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Communication politique et culture démocratique au Burkina : Pour ne pas conclure le débat

Publié le mercredi 18 juillet 2007 à 07h11min

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Quel type de communication politique faut-il concevoir, élaborer et promouvoir en vue de la mise en orbite effective d’une culture démocratique dans un contexte de transition culturelle au Burkina ?

Telle était la question directrice à laquelle nous avons essayé de répondre au cours du débat que nous avons animé sur la communication politique, en relation avec la culture démocratique, dans les derniers numéros de Sidwaya. Pour ne pas clore ce débat, voici les points autour desquels il pourrait évoluer.

Il est ressorti de façon évidente que la transformation des modes de communication des hommes politiques burkinabè est en train de se faire, malgré les lenteurs qui la caractérisent, la frappent. « La communication politique, au gré de Pierre Bourdieu dans son livre La noblesse d’Etat, peut être comprise comme l’espace public où s’exercent des dynamiques de pouvoirs sous toutes ses formes ». Dans ce cas, on comprend qu’elle soit inéluctable. Au Burkina Faso, le législateur en a pris acte. C’est pourquoi au même titre que le financement des partis politiques, une subvention est accordée à la presse privée.

Notre souhait et celui de M.Sango Abdoul Karim, juriste, doctorant et enseignant à l’Ecole nationale d’administration du Burkina (ENAM), sont les mêmes. « Chaque année, écrit M. Sango dans ses Réflexions sur la liberté de la presse et des médias en Afrique..., le ministre de l’Information prend un arrêté dans lequel il fixe les critères d’éligibilité à cette subvention. Or, comme le financement des partis politiques qui est prévu à l’article 10 de la loi n° 12-2000, (...) il aurait été nécessaire de prévoir la subvention à la presse dans une loi ».

Or, remarque non moins importante, l’espace public burkinabè est seulement en train de se faire au prix de mille incertitudes. Cet espace incertain enveloppe, en le dénaturant parfois, le débat politique et l’émergence d’une démocratie de masse au Burkina Faso. Ce heurt ou ce dysfonctionnement cultures mondiales/cultures nationales, espace public/débat politique, communication politique/ culture démocratique, constitue aujourd’hui le véritable paradigme en communication, et il a des risques et des chances à la fois de le rester pendant encore plusieurs générations.

Ce paradigme doit être élucidé car, comme le pense Philippe J. Maarek, « le recours de plus en plus important à la communication politique n’est pas uniquement un phénomène de mode, un simple gadget destiné à permettre de vendre les candidats aussi facilement que des savonnettes, comme on le susurrait, avec ironie, il y a quelques années. Il n’est qu’un des éléments de l’évolution inéluctable de notre société, du fait, notamment de sa médiatisation ».

L’espace public burkinabè confirme ce point de vue quand on constate simplement que ce sont les veilleurs de nuit qui, le poste de radio collé à l’oreille, sont souvent les premiers porteurs de la nouvelle du jour. Mais la question capitale qui se pose est la suivante : quel traitement de nature rigoureusement scientifique devons-nous donner à ce paradigme ? Il nous semble bien qu’une bonne communication, au Burkina, devrait avoir pour piliers, les fondements historiques, sociologiques et anthropologiques des sociétés burkinabè : celles des campagnes, mais aussi celles des villes dans leurs situations et perspectives propres.

Il semble également qu’il y a bien une porte d’entrée spécifiquement communicationnelle dans la dimension culturelle de l’espace public burkinabè ; d’autre part, qu’il est de souveraine importance de pouvoir faire de la communication politique au Burkina, autre chose qu’une adaptation anodine de celle qui est omniprésente au-dessus de nous, dans le village planétaire, et à côté de nous, dans les villages provinciaux.

La voie de l’élucidation vraiment scientifique passe donc par cette voie étroite qu’il faut créer en la distinguant du nostalgique retour aux sources et du mimétisme de la mode pour la mode. Car, la communication politique, à Ouagadougou comme à Paris, ... est une excommunication si elle n’est pas la mise en tension du général et du particulier dans un espace que tente, peut-être en vain, de viabiliser la politique.

L’élucidation de ce paradigme marquerait la naissance de la communication politique moderne burkinabè : comme il existe aujourd’hui, de façon incontestable, une architecture burkinabè, une cinématographie burkinabè, une presse ou un théâtre burkinabè. Ci-dessus, il a été montré que cette communication politique doit créer ses objets à partir de ceux de la communication traditionnelle, tout en évitant les risques d’aliénation par rapport aux modes de pensée et d’être de la tradition. Il est impératif de ne jamais oublier que nous sommes dans une culture transitive.

