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Conjoncture nationale : La République dans une zone de turbulences ?

Publié le mercredi 18 juillet 2007 à 07h38min

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Les syndicats, pour qui "une grève ne s’achète pas à 50 F" (Le Pays n°3913 du 17/07/07), maintiennent leur grève prévue pour le 18 juillet 2007, malgré la baisse de 50 F du prix du super consentie par le gouvernement. Cela, c’est connu. Le malaise au sein d’une certaine catégorie de militaires, c’est également connu. Les difficultés quotidiennes de l’Etat en matière de mobilisation des ressources, c’est aussi connu.

Toutefois, tout cela n’ébranle pas outre mesure les fondements de la République, car dire qu’une société fonctionne ne signifie pas que tout y fonctionne et bien. C’est seulement la tendance générale que l’on exprime. Pour nous donc, le Burkina fonctionne.

Ce point de vue est cependant en contradiction avec ce qui se dit dans les gargotes et avec ce que l’on peut lire dans nombre de journaux. Ainsi, au sommet de l’Etat, des clans se livrent des guerres sans merci pour contrôler l’appareil et s’assurer une place de choix en cas de départ de Blaise Compaoré de la présidence du Faso.

Certes, cela est un phénomène normal, car quel que soit le milieu social dans lequel nous nous trouvons, il y a toujours une lutte de leadership latente ou apparente, déclarée ou discrète. La compétition est toujours inscrite dans la dynamique interactionnelle des personnalités des individus.

Qu’x veuille succéder à y est chose normale ; qu’y veuille être meilleur que z est également chose normale. Ce qui diffère et peut susciter des vagues, c’est les conditions et la manière dans lesquelles ces velléités s’expriment.

Si l’Etat de droit libéral et démocratique a jugé nécessaires l’écriture puis l’adoption d’une constitution conforme à ses idéaux de liberté et de démocratie ainsi que l’élaboration de lois pour encadrer l’exercice de notre liberté, c’est bien parce que les tentations existent en chacun de nous de faire ce qui lui plaît sans tenir compte des droits d’autrui. Aux limites de nos droits commencent donc ceux de l’autre, et à la lisière de nos devoirs débutent ceux de notre prochain.

Une atmosphère qui rappelle les heures sombres de l’Etat d’exception

A lire et à écouter les discours, on se croirait aux heures sombres de l’Etat d’exception révolutionnaire. Ce type de gouvernance n’avait pas que des aspects négatifs, fort heureusement : l’idéal de justice et d’égalité était omniprésent ; le développement du pays, dont les populations devaient être la locomotive, était un fait fort apprécié.

Cependant, sur le terrain des droits élémentaires de la personne humaine, c’était loin d’être une référence. Il fallait qu’à un moment ou à un autre l’on fût du côté de ceux qu’on taxait de réactionnaires, d’opportunistes de gauche (ou d’anarcho-syndicalistes) et de féodaux pour comprendre.

Aujourd’hui, au regard de nombre de propos, d’expressions et de caractérisations utilisés par certains acteurs de la République contre d’autres acteurs de la même République, l’impression qui se dégage, c’est que les contradictions internes au régime sont en train de prendre le pas sur celles qui peuvent opposer certains de ses membres à l’opposition.

Certes, l’on ne peut pas dire que ceux qui sont dans la ligne de mire aient fait grand-chose pour ne pas mériter la façon dont ils sont traités. En effet, on en connaît qui ont fait l’objet d’arbitraire stalinien à cause d’eux à la fin des années 80 et au début des années 90. Qu’ils soient traités de la sorte ne manquera pas de plaire à leurs victimes.

Malheureusement, cela n’est pas la solution, car la vengeance appelle, tôt ou tard, la vengeance, et les victimes d’hier étant les bourreaux d’aujourd’hui, les victimes d’aujourd’hui seront les bourreaux de demain. Telle une malédiction, ce serpent qui se mord la queue devient, à terme, son propre meurtrier. Autrement dit, le régime de Blaise Compaoré risque d’être la cause de sa propre perte du fait de ces querelles byzantines avec ce que cela comporte comme chaos potentiel pour le pays.

