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Libération des infirmières bulgares : Et Kadhafi souffla le chaud et le froid jusqu’au bout

Publié le mercredi 25 juillet 2007 à 08h23min

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Enfin, ils respirent à pleins poumons le vent de la liberté. Eux, ce sont les cinq infirmières et le médecin bulgares. Le moins que l’on puisse dire c’est la fin d’un parcours fort tumultueux et douloureux fait de moult négociations, de paroles non tenues, de surenchère et de politique politicienne.

Bref, ce feuilleton de prisonniers bulgares dans les geôles de Kadhafi aura tenu toutes ses promesses de rebondissements.

Ainsi, au terme de tractations diplomatiques enclenchées le 30 septembre 2005 par Radoslav Gaidarski, ministre bulgare de la Santé, les six (06) illustres prisonniers du Guide "sont rentrés hier mardi à la maison", après huit années passées dans les geôles libyennes.

C’est à bord d’un appareil de la présidence française que les cinq infirmières et le médecin bulgares ont quitté Tripoli.

A leurs côtés, la commissaire européenne aux Relations extérieures, Bénita Ferrero Waldner, Cécilia Sarkozy qu’on ne présente plus et le Secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant.

Ces trois personnalités séjournaient depuis quelques jours déjà dans le pays de Muammar en vue d’obtenir un accord d’extradition après la décision de la justice de ce pays de commuer en prison à vie les peines de mort prononcées contre ceux qu’on accusait d’avoir inoculé le virus du Sida à des enfants libyens. Une décision qui ouvrait de fait la porte à un rapatriement permettant lui-même une grâce en vertu d’un accord judiciaire de 1984.

On ignore les dernières concessions faites au colonel Kadhafi pour obtenir cet accord, mais au cours de ces dernières heures, Tripoli avait exagérément multiplié les exigences, donnant la piètre impression d’une surenchère, pour ne pas dire d’un marchandage odieux à forte consonance de revanche.

En effet, en échange de la libération des prisonniers, Kadhafi avait obstinément cherché à obtenir, en prime, la réalisation de projets comme des voies ferrées ou la réhabilitation de ses sites archéologiques ainsi que la construction d’une autoroute traversant le pays et reliant ses frontières ; le gouvernement libyen a également demandé la modernisation de l’Hôpital de Benghazi où travaillaient les Bulgares. Autant d’exigences qui n’avaient pas manqué d’agacer du côté de Sofia, la capitale bulgare.

Qui pis est, après avoir rempli la première exigence du dirigeant libyen, à savoir verser un million de dollars à chacune des familles des 438 enfants contaminés, Tripoli avait mis la barre haut en mettant dans la balance une coopération politique renforcée avec l’Union Européenne.

Cette dernière requête date de quelques années et se veut une suite logique de la normalisation de ses relations avec Washington qui, au vu de la "civilisation" progressive du régime du tombeur du roi Idriss, a exclu son pays de sa liste noire depuis belle lurette.

Le Guide libyen, qui passait naguère pour un trublion, est préoccupé à se doter d’une belle respectabilité pour plaire à ses nouveaux amis du monde occidental. Ainsi, ses relations avec l’UE se sont considérablement améliorées depuis que son pays a renoncé, en 2003, aux armes de destruction massive et après avoir indemnisé les familles des victimes de l’attentat de Lockerbie, qui avait fait 270 morts lors de l’explosion de l’avion de la Panam au- dessus de l’Ecosse, en 1988. Kadhafi à son corps défendant quittait ainsi la détestable liste de pays faisant partie de "l’axe du mal", mise à jour par l’Oncle Sam.

L’essentiel est fait. Ces infirmières et médecin bulgares sont libres. Mais on ne finira pas de si tôt avec les supputations sur leur culpabilité et surtout sur le rôle de Cécilia Sarkozy dans cette affaire d’Etats.

Pour bien d’analystes de la politique internationale, l’embastillement de ces Bulgares n’est autre qu’un moyen de masquer la défaillance des hôpitaux libyens et la volonté du Guide Libyen de se taper un coup de pub à moindres frais ; et surtout d’engranger gros auprès de ces nouveaux amis Occidentaux. Et pour Kadhafi, c’est pain bénit. Il peut de nouveau crier à sa guise au complot.

