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Femmes en Politique : Il est temps de légiférer

Publié le mercredi 18 juillet 2007 à 07h20min

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Mariam Sirima, coordonnatrice des OSC luttant pour une meilleure implication politique des femmes

La question de la représentativité et de la participation des femmes en politique, dans les fonctions électives et les postes de décision reste toujours une préoccupation dans tous les pays du monde.

Il n’y a pas qu’au Burkina Faso que la question se pose avec acuité, car la problématique, avant d’être politique, est d’abord un état d’esprit, des comportements qui entravent une participation significative des femmes en Politique.

Le résultat de la représentativité des femmes après les dernières consultations électorales (municipales et législatives) pose un véritable problème aussi bien politique que social. Le Burkina Faso peut-il continuer de clamer son attachement à la justice, à l’équité, aux droits fondamentaux, à la démocratie et rester indifférent à cette injustice faite à l’autre moitié du ciel ? Pendant combien de temps encore les hommes qui pilotent le système vont-ils continuer cette politique de l’autruche ? En Choisissant de revenir sur le sujet l’Opinion choisit d’engager encore le débat pour que des textes de lois puissent être votés dans ce sens.

Il était illusoire de penser que le regain d’intérêt que les partis politiques avaient à l’endroit des femmes avant les consultations électorales visait à leur accorder plus de chances pour accéder aux postes électifs. A la lumière des résultats au sortir des scrutins, l’on se rend compte qu’elles ont encore été utilisées. C’est vrai, des efforts sont consentis pour mettre en œuvre le principe selon lequel « les femmes participent dans les conditions d’égalité avec les hommes à la vie politique et publique du pays, elles ont droit au vote, d’être éligibles, de prendre part à l’élaboration de la politique de l’État, d’occuper des emplois publics à tous les échelons du Gouvernement. »

Mais encore faut-il que les hommes daignent céder, et ce ne sont pas les chiffres qui nous dirons le contraire. Un rétrospectif historique de la représentation politique au Burkina Faso de 1946 à 2005 montre que sur un total de plus de 838 élus, seules 36 seulement sont des femmes.

C’est dire donc que les inégalités ne datent pas d’aujourd’hui. Pire la persistance de ces inégalités entre hommes et femmes dans le domaine politique constitue l’une des tares du système de gouvernance dans notre pays. Cette faible participation des femmes, il faut le dire influence la nature et la portée de notre démocratie car, à la vérité, il ne peut y avoir de vraie démocratie au Burkina sans la participation éclairée des femmes qui représentent 52% de la population.

La problématique de la représentation et de la participation des femmes aux sphères de décision renvoie à la notion de justice sociale qui doit sous tendre le développement de toute société humaine.
Le Burkina n’est pas en phase aujourd’hui, avec les instruments juridiques nationaux et internationaux auxquels il a librement souscrit.

Ces instruments se heurtent malheureusement à des mentalités qui ralentissent indéniablement le progrès du pays. Parmi les instruments que l’on peut citer, il y a la Constitution dont l’article premier stipule que : « Tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits. Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garantis par la Constitution. Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la région, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la caste, les opinions politiques, la fortune, et la naissance sont prohibées ».

Pourquoi alors les droits des femmes en politique se heurtent-ils ou continuent-ils de se heurter aux considérations socioculturelles 16 ans après l’adoption de la Constitution ? « C’est dans les valeurs culturelles de base qu’il faut rechercher les causes profondes des obstacles à la promotion des droits de la femme en politique... », a soutenu Mme Jocelyne VOKOUMA, Secrétaire Générale du ministère de la Promotion de la Femme.
Il y a les textes et il y a des pratiques.

Le fossé qui existe entre ce que préconise la loi et ce qui se vit dans la réalité est énorme. Et pour cause, malgré la foi en l’Etat de droit, aux valeurs républicaines, et l’intérêt social manifeste à œuvrer à la promotion d’un processus participatif, les femmes demeurent largement sous représentées et les chiffres de 2005 l’indiquent éloquemment : 7,01% de maires ; 12,61% de députés ; 21,61% de conseillères municipales. Quant aux postes nominatifs, c’est encore plus grave. Comme ministres dans le gouvernement nous avons 5 sur 34 ; une sur 7 au niveau des chefs d’institutions ; 5 ambassadeurs sur 22, 3 gouverneurs sur 13 ; 3 haut commissaires sur 45 ; 1directeur de cabinet sur 6 ; 1 secrétaire générale d’institution sur 8 ; 3 secrétaires générales de ministères sur 32 ; une secrétaire générale de gouvernorat sur 13 ; quatre secrétaires générales de province sur 45. « Les jeunes et les femmes qui forment la majorité de la population burkinabè, occuperont une place de choix dans mon programme car ils constituent le socle du développement durable ». In le Progrès continu pour une société d’espérance.

