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Décentralisation : gérer et servir à la base

Publié le lundi 23 juillet 2007 à 08h45min

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L’implantation de l’édifice institutionnel de la décentralisation est désormais achevée avec l’installation du dernier conseil régional.
Le 14 juillet dernier en effet, le gouverneur de la région du Centre a procédé à l’installation officielle du président du conseil régional du Centre, le dernier des treize à être mis en place.

Lentement mais sûrement, la décentralisation intégrale du territoire, matérialisée par les élections municipales du 23 avril 2006 dans 302 communes rurales et dans 49 communes urbaines, est aujourd’hui parachevée avec la mise en place de tous les 13 conseils régionaux.

Partout sur tout le territoire national, les exécutifs locaux, animés par les maires et les conseils municipaux, les présidents et les conseils régionaux, exercent leur magistère, plutôt leur ministère, au sens originel des termes, sous le regard des populations qui les ont élus et qui attendent beaucoup d’eux. Représentants des citoyens, les pouvoirs locaux, à la différence des fonctionnaires (gouverneurs, haut-commissaires, préfets) qui représentent l’autorité étatique, sont établis pour gérer et résoudre avec les populations, des questions de proximité, touchant directement et concrètement la vie quotidienne de ces populations.

Quel dommage et quel gâchis lorsque, plus d’un an après leur mise en place, nombre de conseils locaux somnolent ou s’éternisent en querelles byzantines, loin des préoccupations de la majeure partie des citoyens ! Les exécutifs locaux sont en effet l’émanation des populations au nom desquelles ils gèrent les affaires et les budgets propres, avec obligation de résultat et de compte rendu.

Il s’agit d’une gestion et d’un service à la base : eau, énergie, santé, logement, éducation, alimentation, transport, routes, sécurité, micro-crédit...
Bien compris et bien appliquée, la décentralisation, non seulement renforce la démocratie de participation, mais encore favorise le développement local. Le programme politique quinquennal du Président du Faso est explicite à cet égard : « la décentralisation qui s’installe progressivement devrait contribuer à la création de nouvelles opportunités au plan régional, encourager l’emploi et l’activité économique, élargir la participation des citoyens au fonctionnement de la société et à la création de richesses ».

C’est dire que la décentralisation est venue, non comme une contrainte, mais comme une opportunité pour donner un coup de fouet au processus participatif et à l’essor économique et social des communautés de base. Les citoyens ont le droit mais aussi le devoir de participer à la vie de la commune. Le devoir des élus locaux est de s’y atteler. En commençant par la mobilisation sociale qui est à la portée de tous. La participation s’obtient par l’information, le dialogue, la communication. Comme l’a affirmé avec justesse un penseur de la décentralisation, il faut inventer une participation permanente des citoyens.

Si jusque-là des élus communaux et régionaux attendent les bras ballants que l’autorité étatique leur donne les moyens pour démarrer leurs activités, le bon sens voudrait qu’ils commencent à prendre des initiatives à leur portée, en attendant la manne étatique. Si manne étatique il y a, l’Etat n’aurait-il pas pu réaliser depuis belle lurette ce qui est désiré sans attendre la requête d’une autorité locale nouvellement élue ?

Les mentalités des populations ont longtemps été conditionnées pour revendiquer et recevoir, au lieu de s’impliquer, se responsabiliser et participer. L’Etat, il est vrai, a vis-à-vis des collectivités territoriales, un devoir d’assistance qui s’exerce sous forme de subventions, de dotations spéciales, de ressources humaines ou matérielles et d’appui technique et financier.

Sans nier le rôle de l’Etat et des partenaires techniques et financiers vis-à-vis des collectivités territoriales, cette assistance extérieure ne devrait pas être surestimée au point de négliger les dynamiques internes qui doivent valoriser la part des acteurs à la base. Tant il est vrai que l’objectif premier de la décentralisation est de responsabiliser les acteurs de développement local.

C’est le lieu de saluer l’action des élus locaux qui agissent positivement et qui le font savoir. Le forum sur le projet de plan de développement communal organisé en juin dernier par la commune de Bobo-Dioulasso et qui a regroupé la société civile, les opérateurs économiques, les partenaires économiques et financiers ainsi que l’ensemble des conseillers municipaux est, à cet égard, une initiative heureuse. Présidé par l’archevêque de la localité, le forum a fait des recommandations visant la création de fonds de financement de projets communautaires ainsi que la création d’un observatoire local pour la mise en œuvre des actions du plan de développement communal adopté.

Dans la même veine, la commune rurale de Dapélogo dans la province d’Oubritenga a donné l’exemple en inaugurant le 7 juillet dernier des infrastructures de base. Il s’agit des locaux de la mairie, du Centre populaire des loisirs et d’une maternité, fruits de l’initiative des autorités communales et des populations mobilisées, appuyées par des opérateurs économiques et des bienfaiteurs. La création d’une radio par la commune de Ouagadougou doit également être citée en exemple et nous en oublions.

