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Rapports, enquêtes, sondages ... : une phobie africaine

Publié le mardi 11 mai 2004 à 09h51min

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Les dirigeants africains ont une haine viscérale des rapports ou
enquêtes mettant à nu leur mauvaise gestion. Le rapport d’une
institution aussi honorable que l’ONU à mis le régime ivoirien
dans tous ses états. L’ONU, dont les casques bleus furent
chaleureusement accueillis, est aujourd’hui vouée aux
gémonies pour avoir dit des vérités embarrassantes pour le
régime sur la répression de la manifestation du 25 mars.

Comme Gbagbo, la plupart des dirigeants africains sont
allergiques aux rapports émanant d’institutions nationales ou
internationales et dont on ne peut mettre en doute l’impartialité.
Ainsi, il n’est pas rare que des protestations véhémentes
accompagnent les rapports du PNUD sur le développement
humain. Il est même arrivé que certains pays rédigent des
contre-rapports pour prendre à défaut l’organisation onusienne
et montrer que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Les
Africains préfèrent les flagorneries soporifiques et
anesthésiantes, donc facteurs de stagnation. Pendant des
années, les gouvernants se sont accrochés aux satisfecits
décernés par la Banque mondiale et le FMI et qui, de nos jours,
se révèlent être de la poudre aux yeux. Le bilan économique des
pays pauvres et placés sous la tutelle de ces institutions est
désastreux. Tout le monde le reconnaît, d’où les virages opérés
dans les stratégies de développement.

Mais le faux
amour-propre des gouvernants est tenace. Ils demeurent
allergiques aux critiques, même lorsqu’elles sont constructives.
A l’allure où vont les choses, il n’est pas exclu que certains chefs
d’Etat qualifient ces sondages de "terroristes". Pourtant, les
dirigeants africains doivent avoir la culture des sondages à
l’instar de leurs pairs des pays développés.

Voici en tout cas un nouveau classement qui fera grincer bien
des dents. Dans son hors-série n°6, Jeune Afrique l’Intelligent
publie un classement des pays africains les plus performants,
établi par le Forum de Davos, une structure qui réunit les plus
riches de ce monde. C’est dire qu’ils tiennent à savoir, où
investir leur argent pour espérer en tirer du profit. C

e hit-parade
met en évidence la bonne tenue des pays anglophones et
d’Afrique du Nord. L’Afrique francophone est très mal lotie. Seuls
le Sénégal, le Mali, le Tchad, Madagascar et le Cameroun
émergent du lot, en présentant le meilleur environnement
macroéconomique, les meilleures institutions publiques et la
meilleure position technologique. On a beau chercher, le nom
du Burkina ne figure nulle part parmi les 25 pays les plus
performants. Or ce classement tient lieu de vade-mecum pour
les investisseurs étrangers, qui y font référence pour leurs choix
économiques.

Autant dire que le Burkina Faso ne trouve pas
grâce auprès des 8 000 chefs d’entreprise interrogés dans le
monde (dont 2 000 en Afrique) pour les besoins de ce
classement.
Le Forum de Davos bat en brèche les satisfecits récurrents
décernés au Burkina par certaines institutions. Reste à savoir si
le pays est capable de sursaut pour travailler à améliorer ses
performances et attirer les investisseurs.

Il ne sert à rien de se
voiler la face en récusant de tels rapports. La vérité est que le
Burkina est un "pays pauvre très endetté", ce label peu glorieux
qui, curieusement, attire des pays jadis prospère comme le
Gabon. C’est dire que l’Afrique connaît un développement à
rebours où les populations sont perpétuellement en train de
regretter les années antérieures.

Il est même inconscient de remettre en cause les rapports ou,
comme le font certains, de faire des contre-rapports embellis. A
force de triturer ainsi les chiffres à partir des bureaux climatisés
de la capitale, on s’éloigne des réalités du pays. On vit dans le
virtuel.

Pire, on joue avec la vie des millions de Burkinabè des
campagnes dont les conditions d’existence sont très peu
enviables. Les enquêtes, rapports et classements publiés
chaque année, qu’ils soient favorables ou non au
gouvernement, doivent être pris avec le plus grand sérieux en ce
qu’ils peuvent servir de repères pour une bonne gouvernance.

Le regard des autres peut aussi aider à mieux faire, surtout qu’il
est en général désintéressé. Le gouvernement doit même
arriver à mettre en place une sorte de structure de veille chargée
de suivre tous ces rapports et de faire des propositions aux plus
hautes autorités. Cela n’enlève rien aux prérogatives de chaque
pays dans la conduite de son processus de développement.

Mais les Africains peuvent-ils encore se prévaloir d’une
quelconque indépendance d’esprit et d’initiative depuis
l’intrusion des institutions de Washington dans leur gestion des
affaires ?

Le Pays

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