrétaire provincial du CDP / Comoé lui fit politiquement la « cour » afin qu’elle participe activement à ses côtés dans ledit parti. « En ce moment, dit-elle, je militais dans beaucoup d’associations. Mais avant d’aller sur le terrain politique, j’ai demandé l’avis de mon mari qui n’a pas trouvé d’inconvénient ».

Présidente d’un grand groupement féminin dénommé « Faramana », représenté dans tous les départements de la Comoé, Makoura HEMA était beaucoup plus connue dans le milieu syndical en tant que membre de l’ONSL. Elle était également présidente de l’association des femmes du secteur informel. « Je me suis formée politiquement aux côtés de Mamadou KONE, celui-là qui m’a convaincue que nous les femmes avons aussi notre pierre à poser dans la construction de la cité » affirme-t-elle dans un soupir.

Le chemin de l’hémicycle, n’a cependant pas été tout tracé pour elle. Dans le starting-block pour la conquête des deux sièges de la Comoé, Mme Makoura HEMA était la tête de liste du RDB et devait compétir avec les candidats du CDP, tous de gros calibres et donnés favoris. Cependant grâce à sa détermination, elle a mobilisé un électorat assez important, contraignant les autres au partage des deux sièges. Ainsi, le CDP obtient un député et le RDB un en sa personne. « Il a fallu que je montre l’exemple » relève-t-elle tout en reconnaissant que son statut de femme a été un grand atout car « les femmes constituent le plus grand électorat ». Elle explique donc son élection par le fait que son parti ait été bien inspiré de placer une femme comme tête de liste ; une première dans la cité du Paysan noir.

Pour cette ancienne syndicaliste, le seul statut de femme n’aurait toutefois pas été un avantage de fait pour parvenir à se faire élire. Elle a dû s’armer de courage et faire preuve de ses talents de femme convaincante forgés par ses expériences associatives et syndicales. Dans ce sens, elle laisse entendre, qu’une femme doit toujours savoir donner le meilleur d’elle-même. Abordant alors avec elle les controverses en son temps autour de sa candidature, tout en les minimisant, elle nous avoue qu’« une femme tête de liste, ça pose forcément de petits problèmes compte tenu de certaines mentalités ».

Ce qui d’ailleurs lui fait dire que la loi sur les quotas serait la bienvenue. « Nous sommes généralement faibles de caractère, soutient-elle, donc nous n’arrivons pas souvent à résister aux tractations ». Forte de son expérience, Mme Makoura HEMA fait un appel du pied à toutes les femmes à s’intéresser à la politique. Quand bien même elle déplore le fait que les hommes usent de la calomnie comme stratégie politique pour détruire les femmes, elle invite ses sœurs, à ne jamais reculer.

Makoura HEMA / TOU est en somme, pour cette quatrième législature, un très bel exemple de réussite de femme politique surtout qu’elle ne s’en est pas laissée conter par les « érudits ».
Siégeant maintenant à l’Assemblée nationale pour cinq ans et actuellement première secrétaire de la CAGI, l’honorable Makoura TOU dit être la fierté de ses enfants en tant que femme politique.

Par Drissa TRAORE


Mme Kadidiatou KORSAGA, députée CDP : « Un des grands handicaps de la couche féminine, c’est le non-accès à la formation professionnelle »

Kadidiatou Korsaga

Son engagement politique, sa détermination à lutter pour s’affirmer dans un milieu dit masculin ne datent pas d’aujourd’hui.

Depuis l’école primaire en passant par le secondaire plus précisément au lycée municipal de Ouagadougou, la jeune Kadidiatou s’est toujours signalée. C’est ainsi que lors de la mise en place des structures associatives scolaires, elle ne manquait pas de prendre des responsabilités. C’est dire donc que très jeune, le virus de la politique était entré en elle et elle n’a pas voulu s’en défaire, loin s’en faut.

Lisez plutôt cette brèche dans son parcours que d’aucun diront d’activiste : « Au lycée Philippe ZINDA KABORE à mon arrivée nous avons connu des perturbations qui ont secoué la vie scolaire. A l’époque il y a eu deux étudiants voltaïques qui ont été expulsés de la France ; il s’agit du député actuel du PDP/PS Etienne TRAORE et de Jules BATIONO. Etienne TRAORE fut affecté comme prof de philo au lycée ZINDA. C’est avec lui que j’ai fait avec un certain nombre d’élèves mon apprentissage de militante. J’ai été par la suite la déléguée générale des filles du Cours normal de jeunes filles de Ouagadougou aujourd’hui lycée Nelson Mandela.