Quant aux communes qui baillent aux corneilles ou qui passent leur temps à s’étriper autour de basses querelles de clocher, honte à elles ! L’exacerbation des contradictions partisanes et des querelles de personnes au sein des conseils municipaux, en réalité, est dommageable pour le développement des communes. Comme l’a indiqué un théoricien de la décentralisation, une fois les élections terminées, le maire, à la place de son programme de campagne, doit négocier avec ses concitoyens un programme de participation.

Les élus locaux qui aiment leur collectivité territoriale et qui veulent son essor économique et social, doivent savoir sacrifier leurs intérêts particuliers et partisans sur l’autel de son développement. C’est ce qu’on appelle le devoir d’ingratitude, en l’occurrence envers les états-majors des partis politiques qui, pour des questions de stratégie de pouvoir, en viennent à piétiner aveuglément les affaires locales.

Jean-Paul KONSEIBO

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 23 juillet 2007 à 17:29, par Badner aka Barkbiga En réponse à : > Décentralisation : gérer et servir à la base

    1) Merci pour cet éclairage sur la question du locale au BF. Aussi, aimerais-je ajouter que la décentralisation n’est pas une panacée en matière de développement local surtout chez nous où elle a été conçue sous l’inspiration et la bénédiction des institutions française... En effet, il me semble que l’ingénierie juridique de la décentralisation au BF (et aussi dans les pays d’Afrique francophone) écarte tout un pan des acteurs locaux dans le jeu de la gouvernance locale. Seuls les détenteurs de la légitimité moderne (les partis politiques) ont le monopole de l’animation de la vie locale. Pourtant, aux côtés de ces acteurs, d’autres types acteurs existent et n’ont pas les mêmes processus d’émergence de leurs leaders. Il s’agit des détenteurs de la légitimité coutumière et ceux de la légitimité d’action ou religieuse (Elong MBASSI, 2001). Nos populations savent bien user (jouer) de ces trois registres de représentativité et de légitimité pour défendre leurs intérêts même si la loi semble l’ignorer. Rappelons que nous sommes dans un environnement où les références des populations sont « verticales et ethniques (ou lignagère, familiales) et non horizontal et citoyenne ». Ainsi, notre ‘’incapacité’’ à édifier et à fonder l’architecture institutionnelle de notre décentralisation sur la base de nos réalités locales pourrait expliquer en partie les dérives que nous observons et observerons toujours dans la gestion locale des villes africaines (en particulier les villes moyennes). L’exemple du Ghana et de l’Afrique du sud pourraient bien nous inspirer (ces deux pays ont accepté par exemple les autorités coutumières dans les conseils locaux à titre d’observateurs pour commencer). L’implantation de l’édifice institutionnel de la décentralisation ne sera donc pas achevée avec l’installation du dernier conseil régional comme vous le dites. À mon avis, Il y a une quête permanente à nourrir pour retrouver la bonne formule institutionnelle pour la gestion des affaires au niveau local.
    2) Je pense aussi qu’il faut reconsidérer sérieusement la question des candidatures indépendantes pour la magistrature municipale. Au BF, il me semble que du fait de la lois, seuls les partis politiques peuvent présenter des candidats aux élections des conseillers municipaux. Or, « quelque soit le point géographique du Burkina Faso que nous considérons, la majorité des conseillers municipaux, ont d’abord besoin à l’approche des échéances électorales, de se faire valider (nuitamment ou discrètement) par les coutumiers, les associations ou les religieux. La loi n’aborde pas le sujet tabou de la représentativité es qualité de ces forces vives locales au sein des conseils municipaux...On préfère les contenir dans ce que l’on baptise groupe de pression, société civil, contre pouvoir et que sais-je encore. Le constat majeur qui se dégage c’est qu’en deux (02) mandatures municipales, nos illustres conseillers municipaux une fois élus, ont d’abord tendance à se focaliser sur les intrigues, querelles et compétions politiques internes ou extra avant de se pencher sur le sort de ceux qu’ils sont censés représenter. Combien de villes ont été ou sont encore victimes de telle situation ? Combien de conseils municipaux sont incapables ou éprouvent de sérieuses difficultés pour tairent leurs divergences politiques et penser à l’amélioration des conditions de vie de leurs électeurs (parfois analphabètes) qui ne se reconnaissent plus en ces candidats qui ont solliciter leur suffrage ? » (ZONGO, 2005)
    3) Il est extraordinaire de constater le silence de l’Etat sur les (acteurs) partis politiques fouteurs de troubles dans les conseils municipaux des villes en crise. Quand il s’agit d’abattre un adversaire politique, la machine administrative se met en route et sanctionne toujours (cas de Ouahigouya, Koudougou, etc.). Par contre, cette même ‘’machine à sanctionner’’ du ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation semble bien molle là où le parti majoritaire (CDP) semble être impliqué jusqu’au coup dans les dysfonctionnements de certains conseils municipaux...
    4) Pour terminer, je partage votre vision sur la responsabilisation des élus locaux. En effet, je pense qu’avant de solliciter le soutien extérieur, nos édiles municipaux pourraient d’abord justifier d’une bonne mobilisation des ressources endogènes et améliorer la qualité de la dépense publique locale (donc exigence de transparence). De plus, ils pourraient également s’appuyer sur l’ingénierie populaire de leurs administrés pour la réalisation des services urbains de base. Contrairement à ce qui est généralement admis, le niveau d’instruction n’est pas un obstacle à la participation. Les acteurs du secteur populaire ont une forte capacité de structuration qu’il faut savoir judicieusement exploiter. Les villes de Ouahigouya et de Koudougou regorgent d’expérience en la matière. Des expériences jugées concluantes pour peu que le caractère apolitique des structures populaires mises en place soit observé dans la longue durée.

