LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Michel Ouédraogo, directeur général du CTML : "Une volonté politique peut faire baisser considérablement le coût du téléphone"

Publié le mercredi 18 juillet 2007 à 07h11min

PARTAGER :                          

Michel Ouédraogo

Ingénieur en télécommunications Michel Ouédraogo, ex-cadre de l’Office national des télécommunications (ONATEL), dirige depuis 2001, le Centre régional de maintenance des télécommunications (CMTL) basé à Lomé au Togo.

Dans l’entretien qui suit, ce Burkinabè, au parcours exemplaire, nous parle des missions de l’institution qu’il dirige, des raisons du coût élevé des appels téléphoniques, de la possibilité pour les jeunes de réussir de brillantes carrières...

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que le Centre régional de maintenance des télécommunications ?

Michel Ouédraogo (M.O.), directeur général du Centre régional des télécommunications : Le Centre régional de maintenance des télécommunications (CMTL) est une idée née dans les années 1980, au début de l’automatisation des télécommunications en Afrique. A l’époque, l’objectif était de mettre en place une structure pour accompagner les jeunes administrations dans la maintenance des réseaux de télécommunications qui venaient d’être informatisés. L’idée de la mise en place d’un CMTL est née d’un Burkinabè, en l’occurrence Mamadou Simporé, à l’époque secrétaire général de l’Union africaine des postes et télécommunications. Le projet a mis du temps avant de se concrétiser en 1999, soit près de 19 ans après. Les études pour la concrétisation du projet ont été également menées par un autre Burkinabè, Salif Kaboré. Depuis le siège du Fonds de la CEDEAO. Pour ma part, j’ai été retenu en 2001, suite à un appel d’offres international avec pour mission d’asseoir la structure et la faire marcher.

S. : Quelles sont les missions du CTML ?

M.O. : Au départ, le CTML a été créé pour faire de la maintenance. Mais les ministres en charge des Télécommunications se sont réunis en 1997 et au vu de l’évolution des télécommunications sur le terrain, ont décidé d’élargir le champ d’action du CTML. Aussi, des volets comme l’ingénierie-conseil et la formation continue se sont greffés aux missions de départ de notre structure. Aujourd’hui, nous avons donc trois missions : la maintenance, l’ingénierie-conseil et la formation. Le centre est structuré en 4 départements : département maintenance, département ingénierie-conseil, département formation et le département affaires générales (qui s’occupe de l’administration et des finances). Nous sommes au total, 5 cadres supérieurs, 3 ingénieurs, 1 administrateur financier, 5 personnes de soutien, 2 assistantes, 1 comptable et 2 techniciens supérieurs. La philosophie du centre, c’est de valoriser l’expertise africaine. Nous avons dans notre portefeuille plus de 75 experts qui couvrent pratiquement des domaines allant des télécommunications au management des ressources humaines.

S. : Vous évoluez dans un domaine qui semble être la chasse-gardée de grandes firmes occidentales. N’y a-t-il pas de risque que cela abrège la vie du centre ?

M.O. : Quand on s’installait en 2001, des analystes ne nous donnaient pas longue vie. Le CTML est le premier bureau du genre en Afrique. Il était prévu au départ, la création de 5 structures de ce genre pour les différentes parties du continent : Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale, Afrique du Nord, Afrique Australe, Afrique de l’Est. Mais le CTML est la seule structure qui a été créée par l’Union internationale des télécommunications de concert avec la CEDEAO. Les autres structures dans les autres parties du continent n’ont pas vu le jour.
La création du CTML, s’est fait au moment où tous les grands bureaux qui étaient dans le secteur sont ceux des pays développés (France, Canada, Allemagne...). Face à cette concurrence, on a eu des difficultés au départ ; car le CTML est certes une structure de la CEDEAO mais à l’image d’Ecobank, elle est de gestion totalement privée. Les actionnaires sont des opérateurs de télécommunications. Par exemple, l’ONATEL est l’actionnaire qui représente l’Etat du Burkina Faso.

S. : Quels sont alors vos rapports avec la CEDEAO ?

M.O. : La CEDEAO est dans le capital du CTML à travers sa Banque d’investissement et de développement communautaire (BIDC). La CEDEAO devait nous venir en appoint à travers des subventions mais cela ne s’est pas encore concrétisé.
Nous avons débuté nos activités avec 2 millions de dollars comme capital de départ. C’est ce capital que l’on doit fructifier pour faire évoluer la société.

S. : Quel a été votre chiffre d’affaires en 2006 ?

M.O. : Pour 2006, nous avons fait un chiffre d’affaires de 560 millions de F CFA. Le chiffre d’affaires a progressé car en 2005, on était à 490 millions de F CFA.

S. : Qu’est-ce que le CTML peut faire concrètement pour nos pays ?

M.O. : Nous nous rendons par moments, au Burkina Faso pour des formations en intrant pour le compte des opérateurs de téléphonie, les banques, la SOFITEX, etc. Nous sommes à l’heure actuelle dans la sous-région, la première société à faire de la vidéo surveillance sur réseau numérique. Nous avons installé le premier réseau de vidéo surveillance sur réseau numérique à la SONABHY.
Ce réseau a été mis en service en fin 2005. Actuellement, nous avons deux contrats pour l’installation du même type de réseau dans les dépôts de la SONABHY à Bingo et à Bobo-Dioulasso. Toujours au Burkina, nous avons été retenu suite à un appel d’offres, pour élaborer le réseau de toute l’administration. Nous sommes capables dans le domaine de la radiodiffusion, de remettre en état un émetteur en panne... Dans la sous-région, nous sommes les seuls à avoir les équipements qui nous permettent d’effectuer de tels travaux.