Si tel est la volonté du chef de l’Etat Blaise COMPAORE, il n’y a pas de raison que le parlement ne donne pas à la femme toute la place qui lui revient dans la participation du développement social et économique du Burkina. Cela passe par sa pleine participation dans les sphères de décisions et au niveau des postes électifs.

Par Frédéric ILBOUDO


Les partis politiques en faux

Il va de soi que les partis politiques constituent le principal cadre pour la promotion de la participation politique des femmes. Si au Burkina Faso, les conditions d’adhésion ne tiennent pas compte du sexe, il reste que dans nombre des partis politiques, il n’existe aucune mesure favorisant un meilleur dosage du genre ni dans leurs instances de décision ni à l’occasion des élections. Ce n’est donc pas demain la veille pour vaincre le signe indien.

Il est évident que les partis politiques ont un rôle majeur à jouer dans la promotion politique de femmes. Mais le paradoxe qui se dessine, c’est que les femmes ne semblent être utiles que pour l’implantation des partis ou pour les élections compte tenu de leur grande capacité de mobilisation. Parler donc de femme et politique dans ce cas de figure, laisse apparaître un certain égoïsme des hommes. Bien plus que pourtant une légitimité, les femmes malgré leur grand militantisme ne sont généralement pas récompensées à la hauteur de leur combat. Sur le front de la mobilisation, surtout en période électorale, elles deviennent des menus fretins quand vient le moment des dividendes.

Ainsi donc, la problématique pour une meilleure implication des femmes dans la vie politique devient hypothétique en ce sens qu’elles sont beaucoup plus des pis-aller politiques que des actrices de par le "dicktat" des hommes. Presqu’absentes dans les instances dirigeantes des partis politiques, généralement positionnées en aides-candidats lors des élections, et totalement ignorées pendant la répartition des postes, les femmes ont tout le mal à trouver leur compte dans le militantisme politique.

CDP, c’est bon mais c’est pas arrivé

Il faut dire que là où le bât blesse le plus, c’est la place des femmes dans les instances dirigeantes des partis politiques. C’est le nœud de leur faible participation politique. En effet, c’est à ce niveau qu’on peut jauger de l’importance que chaque parti politique accorde à ses militantes. D’ailleurs, plus les femmes sont représentatives dans les instances dirigeantes des partis politiques, plus elles ont la chance d’être bien positionnées lors des scrutins et davantage elles peuvent accéder aux postes de nominations.

Mais par rapport aux responsabilités confiées aux femmes, dans les instances, chaque parti politique semble avoir sa propre stratégie. Tout compte fait, aucun n’a encore atteint la barre de 15% de quota aux femmes depuis ces cinq dernières années.
Pour le moment, le CDP est le seul parti qui a pris une initiative favorisant une plus grande implication des femmes dans nos instances.

Il s’agit de sa directive instituant un quota de 25% de femmes dans les instances dirigeantes. Même si cette directive n’est pas respectée à la lettre, elle a le mérite d’être initiée. En tout cas, les femmes de ce parti ont à leur corps défendant cette directive pour revendiquer leur place. Bien entendu cela ne saurait se faire sans la volonté affichée de tous les acteurs. Il faut que chacun accepte de jouer le jeu. C’est même un impératif pour le CDP d’arriver à respecter ce quota de 25% pour non seulement donner le bon exemple aux autres mais aussi et surtout pour ne pas se mettre en déphasage avec le discours du président du Faso qui ne cesse de revendiquer la place de la femme dans le leadership national et international.

A son actif, le tableau du CDP n’est pas encore très reluisant quant à la place des femmes dans les instance dirigeantes. A son dernier congrès tenu en novembre 2006, sur les 30 membres du Bureau exécutif national, l’instance suprême du parti, seules quatre femmes ont été reçues. Pour les législatives du 6 mai dernier, le CDP est le parti qui a fait le plus la part belle à l’autre moitié du ciel en alignant 20 candidates sur ses listes. Son poursuivant immédiat était l’UNIR/MS avec 14 candidates ensuite le RDEB avec 12. Au décompte final, sur 17 femmes élues si on doit tenir compte de l’arrivée d’une suppléante, le CDP obtient 14, l’UNIR/MS 1, l’ADF/RDA 1 et le RDB 1.

L’ADF/RDA et les autres

Comme on peut le constater, l’ADF/RDA deuxième force politique après le CDP avec 14 élus ne fait pas bonne figure au niveau du genre. D’ailleurs, le parti de l’éléphant était l’un des partis qui ont présenté moins de femmes à ces législatives. Seulement 7 femmes avaient été retenues sur ses listes. D’une manière générale tout semble indiquer que rares sont les partis politiques qui depuis leur création développent une réelle politique de promotion de femmes en leur sein.

On ne fait que les confiner généralement dans des tâches électoralistes. Une étude du Centre de gouvernement démocratique (CGD) relève que : "L’attribution des rôles dans les partis s’effectue selon des logiques qui reflètent assez bien la traditionnelle division sexuelle des tâches. Les femmes restent plutôt minoritaires dans les sphères décisionnelles centrales, là où se concentre la réalité du pouvoir".