Une telle communication ferait bénéficier à la culture démocratique les immenses progrès techniques et psychologiques qu’elle représente. Elle permettrait, par la transparence et le dialogue qu’elle suppose, d’accéder à une démocratie vivante qui remplacerait la démocratie d’un passé évoqué en négatif. Elle rendrait plus fiables, les institutions démocratiques et transformerait la démocratie représentative en démocratie de masse participative, améliorant les procédures de recrutement du personnel politique et de contrôle des actes du pouvoir.

Si la souveraineté de l’opinion et la nécessaire dépendance des élus à l’égard de ceux qu’ils représentent ont pu, hier, être passablement malmenées par leurs traductions juridiques - au point que marxistes et maurassiens par exemple, aient pu la considérer comme une fiction - désormais, les sondages et autres cotes de popularité, multipliant quotidiennement les mini référendums permanents sur toutes les questions, permettraient l’avènement d’un pouvoir qui ne reposerait plus, in fine, sur la force, mais sur l’accord des citoyens. Les discours et les décisions des hommes politiques devraient désormais se soumettre aux désirs exprimés par l’opinion.

On assisterait au déclin du monopole de la parole d’autorité, à l’inutilité de l’usage de la coercition de la part des gouvernants, le rapport de « domination » étant lui-même profondément transformé. Ainsi, les normes parfois implicites que la communication politique diffuse dans la population constituent une version simplifiée et modernisée des principes démocratiques officiels.

Cette communication de type nouveau ne sera pas qu’une entreprise d’embellissement de la politique parce qu’elle n’est pas qu’idéologique. Ni un beau jeu conçu pour la jouissance de l’esprit, car elle n’est pas que pure science. Ne serait-ce pas, en ces termes, une véritable communication pour la démocratie, avec cette précaution, toutefois, que le rapport indiqué par la préposition pour n’induise ni domination ni sujétion ? « C’est la démocratie, dit Jean-François Revel, qui permet à l’homme libre de naître, mais c’est l’homme libre qui permet à la démocratie de durer ».

Le communicateur politique qui n’aspirerait pas à être cet homme libre peut bien s’attendre à mettre au monde des avortons démocratiques.
Les trois mesures d’accompagnement que voici et qui devraient soutenir l’éclosion de cette haute communication au quotidien, sont-elles de trop ?

Premièrement (...), Elever le niveau de la compétence des acteurs de la communication politique avec un souci de plus en plus prononcé pour la valorisation des langues nationales. La communication dont les plus puissants de ce monde se servent pour ou contre nous est une science. A notre sens, aujourd’hui, un ambassadeur, un directeur de campagne, un « journaliste » communicateur politique ou institutionnel,... pour ne citer que ceux-là, doivent avoir reçu une formation en communication politique de leur choix en y intégrant l’apprentissage (écrit et oral) d’au moins une langue nationale.

Deuxièmement (...), Renforcer les bases et les principes de notre diplomatie dans le sens d’une plus grande ouverture à la « société officielle » mondiale de communication. Ce serait, pensons-nous, la meilleure manière de dédramatiser les conséquences des clivages idéologiques existants. Les idéologies des grandes puissances ressemblent à la nature vue par Bacon : « On ne les domine qu’en leur obéissant », ce qui signifie qu’on ne leur obéit, bien entendu, que pour les dominer. Une telle diplomatie accélérera certainement l’émergence d’une culture démocratique au Burkina.

Et troisièmement (...), Il reste le grand rêve : que le Burkina puisse un jour se suffire en matière d’industrie de communication. Cette idée nous est venue, il y a quelques années, le jour où nous avons vu qu’à l’aéroport de Paris, les Français utilisent maintenant des ordinateurs de marques coréennes. Un jour, le premier ordinateur est arrivé en Corée venant d’un pays industrialisé. Quelques années seulement après, des millions en ressortent pour conquérir leurs inventeurs. Le Burkina peut en faire autant. C’est « sûr » et « certain ».

Il est possible qu’à partir de ces ouvertures, « Disons-le » se donne un autre thème à la place de celui de la communication politique. Ce n’était qu’un débat. « La parole », dit le sage, « est comme un plat de bouillie posé au milieu de convives : chacun y va de sa louche ». Comme quoi les oiseaux rares qui savent tout ou qui pensent tout savoir, n’existent plus. Exceptés ceux qui s’encagoulent pour chanter. Et pourtant ! Avancer masquer ne nous permettra pas de voir de si tôt, « le bout du tunnel ».

Ibrahiman Sakandé

Sidwaya

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