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Affaire Hissène Habré : Le faux procès du financement

Publié le lundi 16 juillet 2007 à 08h08min

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Il est réconfortant de voir le gouvernement sénégalais afficher sa volonté politique d’organiser le procès de l’ex-président tchadien Hissène Habré. Toutefois, le coût de cet autre procès du siècle en Afrique est si exhorbitant pour le contribuable qu’il laisse sceptique. Chaque jour, la perplexité gagne du terrain et l’opinion redoute une parodie de justice. On semble de moins en moins se préoccuper des victimes.

Trop longtemps, on a tergiversé à propos de ce dossier qui pue tantôt la démission, tantôt la simple connivence. Les commentaires n’ont jamais tari à propos des complications et autres lenteurs bureaucratiques imputées à tort ou à raison à l’administration, aux avocats et aux proches du président Wade. On a aussi évoqué les rapports entretenus par Hissène Habré avec certains milieux religieux jugés très influents au Sénégal.

Après les tiraillements sur la pertinence de juger l’ex-président tchadien, la qualité du lieu du procès et la compétence des tribunaux, en viendra-t-on à pinailler inutilement sur la hauteur du financement du procès ? Faudra-t-il s’épuiser à déterminer le temps requis, respecter les procédures interminables, et batailler sur la désignation du lieu où l’ancien dictateur devra éventuellement purger sa peine ? Au fur et à mesure que les jours, les semaines, les mois et les années passent, les questions de mal gouvernance, plus précisément de droits de l’homme, enjeux de l’affaire Hissène Habré, semblent se réduire à un vulgaire débat de chiffonniers. Outre les coûts, le temps consacré à ce dossier finira par dépasser de loin celui occasionné par le jugement des génocidaires du Rwanda. C’est tout simplement scandaleux.

Ce n’est pas en l’honneur du continent de voir s’éterniser un tel procès. Encore moins de s’entre-déchirer autour de la question de son financement. Le bon sens devrait inciter les dirigeants africains, le gouvernement sénégalais en l’occurence, à se préoccuper davantage du sort actuel de ceux qui ont subi le régime Habré et à s’activer. Pendant que perdurent ces débats sur la faisabilité du procès, songe-t-on un seul moment à leurs conditions de vie tant aux plans psychologique, matériel que financier ? Combien de survivants ont-ils fini par rendre l’âme, las d’attendre ? Combien seront-elles, ces victimes de Hissène Habré au matin puis au soir du procès ? Quel sera leur état d’âme face au verdict ?

Si l’on reparle aujourd’hui de ce procès tant attendu, c’est bien parce que le contexte international a beaucoup évolué et même très rapidement. En dépit de l’intensification de la répression, partout la société civile s’organise, se montre de plus en plus déterminée à défendre l’intérêt public. Les liens extra-territoriaux qu’elle ne cesse de tisser, lui permettent désormais de mobiliser les contribuables et d’interpeller les décideurs des pays occidentaux, principaux bailleurs de fonds à travers le monde. Aussi, ne doit-on pas s’étonner de voir que des dictateurs comme Pinochet du Chili ont été poursuivis jusqu’à leur mort. Il y a aussi tous ces procès en cours, de celui des génocidaires d’Europe de l’Est et du Rwanda, à celui en cours de l’ex-président libérien Charles Taylor.

Par ailleurs, les récents changements intervenus en France, augurent de lendemains incertains pour tous ceux qui enfreignent à la loi. Conscient de l’ampleur et des dégâts de la mal gouvernance particulièrement sur le continent, le président Sarkozy sait l’opinion africaine aux aguets. Il lui faut donner la preuve que sa politique de la rupture s’étend également au domaine de la justice. Même s’ils ne se font pas trop d’illusions, les Africains, surtout francophones, voudraient bien que la lutte contre l’impunité, bref, la malgouvernance sous toutes ses formes, figure aux rangs des priorités. Il appartient toutefois aux pays du continent de se doter d’une justice indépendante, libérée et responsable. La tenue et la réussite du procès Hissène Habré engagent donc la crédibilité des autorités africaines.

La société civile et les experts internationaux devront s’impliquer de manière à rassurer les contribuables africains et étrangers dont les fonds sont aujourd’hui sollicités. Au nom de la transparence, ne serait-ce qu’en mémoire des victimes disparues, il importe que des dispositions soient prises pour authentifier le budget avancé et rendre publique la liste des frais engagés.

Au-delà des questions de souveraineté nationale, il s’agit ici de sauvegarder l’honneur de tout un continent. La mal gouvernance africaine a mis bas trop de délinquants au col blanc. Des bipèdes prédateurs à l’occasion d’un tel procès, l’Afrique n’en a vraiment pas besoin. Par contre, le besoin est criard de ces magistrats qui s’assument. Et aussi de ces dirigeants africains crédibles, qui osent aller au-delà de la proclamation de la volonté politique. Pour montrer qu’ils sont bien prêts à juger un de leurs pairs. Parce que les Africains qui l’ont trop longtemps souhaité, l’exigent à présent et dans des conditions non moins honorables.

Le Pays

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