Le Bénin nous a amené sa station mobile (qui permet d’émettre en direct à partir du stade par exemple) qui était en panne. En 10 jours, nous avons retapé et testé tout le système. C’est nous qui avons remis leurs équipements en état pour la retransmission de la CAN des juniors en 2005.
Nous avons fait beaucoup de prestations au Bénin. Le président Yayi Boni a été tellement séduit par la qualité de nos prestations qu’il nous a reçus pour nous féliciter. Dans ce pays, il y avait des opérateurs pirates dans le réseau téléphonique. On nous a donc demandé un audit pour faire le point de la situation. En deux semaines, des experts burkinabè, maliens, togolais ont abattu un travail formidable sur la base duquel le gouvernement béninois est en train de mettre de l’ordre dans le secteur des télécommunications.

Sidwaya. : Un particulier peut-il bénéficier de vos formations ?

M.O : Etant donné que nous faisons des formations à la carte, nos prix sont un peu élevés. Nous allons de 450 mille à 750 mille F, la semaine de formation.
Pour la formation en ressources humaines, la semaine de formation coûte 500 mille F. Les demandeurs de formation nous envoient un cahier de charges en fonction duquel nous choisissons les experts appropriés.

S. : Le CTML intervient-il hors de l’espace CEDEAO ?

M.O : Les prestations du CTML sont au-delà des frontières de la CEDAO. Pour la formation, nous recevons des Congolais, des Burundais, etc. Nous couvrons l’Afrique centrale. Aussi, nous utilisons prioritairement des experts de la zone UEMOA pour nos prestations. A défaut, nous cherchons en Afrique du Nord dans les pays du Maghreb et en Occident.

S. : Quelles sont vos perspectives dans un court terme ?

M.O : Dans le domaine de la maintenance, nous avons développé avec un Africain, détenteur d’un brevet, un système de télécommunication qui permet de transmettre à la fois le son, l’image et les données. Nous sommes à l’heure actuelle en phase de mobilisation de financements pour développer et vulgariser ce système révolutionnaire. Si tous les Africains étaient prêts à nous soutenir dans cette voie, nous serions capable dans les deux années à venir d’avoir une certaine autonomie en termes de télécommunication et même de proposer quelque chose de notre création aux autres. Le premier prototype de ce système a été monté et testé avec succès au CTML.

J’ai présentement été tester le système avec succès à la BOAD où il a également fonctionné. Malheureusement, son développement requiert un minimum de 10 milliards de F CFA pour le lancement de la première phase. Et comme les Africains n’aiment pas sortir l’argent, nous attendons.
Notre perspective immédiate est de tendre vers l’industrialisation. Dans les deux années à venir, nous envisageons nous lancer dans la production des cartes électroniques. Si la carte de votre téléviseur ou votre ordinateur est endommagée, nous pourrions fabriquer une carte neuve du même type et le replacer dans votre appareil.
Etant compétent techniquement et proposant des coûts inférieurs à ceux de nos concurrents, nous sommes de plus en plus retenu dans les appels d’offres.

S. : Qu’est-ce qui justifie les prix trop élevés des appels téléphoniques en Afrique ?

M.O : La cherté du coût des appels téléphoniques est entretenue de façon volontaire par les différents opérateurs.
De nos jours, le coût de la communication a été doublé voire triplé par rapport à ce qu’il était il y a 20 ans de cela. Il y a 15 à 20 ans à Ouagadougou, un appel local même s’il durait toute la journée ne coûtait pas plus de 60 F. De nos jours, ce n’est plus le côté social qui est mis en avant dans les télécommunications. C’est devenu du business.
Les opérateurs sont animés par le souci du profit maximum. La tarification actuelle ne correspond pas au coût de l’investissement. Le téléphone fixe est en train de mourir parce que le profit à ce niveau est moindre par rapport au téléphone portable. Il suffit d’une volonté politique pour que le coût du téléphone baisse de façon considérable.

S. : Quels conseils avez-vous à l’endroit des jeunes qui aimeraient faire carrière comme vous ?

M.O : A nos jeunes frères, je dirais que pour aller loin dans un domaine quelconque de la vie, il faut avoir de l’amour pour ce que l’on fait. Quel que soit le domaine qu’on embrasse, il faut aimer ce qu’on fait, être informé des différentes évolutions ou changements dans le domaine, être informé et avoir le goût du risque. Depuis que j’étais à l’ONATEL, je me suis lancé très tôt dans la consultation indépendante. J’ai été par exemple le premier consultant de la BOAD en matière de télécommunications.
J’ai pris des risques qui se sont avérés payants. Les jeunes d’aujourd’hui ont des atouts et des aînés comme nous qui peuvent les accompagner, les éclairer. A notre temps, ce n’était pas évident. Le jeune qui le veut, réussit car il a toutes les facilités pour évoluer, apprendre davantage et mieux maîtriser son domaine.

Interview réalisée à Lomé par Rabankhi Abou-Bàkr ZIDA
Assétou BADOH

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique