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Côte d’Ivoire : Donner une chance à la paix

Publié le mercredi 18 juillet 2007 à 06h56min

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L’auteur de l’article ci-dessous, président du Conseil permanent de citoyens du monde (CIVIPAX), organisation qui contribue à l’instauration et au renforcement de la paix et de la stabilité au Burkina Faso et en Afrique, en déplorant la situation que vit aujourd’hui la Côte d’Ivoire, invite les différentes parties prenantes à œuvrer pour la paix.

Pour lui, les accords de Ouagadougou sont une chance pour les Ivoiriens et aussi pour leurs voisins de la sous-région.

19 septembre 2002. Un coup d’Etat manqué contre le régime de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire se transforme quelques jours plus tard en une rébellion armée qui entraîne la partition de fait du pays : d’un côté les rebelles basés à Bouaké avec en tête un jeune d’une trentaine d’années Guillaume Soro, Secrétaire général des Forces nouvelles et de l’autre, les loyalistes qui contrôlent la partie sud du pays.

Qui l’eut cru quand bien même les prémisses d’une crise étaient perceptibles. La Côte d’Ivoire est devenue en l’espace de quelques jours, un champ de bataille entre frères. Les condamnations et les appels au cessez-le-feu sont restés vains. Les deux parties sont décidées à en découdre jusqu’au bout sans songer aux conséquences dramatiques que cette situation engendre.

En janvier 2003, la France convoque les protagonistes du conflit ivoirien à Marcoussis pour échanger sur les solutions de cessation des hostilités. Ce conclave a abouti aux accords dits de Linas Marcoussis qui ont consacré, entre autres, la nomination d’un Premier ministre de consensus en la personne de monsieur Seydou Elimane Diarra.

Ce Jour-là, dans la salle de conférence de cette banlieue parisienne, le monde entier a été témoin des images fortes pleines d’émotions que les frères ivoiriens ont donné à voir :

main dons la main, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié pour ne citer que ces leaders de premier ordre, ont ensemble, chanté l’Abidjanaise, l’hymne national de leur patrie. A peine a-t-on commencé à appliquer ces accords qu’ils sont remis en cause par le parti au pouvoir.

Le Premier Ministre Seydou Elimane Diarra n’a pas les coudées franches pour exécuter sa mission. En fin de compte, le dossier ivoirien tombe sur la table de la CEDEAO. Mais les différents accords Accra I, II et III ne donneront pas grand-chose non plus.

Un climat de suspicions et de méfiance

En sus des multiples rounds de négociation a Accra, on s’est réuni plusieurs fois aussi à Abuja, à Johannesburg, toujours à la recherche de la paix en Côte d’Ivoire. Les années passent, la crise perdure et la Côte d’Ivoire se meurt. Pour mettre tin à cette agonie, les deux parties décident finalement d’un dialogue direct sous les auspices du Président du Faso, Blaise Compaoré. Ouagadougou a été un succès et les accords signés le 4 mars 2007 par les protagonistes font le consensus.

Les jeunes patriotes de Charles Blé Coudé qui ont l’habitude de la contestation ont aussi donné quitus au pouvoir ivoirien. En lieu et place des manifestations violentes comme celles consécutives aux accords de Marcoussis, ce sont des liesses populaires qui accueillent ceux de Ouagadougou.

La première Dame ivoirienne Simone Gbagbo et Sidiki Konaté porte-parole des Forces nouvelles et les patriotes font publiquement la paix au stade d’Abidjan. L’image est forte. L’on peut respirer et rêver d’une Côte d’Ivoire d’antan. Mais hélas !

Le chemin de la paix comme celui de la vie est parsemé d’embûches ; Le 29 juin 2007, le Premier ministre Guillaume Soro est victime d’un attentat qui a fait quatre morts, de nombreux blessés et d’importants dégâts. Si cet acte ne remet pas en cause les accords de Ouagadougou et le processus auxquels ils ont donnés naissance, il porte un grave coup au processus de paix en ce sens qu’if crée un climat de suspicions et de méfiance.

Citoyens du monde /CIVIPAX, organisation non gouvernementale ayant pour mandat la contribution à la création et au renforcement d’un environnement de paix et de stabilité au Burkina et en Afrique sans lequel aucun développement humain durable ne saurait être envisageable, voudrait en ce moment difficile que traverse le peuple ivoirien, manifester sa consternation, témoigner sa compassion et inviter toutes les parties prenantes au retour à une éthique de Paix, celle qui dépasse toutes les autres considérations et qui célèbre le primat de l’Homme sur la bête, du bien sur le mal, du Juste sur l’injuste.

Citoyens du monde/CIVIPAX également à travers cette déclaration voudrait aussi lancer un appel à :

La paix, un attribut essentiel de Dieu

Le chemin de la paix est un processus long et complexe. Elle est la clé de voûte de toute dynamique sociale. Justice, vérité, pardon et réconciliation en constitue des antichambres dont il est difficile de faire l’économie. Les Saintes Ecritures révèlent que « Avant même d’être un don de Dieu à l’homme et un projet humain conforme au dessin divin, la paix est avant tout un attribut essentiel de Dieu. La paix et la violence ne peuvent habiter dans la même demeure.

La paix est beaucoup plus que la simple absence de guerre : elle représente la plénitude de la vie. Elle se fonde sur une conception correcte de la personne humaine et requiert l’édification d’un ordre selon la Justice et la charité ». Et, de fait, la paix est ainsi le fruit de la Justice, de la charité et de l’amour. La violence ne constitue jamais une réponse juste. Monseigneur Anselme Titianma Sanon, Archevêque de Bobo-Dioulasso, premier lauréat des Prix CIVIPAX en 2003 écrivait a juste titre : « Une dimension nouvelle dans les relations humaines, c’est la réconciliation.

Celle-ci se déploie en trois direction : une élévation vers le haut (Katellagein), vers l’horizontal (Sun-allagein) et à la transversale (Diallagein). La réconciliation n’est pas que le pardon demandé ou refusé, ni l’oubli. Elle est la démarche de dépassement, d’accompagnement et de pourparler qui aboutit à créer une situation nouvelle différente de celle du départ ». L’archevêque poursuit en ces termes : Les situations africaines appellent de nos jours des actes courageux.

Au nom de l’humanité, au nom de la paix sociale et au nom de la survie d’une communauté humaine ; les peuples sont appelés aux valeurs morales et éthiques dont le pardon ; car le pardon est indispensable dans une société et une humanité qui ne veut pas étouffer, qui veut respirer. Dans le contexte de celui de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, ses propos sont d’une pertinence et d’une actualité à la fois incontestable et déconcertante.

En effet, la Côte d’Ivoire ne peut se laisser entraîner dans la ronde folle des représailles si elle ne se ménage pas des oasis de pardon. L’épidémie des représailles fixe le mal dans les tissus de la vie sociale et engendre la spirale de la violence et de la vengeance, or la vengeance ne libère pas. Les Accords de Ouagadougou sont une chance pour Abidjan et Bouaké. Les Accords de Ouagadougou sont une chance pour la Côte d’Ivoire.

Les Accords de Ouagadougou sont une chance pour la sous région. Ils ne sont pas seulement un succès diplomatique et politique pour les plus grands des protagonistes ni pour le Médiateur principal. Parce qu’ils ouvrent une passerelle réelle et vraie pour la paix, les Accords de Ouagadougou sont une chance réelle pour la paix. Cette paix est un processus, un état d’âme et de coeur, un comportement global, une plus value humaine, l’apanage des vrais princes.

Pour donner à la paix sa chance, pour saisir cette chance, les protagonistes doivent être de vrais et de grands princes, soucieux de la quiétude de leurs sujets et de la prospérité de leur pays et leurs propres grandeurs, cette grandeur immortelle qui défi le temps, celle des grands hommes que la mort n’emportent pas. Cette paix que nous appelons de tous nos voeux pour la Côte d’Ivoire, nos pays, la sous-région, le monde et nous-mêmes doit se bâtir de l’intérieur, à l’intérieur de l’édifice instable et menacé de la paix familiale, sociale et nationale.

L’appropriation du processus de paix par toutes les composantes du corps social

Parce qu’ils ne sont pas seulement un succès diplomatique et politique pour les plus grands des protagonistes ni pour le Médiateur principal, Parce qu’ils ouvrent une passerelle réelle et vraie pour la paix, les Accords de Ouagadougou sont une chance réelle pour la paix. Parce qu’ils sont une chance réelle pour la paix en Cote d’Ivoire, ils doivent faire l’objet d’appropriation par l’ensemble des composantes du corps social en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et entre les deux pays.

La société civile, les forces militaires, les autorités coutumières et religieuses, les formations politiques, la communauté internationale doivent faire siennes ces accords et le processus qu’ils engagent de façon proactive et généreuse. La paix ne se réalise pas seulement entre leaders politiques et militaires, la paix se réalise avec les populations, la paix se réalise dans les coeurs.

Les Accords de Ouagadougou tracent une voie, offre une opportunité, un rayon de lumière pour un engagement éclairé, solidaire et décisif en faveur de la paix. Cela requiert de chaque composante de la société un acte courageux et un comportement de Prince en faveur de la paix.

Soutenir le processus de paix en Côte d’Ivoire

Ceci est un appel aux acteurs de la société civile (les autorités coutumières et religieuses), et politique de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso afin qu’elles se mobilisent, pour s’investir activement à travers des cadres de concertation et de dialogue afin que les Accords de Ouagadougou soient des Accords décisifs qui scellent le retour de la paix et le retour à une vie constitutionnelle normale. Il y va de la paix et de la stabilité dans toute la sous région.

Les évêques de Cote d’Ivoire et du Burkina Faso et les deux conférences épiscopales ont donné le ton en juillet 2005 et mars 2007 en se rencontrant en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Cette dynamique devrait être renforcée et suivie par les autres composantes de la société.

Une société sans pardon vit dans la peur. La paix sociale est le bien suprême. Une démarche de paix s’inscrit dans le temps, l’espace et les relations. Il est temps de créer, d’inventer, de multiplier et de vivre des lieux et des espaces pour la paix. Au-delà et en plus de ces Accords, il est temps de :

inventorier les mécanismes de la paix à court et a long terme ;
multiplier les institutions sociales en faveur de la paix ;
d’Initier des démarches collectives, familiales, interpersonnelles ;
multiplier au niveau social et politique des structures génératrices de paix, porteuses de consensus en direction de la société citoyenne au-delà des réseaux de la société civile, des ONGs, des formations politiques et des forces militaires d’impliquer les femmes, les jeunes, les autorités religieuses et coutumières.

Engager la réflexion sur les positions et intérêts particuliers, élargir les bases du dialogue, impliquer dans la dynamique ces forces sociopolitiques est une garantie d’une valeur inestimable pour la paix. Réussir la paix en Côte d’Ivoire aujourd’hui et éviter des lendemains de plus grandes souffrances interpelle chaque citoyen ivoirien, chaque citoyen burkinabè.

Les défis de la réunification du pays, du désarmement, de la démobilisation, de la réinsertion des ex-combattants, de la restauration de l’autorité de l’Etat, de l’identification, de l’organisation des élections, du redémarrage économique, du retour des personnes déplacées pour le court terme, de la reforme de l’armée, de l’identification nationale, de la question foncière, des droits humains, de la gouvernance et de la démocratie pour le moyen et long terme sont de vastes chantiers ayant besoins de grands hommes, de grandeurs d’esprit et d’âme pour une Côte d’Ivoire nouvelle réconciliée avec elle-même.

La colombe de la paix qui prend son envol doit trouver où se poser et se reposer. Elle ne peut s’asseoir à l’ombre des armes entre les mains des plus torts ou des plus faibles.

Elle ne peut même pas être dictée par les plus nombreux ou les plus forts à coût de majorité électorale ou de supériorité numérique. La paix sociale est à construire et à reconstruire ensemble.

Antoine Sanon

Président du Conseil permanent de citoyens du monde/ CIVIPAX

L’Observateur

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