Ne nous reconnaissant dans aucun de ces clans, nous pourrons cependant en être parmi les victimes collatérales. C’est pourquoi personne n’a intérêt, en réalité, à ce que les méthodes dignes de l’apocalypse supplantent l’accès au pouvoir par les urnes. Malgré les intérêts politiques et/ou matériels qui sous-tendent ce combat de gladiateurs, la paix des braves est toujours possible, car ce qui lie ces clans est apparemment plus important que ce qui les divise.

L’Etat d’exception est-il vraiment derrière nous ?

D’un point de vue textuel, c’est oui ; du point de vue du paysage institutionnel, c’est aussi oui. Mais hélas ! dans l’inconscient de nombre de citoyens, c’est non ! Qu’ils soient des modérés du régime en place (n’en parlons pas des faucons), qu’ils se réclament de la "vraie" opposition toute vertueuse ou qu’ils soient des activistes chevronnés des droits humains, il y a des constantes qui ne trompent pas : leurs manières de s’exprimer, leurs fréquentations, leurs méthodes, etc., sont, pour l’essentiel, des phénomènes hérités du mouvement étudiant et/ou des groupuscules communistes dont le pays a grouillé depuis les années 70 jusqu’au début des années 90. Ce sont les héritiers de ces groupuscules qui se retrouvent à la tête de l’Etat, dans l’opposition et à l’avant-garde de la société civile.

Faut-il donc s’étonner de ce qu’à défaut de croiser le fer avec les opposants et assimilés, des fractions du régime se retournent contre d’autres fractions du même régime ? Bien sûr que non, mais il faut relever que c’est tout de même regrettable, car le modèle politique dans lequel nous vivons est venu pour civiliser les mœurs politiques. Sinon, la barque de la IVe République, dans laquelle nous avons tous pris place, pourrait se retrouver dans une zone de hautes turbulences aux conséquences plus qu’incertaines.

Z.K.

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 18 juillet 2007 à 11:04, par Zaki En réponse à : > Conjoncture nationale : La République dans une zone de turbulences ?

    Pourquoi on si bête au Burkina ? Ma réaction ne concerna pas cet article, mais un fait généralisé dans notre pays : la magouille, le favoritisme. Chacun, là où il est agit uniquement pour ses parents, les place à des postes. Et les autres qui n’ont pas de parents bien placés, que vont-ils faire ? Regardez dans les ministères, et en particulier dans ceux dit grands ministères. Il y en a un dont tous les postes importants sont occupés par les parents ou les ressosrtissants de la même zone que ledit ministre. Et tout le temps, ils sont ensemble en mission à l’extérieur et rien ne bouge en plus pendant leur absence parce qu’ils ont tout monopolisé entre famille, entre parents. Il faut qu’on soit un peu plus sérieux dans ce pays. Le président laisse trop faire croyant que c’est à cause de celà que le peuple va l’aimer, mais justement à cause de celà, le peuple est entrain de le hair petit à petit, si ce n’est déjà fait. Et s’il ne fait pas attention, c’est ce genre de chose qui appelle le soulèvement et les pillages. Les syndicats sont entrain de donner le ton. Le président croit que les ministres qu’il nomme font bien le travail, ils travaillent pour être côtés auprès de lui, et pour celà, même s’il faut qu’ils prennent des décisions impopulaires. Plusieurs ministres sont des opportunistes, des arrivistes. Il est temps que notre président voit la réalité, que ses informateurs, s’ils ne sont pas malhonnêtes, lui donnent la vrai information : le peuple souffre des augmentations des prix à tout vent, les fonctionnaires sont entrain de se clochardiser, il n’y a plus à manger dans beaucoup de familles, les détournements sont excessifs, les fraudes sont monnaie courante, plusieurs ministres ont des entreprises personnelles avec des prêtes-noms et ils prennent les marchés qu’eux-mêmes lancent, il y a trop de népotismes, trop de favoritisme, les ethnies qui composent ce pays commencent à ne pas se tolérer mutuellement. N’importe quel petit tablier de rue se lève un jour et décrète unilatéralement qu’il augmente ses prix. La pagaille, l’impolitesse et la dépravation des moeurs se sont installés dans le pays. Mr le Président, notre pays est devenu une jungle. L’intolérance est la règle de tous maintenant dans le Faso avec comme conséquences les assassinats, les bagarres entre civils et militaires, les bagarres entre militaires et policiers, les incendis volontaires, etc. La justice a foutu le camp et c’est l’injustice qui reigne désormais en maîtresse absolue. Mr le Président, la situation est devenue plus que pire, pire qu’au temps de Lamizana ou Saye zerbo. Mr le président, prenez vos responsabilités, vos informateurs et vos conseillers ne vous disent pas la vérité, ils vous trompent, ou alors c’est vous qui n’aimez pas qu’on vous dise la vérité et dans ce cas, faites un effort pour changer d’attitude. Et je vous le dit, au Faso d’aujourd’hui, les gens ont de moins en moins peur de la mort, et de donner la mort à autrui. Toutes ces choses nouvelles ont apparu seulement ces dernières années. Il est temps qu’on fasse attention.

    • Le 18 juillet 2007 à 11:59, par El Phenomeno En réponse à : > Conjoncture nationale : La République dans une zone de turbulences ?

      Tout à fait d’accord avec Zaki ! Le népotisme, le favoritisme, la dépration des moeurs ! C’est triste et il est grand temps que le Grand Boss se reveille !

      • Le 18 juillet 2007 à 14:07 En réponse à : > Conjoncture nationale : La République dans une zone de turbulences ?

        Quand je vous lie Monsieur Zaki, j’ai les larmes aux yeux. Tout ce que vous dites est vrai. C’est la situation reelle de la majorite des burkinabe. Dans les villages c’est encore pire. Comme vous je me demande si les conseillers du president Compaore lui disent la verite ? Ou c’est le president qui refuse de voir la realite en face et de sauver son peuple de la misere crasse dans laquelle il est. La vraie pauvrete du Burkina, la vraie secheresse du Burkina c’est la MAL GOUVERNANCE. Cette mal gouvernance va nous detruire tous. Les dirigeants et tous ceux qui se sont enrichies illicitement au detriment de la majorite vont tous payer.

        • Le 18 juillet 2007 à 14:40, par KgB En réponse à : > Conjoncture nationale : La République dans une zone de turbulences ?

          Ce n’est pas ce tableau noir qui me preoccupe, c’est notre reaction face a ce tableau noir qui est inquietante. Meme certains qui se disent intellectuels refusent qu’on evoque une seule seconde ce tableau noir, lui deniant toute realite, toute existence. C’est dommage qu’on soit enclins a ne parler que de ce qui flatte alors que tout indique qu’il ya beaucoup a faire. Rien ne peut expliquer qu’un Burkinabe soit "subjugue" par cette situation. Quelqu’un a dit qu’on etait un "peuple de Yel caille"...

  • Le 18 juillet 2007 à 17:07, par YUK En réponse à : > Conjoncture nationale : La République dans une zone de turbulences ?

    Voici ce qu’on appelle du journalisme ! Vous faites preuve d’une rigueur d’analyse et d’une impartialité qui forcent le respect. Si seulement toute la presse burkinabè pouvait être de votre poigne, cela éviterait certainement beaucoup de choses. Dénoncer sans prendre partie, amener les uns et les autres à réfléchir sur leur propre responsabilité (droits et devoirs) vis-à-vis de la République, de ce qu’on vit, de ce qui se fait et de ce qui nous attend, c’est à ça que la presse doit servir, et je ne peux que m’incliner en signe de respect. Courage !

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