Y croire

Il y a aussi la responsabilité des femmes qui souvent n’ont pas la confiance en soi. Alors qu’elles ont démontré à plusieurs niveaux d’activités qu’elles sont autant, voire plus compétentes que les hommes. De nos jours, les femmes ont plus que jamais leur place sur le terrain politique. Elles ont autant d’atouts que les hommes pour décider et diriger en plus du fait qu’elles ont une plus grande capacité de mobilisation.

Aux législatives passées, certaines candidates comme Fatou DIENDERE du CDP, Makoura HEMA du RDB, pour ne prendre que ces deux exemples, ont prouvé qu’elles maîtrisent le jeu politique autant bien que les hommes en se faisant élire avec la manière. Mais comme l’a si bien dit un expert du CGD : "Il faut que les femmes elles-mêmes prennent conscience d’une chose : entrer en politique pour une femme ne signifie pas cesser d’être une femme. C’est précisément parce qu’elle est une femme qu’elle possède un esprit créatif différent et un autre potentiel intellectuel. Aussi, les femmes croient en général qu’une fonction politique implique de sacrifier sa vie privée au profit de sa vie publique. Ce qui semble inexact. Les femmes devraient penser au contraire que la seconde est une continuité de la première".

Drissa TRAORE


Femmes au Parlement : 17 pour un défi immense

Sur les 111 députés de la quatrième législature, elles sont 17. A 17, il leur appartient de travailler à relever le défi de la représentativité de la femme dans les sphères de décision dans notre pays. Le défi qui les attend est à la foi noble et exaltant et nul doute que les femmes députées sont à même de le relever si bien sûr elles travaillent main dans la main. Ne dit on pas que ce que femme veut Dieu aussi le veut ?

La société civile n’a pas été écoutée. L’engagement du chef de l’État de faire de la femme le moteur du développement de notre pays non plus. Les partis politiques, toutes tendances confondues n’ont pas pu ou n’ont pas voulu se détacher de leurs habitudes rétrogrades lors des élections législatives. Résultat, sur les 111élus, seules 17 sont des femmes.

Pourtant, la directive à laquelle il fallait satisfaire n’était pas irréalisable. Donner un bon positionnement sur les listes aux femmes, et surtout augmenter le quota à au moins 25%.Au sortir du scrutin on enregistre 14 femmes sur les 73 députés élus du CDP parti au pouvoir, une femme sur les 14 députés élus de l’ADF/RDA, une femme élue sur la liste RDB, et une femme élue sur les 4 députés de l’UNIR/MS. Des 17 femmes qui sont au parlement, trois sont membres du bureau du parlement. Il s’agit de Mme DICKO/AGALEOUE Maria Goretti qui occupe le poste de 2ème vice présidente.

A ce qu’on dit c’est une dame pétrie d’expériences. Elle a travaillé longtemps dans le Parlement si bien qu’elle en maîtrise les rouages. Il faut le reconnaître dame Maria Gorétti mérite bien son poste car elle a été conseillère du président Mélégué TRAORE à la deuxième législature, poste qu’elle a gardé jusqu’à la troisième législature. C’est dire donc qu’elle incarne le flambeau du combat qui les attend dans l’hémicycle. Il revient à elle de booster la lutte de par la fonction et le poste qu’elle occupe, avec bien le soutien des 16 autres.

Maria Gorétti pourra compter aussi sur Mme KOTE ABOU Korotimi et Mme GUIGMA /DIASSO Mariam Gisèle qui occupent respectivement les postes de 2ème et 4ème secrétaire parlementaire ; de même que sur Mme KORSAGA Kadiatou qui occupe, elle, le poste de président de la Commission des Affaires Étrangères et de la Défense (CAED).

Les autres députées, elles, se retrouvent dans les cinq commissions générales parlementaires où elles apporteront leur savoir faire. Ce n’est pas les compétences qui leur manquent élues pour mener à bien le combat qui est d’abord le leur (puisqu’elles sont élues) mais mieux encore celles de toutes les femmes qui constituent pour les partis politiques une manne électorale. C’est vrai, d’aucuns diront qu’elles sont peu nombreuses.

Certes, mais ce n’est pas souvent la quantité qui compte, mais la qualité. Et ça les 17 femmes au parlement en regorgent. Elles ont de la ressource pour faire avancer le projet de loi en faveur de l’égalité des sexes dans les sphères de décisions, dans notre pays. C’est dire donc que leurs consoeurs attendent beaucoup d’elles et nul doute qu’elles seront jugées aux résultats au soir de leur mandat en 2012. Maria Gorétti et ses sœurs députées sont suivies de très près. Mais dans ce combat, elles ne seront pas seules, car la société civile est là pour les soutenir.
Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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