Un engagement qui a continué à l’université où j’ai fait partie du bureau des étudiants de l’Université de Ouagadougou ; c’était dans les années 79 et très tôt nous avons eu un bras de fer avec le pouvoir de la 3ème république. Un bras de fer qui s’est traduit par un boycott des examens, nous avons été renvoyés de l’université avec interdiction de s’inscrire ailleurs. Après mes études supérieures j’ai été affectée dans un milieu où on ne parle que de politique, c’est le milieu de l’enseignement. J’ai été militante du SNESS (Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur).

Des groupuscules qui étaient à L’Université de Ouagadougou on s’est retrouvé dans la vie active et on a fondé l’UCB (Union des Communistes du Burkina). C’est l’UCB et d’autres formations politiques qui ont fusionné plus tard pour donner naissance à l’ODP/MT ». Que dire ? Du courage et de la détermination, elle en avait à revendre et c’est ce qui fait aujourd’hui sa force dans ce milieu politique formaliste mais pas douillet car des coups, on en reçoit et de partout.

Madame KORSAGA qu’est devenue plus tard la jeune Kadidiatou a su harmonieusement concilier sa vie d’épouse, de mère et celle politique. Quand on sait que c’est là que le bât blesse pour nombre de femmes engagées en politique, elle est à admirer et son époux à féliciter : « J’ai pas eu de problème particulier dans mon foyer dans la mesure où j’ai eu un soutien de mon époux qui a suivi de près ma vie militante, et j’ai eu très tôt mes enfants. J’ai eu mon premier fils quand j’avais 24 ans. C’est dire qu’aujourd’hui je n’ai pas d’enfants à charge ; je suis donc libre de mes mouvements pour mener mes activités ».

Regardant la situation de la femme de nos jours, elle note des améliorations sensibles car des efforts sont faits pour sortir la femme de l’obscurantisme, de l’analphabétisme. « A travers l’alphabétisation, il y a beaucoup de compétences qui sont dispensées à leur endroit notamment des modules sur les droits et devoirs des femmes, des modules sur la planification familiale, sur l’hygiène corporelle etc. Il y a des progrès énormes, qui ont été faits pour la femme au Burkina Faso qu’elle soit femme instruite, ou pas, citadine ou rurale ». Soutient-elle.

C’est connu, entre autres obstacles à la promotion de la femme, ce sont les pesanteurs socioculturelles, mais pour la présidente de la CAED (Commission des affaires étrangères et de la défense) la question de la formation professionnelle n’est pas à occulter. Car pour elle, une chose est de donner les B A BA de l’alphabétisation et une autre est de mettre à la disposition de la couche féminine les compétences requises pour accéder au savoir faire.

Un des grands handicaps de la couche féminine, c’est le non-accès à la formation professionnelle. Les problèmes de la femme ont suffisamment été identifiés, maintenant il faut s’attaquer aux obstacles à leur solutionnement ; c’est le travail auquel s’atèle le ministère de la Promotion de la femme avec ses partenaires. Un travail de longue haleine, reconnaît Mme la députée, et on ne pourra voir les résultats aujourd’hui ou demain, mais c’est ; plus ou moins, à moyen et long terme.

Ainsi, par exemple, pour les femmes qui pendant la révolution ont eu la chance de participer dans les structures, et qui ont bénéficié de l’opération bantaaré, c’est bien plus tard qu’on s’est rendu compte qu’elles ont une capacité de s’exprimer en public, de pouvoir exprimer leur besoin et de défendre leurs intérêts. Mme KORSAGA, sans être contre une éventuelle loi sur les quotas estime tout de même qui si légiférer est bon, cela ne suffit pas ; il faut dit-elle "travailler à ce que celles qui vont accéder aux postes de responsabilités puissent avoir les compétences pour bien représenter la gent féminine. Ça ne se décrète pas, nous allons travailler pour mériter le quota qui va être décidé pour les femmes".

Comme ses 16 autres consoeurs du parlement, elle entend « travailler, analyser sur pièces quelle est la place qui est accordée à la femme dans tous les projets et propositions de loi qui vont passer à l’AN". Prenant pour exemple la loi sur la refondation de l’éducation qui est actuellement en discussion au parlement, Mme KORSAGA dira avec conviction qu’il va leur falloir "éplucher ces textes pour voir quelle place est réservée à la petite fille, et aux femmes.

Une loi qui va venir sans tenir compte des besoins essentiels des filles et des femmes, il va s’en dire que ça va causer problèmes et nous allons faire barrage à ce genre de texte. Et ça sera ainsi à tous les niveaux. On n’est pas à l’assemblée rien que pour défendre la cause de la femme ; je le vois d’abord en tant que Burkinabè, aimant son pays et ayant à cœur de travailler pour l’intérêt de la grande majorité des Burkinabè. Le problème ne se pose donc pas en terme de femme".

Par Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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