    Encore MERCI pour votre article. Bonne fin de journée à tous et à toute.

    • Le 23 juillet 2007 à 23:17, par Un citoyen inquiet En réponse à : > Décentralisation : gérer et servir à la base

      Merci aux deux intervenants pour leur contribution à la réflexion sur les conditions de la fécondation réelle de la décentralisation. Le sujet est d’une importance capitale : si l’on n’y prend garde la décentralisation ne sera "qu’une déconcentration de la dictature et un transfert de la médiocrité".

      Bravo pour l’interpellation sur les moyens de légitimer d’avantage nos organes locaux de pilotage du développement. Oui je crois avec vous que les chefs coutumiers peuvent apporter beaucoup au processus. Mais pourront-ils préserver leur légitimité jusqu’à ce que le législateur accepte de prendre les dispositions adéquates ? N’auront-ils pas pour les plus significatifs dissout leur hora dans le clientélisme politique pour obtenir le minimum matériel requis pour assurer leur fonction ?

      Je crois aussi que les candidatures individuelles peuvent être une réponse adéquate à la crise de confiance que les populations manifestent vis à vis des institutions publiques. Certains "gestes populaires" regrettables (affaire des Kundé, drame de l’employé reclamant son son salaire, accrochages hebdomadaires entre soldats et jeunes civils, etc) ne sont que les symptômes de cette crise de confiance.

      La participation citoyenne qui doit être le principal combustible du developpement local se fera attendre tant que le "vote par défaut" déterminera le choix des membres des organes locaux de pilotage du développement local. La mobilisation des ressources internes sera impossible dans les communes où les électeurs ont été obligés de choisir le moins mauvais parmis ceux que Ouagadougou a accepté mettre sur la liste des candidats. La participation citoyenne n’émergera pas si on ne réhabilite la culture du mérite dans l’attribution des marchés publics, l’efficacité des interventions de certains projets d’appui à la décentralisation qui ne sont que des "dynamicides".

      L’appui à la décentralisation mobilise d’importantes ressources financières. Mais encore une fois, certains outils de coopération ne sont que des dispositifs d’endettement financier et moral de nos nations. Les coopérations ne sont nullement responsables de cette inefficacité. Les premiers responsables ce sont les cadres nationaux incapables de dire non à un financement dont on sait d’avance qu’il ne produira aucun impact à l’exception de celui de servir des perdiems.

      Pourquoi certains ministres connus pour leur courage politique laissent des projets qui brillent par leur absence d’impact se poursuivre sous la tutelle de leur département ? Hommes intègres reveillons-nous ? Ce sera trop si nous voulons aider le "système" à sauver le Burkina. Nous sommes en train de rater un virage historique : la décentralisation. Si le CGD pouvait effectuer un sondage sur l’opinion des bénéficiaires sur l’efficacité des différents instruments d’appui à la décentralisation, les résultats aideront à redresser la bare avant que des milliards ne soient engloutis inutilement.

      Courage aux patriotes du CDP ou de l’opposition qui se battent contre le "courant du système" pour laisser à la postérité les traces honorables de leur passage. La sentence sur votre action ne sera pas prononcée à ouaga par une iinstance de cadres de parti mais sur votre terroir par votre propre conscience et par le silence accusateur de vos pères, frères, enfants et petits fils sans voix.

      • Le 24 juillet 2007 à 10:01 En réponse à : > Décentralisation : gérer et servir à la base

        Bonjour à tous,
        Très content de la fécondité des idées en matière de décentralisation au Burkina Faso. Bravo aux différents intervenants pour leurs réflexions très pertinentes et qui méritent d’être vraiment prises en compte. J’ai l’impression que toute la problématique actuelle tourne autour de la même question qui a été abordée par un des intervenants : comment éviter que les conseils municipaux une fois mis en place ne passent leur temps à résoudre les problèmes politiques (pour se maintenir à la mairie alors qu’avec la fin des élections, ce souci devait disparaître) plutôt que de se consacrer au développement de leurs collectivtés ? Faut-il revoir les textes ? Autoriser les candidatures indépendantes ? Réserver une place pour les coutumiers et les religieux pour gérer ces questions ? Je ne sais pas trop, mais je pense que la réponse se trouve dans un cadre d’échanges comme celui suscité par le présent article. Merci en tout cas de nous faire profiter de ces réflexions très intéressantes qui éclairent déjà sur la question.
        Bonne journée.

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