Cependant, un petit saut dans l’histoire de cette affaire nous permettrait de mieux comprendre ce drame, vécu par ces agents de santé venus de ce pays de l’ex-bloc soviétique.

A l’origine de cette affaire en effet, nous savons que, cinq infirmières bulgares (Kristiana, Nassia, Valia, Valentina, Snejana) et un médecin d’origine palestinienne, Achra, ayant fui la misère du côté de Sofia, arrivent à Tripoli à la recherche d’un mieux-être.

Tout se passait bien jusqu’à ce jour maudit du 09 février 1999 où, alertée par des cas d’enfants porteurs du virus du Sida, la police libyenne arrêta de nombreux professionnels de la Santé qui travaillaient à l’hôpital de Benghazi. La quasi-totalité des détenus sera ensuite relâchée à l’exception des ci-dessus incriminés. Le mal loin d’être interne venait de l’extérieur, et on n’hésita pas à crier au complot... impérialiste.

Kadhafi avait pour ainsi dire ses coupables tout désignés ; alors pourquoi aller chercher midi à quatorze heures ?

Pour les faire avouer, ils seront torturés avec la dernière énergie. Le procès débute en février 2000 et ils sont condamnés à mort en 2001. Et ce, en dépit de la déposition du professeur Luc Montagnier, le codécouvreur du virus du Sida, qui explique sans détour que la contamination des 438 enfants résulte plutôt des mauvaises conditions d’hygiène de l’hôpital libyen.

Mais aussi longue que soit la nuit, le jour finit par poindre à l’horizon. Et, hier, nos Bulgares auront passé leur première nuit de liberté à Sofia. L’affaire, ainsi dégoupillée, ne cesse pas moins de toujours faire la Une des journaux pour mieux cerner les tenants et les aboutissants de cette tragi-comédie à la sauce libyenne.

En effet, ils sont nombreux, à l’heure du bilan, à se poser des questions sur le rôle de Cécilia Sarkozy dans cette affaire. Pas plus que la précipitation avec laquelle la première dame de France s’est rendue à Tripoli rend quelque peu perplexe.

Ici la confusion des genres et des rôles est flagrante tant il est loisible de chercher à comprendre à quel titre Cécilia Sarkozy intervient dans cette affaire. Initiative purement privée ? Démarche frappée du sceau de l’Etat ou simple volonté de faire dans la confusion des genres et des rôles ?

Nous savions déjà que "l’agité de l’Elysée" avait le don d’ubiquité en jouant en même temps les rôles de Premier ministre, de ministre des Finances, bref à l’homme orchestre ; mais nous ignorions qu’il allait en si peu de temps jeter sa tendre moitié ainsi dans la danse.

Mais autant cette agitation fébrile de Nicolas peut faire sourire, autant elle semble commencer à indisposer certains de ses partenaires. Cette manière opportuniste de tirer sans ménagement la couverture à lui agace autant l’Allemagne que les Euro-fonctionnaires de Bruxelles.

Dans cette affaire où il ne fallait pas avoir les nerfs à fleur de peau pour pouvoir supporter les caprices et les turpitudes de Kadhafi, le Quai d’Orsay était désespérément absent. Et pourtant, c’est ce département piloté par l’humanitaire Bernard Kouchner qui gère la diplomatie française au quotidien.

Mieux, le "French doctor" n’est pas seul et est épaulé par une secrétaire d’Etat chargée des droits de l’homme, la jeune Rama Yade, qui ne cherche que de telles opportunités pour s’affirmer. N’était-ce pas à ces deux personnalités dûment mandatées d’aller à la rescousse des prisonniers bulgares ?

Il est peut-être de bon ton pour un homme d’Etat de mettre son épouse sur orbite, mais cela ne devrait pas se faire au détriment des officiels dûment mandatés pour ce genre d’exercice.

Et il n’avait pas tout à fait tort, le Dauphiné libéré qui persiflait en ces termes : "Encore une intervention d’urgence comme celle-ci et soyons sûrs, Cécilia Sarkozy sera promue première infirmière de France". Voilà qui est dit et qui devrait amener Sarkozy à mettre un peu d’eau dans son beaujolais.

Boureima Diallo

L’Observateur

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