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Rama Yade-Zimet : La secrétaire d’Etat qui fait balancer le cœur de la minorité noire de France

Publié le jeudi 2 août 2007 à 07h51min

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De passage à Paris au début de cette année, je furetais dans une librairie du quartier latin lorsque le titre d’un ouvrage retint mon attention : Noirs de France. Son auteur : une illustre inconnue jusqu’alors pour le provinçal que je suis : Rama Yade-Zimet.

La quatrième de couverture m’informe qu’elle est née à Dakar et qu’elle est diplômée de l’Institut d’études politiques. J’achète le livre et découvre, en le lisant, une jeune femme intelligente dont l’analyse de la situation de la minorité noire de France me convainc sur de nombreux points.

Aujourd’hui encore, plusieurs passages du livre me reviennent en mémoire. Je n’en retiendrai que trois pour illustrer mon propos.

Le premier est une citation d’Alexis de Tocqueville qui dit ceci : « Il y a un préjugé naturel qui porte l’homme à mépriser celui qui a été son inférieur, longtemps encore après qu’il est devenu son égal ; à l’inégalité réelle que produit la fortune ou la loi, succède toujours une inégalité imaginaire qui a ses racines dans les mœurs ».
J’ai vérifié, depuis, l’authenticité de la citation dans le chapitre sur « les trois races aux Etats-Unis » du tome 1 de De la démocratie en Amérique.

Le deuxième est une réflexion sur certains sketches de Michel Leeb qui, il est vrai, ont fait beaucoup de mal à la minorité noire de France en mal d’intégration. Voici ce qu’écrit Rama Yade : « En jouant avec l’inconscient collectif de son public, Michel Leeb, grimé en noir et les lèvres rougies, a construit toute sa carrière d’humoriste sur ces clichés, notamment le supposé accent africain présenté comme la manifestation d’un handicap intellectuel, sans que, pendant longtemps, personne ne s’en étonne. On entend quelquefois dire que ces sketches ne sont pas racistes et que, décidément, on ne peut plus rire de rien. Pour savoir si les sketches de Michel Leeb sont drôles ou racistes, il suffirait d’imaginer, un instant, que son public soit entièrement noir... ».

Le troisième est une réponse cinglante à un argument développé par le nouvel académicien, Max Gallo, dans "Fier d’être français", un ouvrage dont la lecture, quelques semaines auparavant, m’avait irrité à certains égards : « Quand Max Gallo justifie l’intégration de ses parents italiens par leur amour de la France, opposant les générations de migrants européens aux Noirs et Maghrébins supposés être rétifs à l’intégration, il oublie que ses parents italiens ont trouvé à leur arrivée en France des Antillais, voire des Africains déjà français. ».

J’étais d’accord avec les propos de la jeune auteure. Et j’imaginais qu’elle était politiquement située à l’endroit où bat mon propre cœur. Or, que ne fut ma surprise lorsque, regardant un soir les informations télévisées pendant la campagne électorale, son nom défila sous mes yeux alors qu’elle intervenait en faveur de Nicolas Sarkozy dans un meeting de l’UMP !

La vue de cette scène déclencha en moi une réflexion critique sur mon propre positionnement politique ; lequel m’avait jusqu’alors toujours paru ferme et définitif. Etais-je en train de subir une métamorphose qui me rapproche de la droite ? Ou était-ce la droite qui ratissait large en recrutant des défenseurs d’idées d’ordinaire portées par la gauche ?

Quoi qu’il en soit, il eût été ridicule de renoncer désormais à partager les idées défendues par Rama Yade dans son ouvrage au seul prétexte que je l’avais vue dans un meeting de l’UMP. D’où un certain malaise chaque fois que je la voyais à la télévision. La flopée de gens de gauche qui a accepté après l’élection présidentielle de travailler avec la droite m’a convaincu que l’hypothèse d’une droite qui ratisse large était la plus vraisemblable.

L’intelligence de la secrétaire d’Etat chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme est d’avoir perçu, bien avant les transfuges du parti socialiste, que l’engagement politique vise avant tout la confrontation d’idées dans le processus de construction d’une société. Sa présence dans un parti et un gouvernement de droite n’est pas seulement symbolique. En osant défendre les idées qui sont les siennes dans un camp politique qui n’y est pas a priori favorable, elle fait montre d’un courage dont peu de responsables politiques sont capables.

Il n’empêche que, par son positionnement politique, Rama Yade fait balancer le cœur de la minorité noire de France qui, dans sa grande majorité, vote traditionnellement pour la gauche. Celle-ci se retrouve désormais ballottée entre les idées de la secrétaire d’Etat - qu’elle partage - et l’adhésion de cette dernière à un parti de droite - qu’elle observe avec étonnement et réserve.

Un article du journal Jeune Afrique faisait état récemment de ce que certains responsables socialistes regrettaient de ne pas la compter dans leur rang. Mais plutôt que de se morfondre en regrets, n’y a-t-il pas lieu de former et de promouvoir à l’interne davantage de jeunes issus des minorités en vue de l’exercice de responsabilités gouvernementales lorsque la gauche reviendra au pouvoir ?

Et qu’on ne les cantonne surtout pas à des portefeuilles ministériels comme l’intégration ou la ville qui les renvoient sans cesse à leur origine ou aux problèmes des quartiers. Car, n’en déplaise à Max Gallo, les minorités aiment tellement la France qu’elles sont souvent frustrées de ne pouvoir, elles aussi, s’exprimer en son nom dans le domaine politique.

Denis Dambré

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