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De Villepin et l’affaire Clearstream : Au-delà de la gloire politique

Publié le lundi 9 juillet 2007 à 08h30min

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Dominique de Villepin

Très puissant hier, simple contribuable aujourd’hui, l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin va devoir rendre des comptes à la justice française. Implacable, celle-ci suit son cours. Lente, froide elle rattrape toujours, traduisant du même coup la vanité du pouvoir et l’enracinement de la culture démocratique. Aux acteurs politiques de bien se tenir. Pour ne pas souffrir demain.

Les faits survenus récemment en France sont remarquables : des magistrats, dont il faut saluer la détermination, dérangent la quiétude de personnalités situées au sommet de l’État. Avec humilité, puissants d’hier et d’aujourd’hui acceptent de se soumettre aux ordres du pouvoir judiciaire. Chacun jouant son rôle, le système démocratique ne peut que se renforcer. On ne fait donc plus ce qu’on veut en politique.

Surtout dans ce système qui se veut réellement démocratique, respecte la séparation des pouvoirs -exécutif, législatif et judiciaire- et veut être marqué du sceau de la transparence. Un certain degré de moralité doit désormais caractériser les acteurs politiques. Au-delà des principes, c’est aussi une question de mentalité. Un engagement personnel. Un devoir de citoyen responsable, qui accepte de s’assumer autant que l’électeur.

L’affaire Clearstream, à l’origine des ennuis de l’ancien chef du gouvernement français, rappelle le procès qui a valu à Alain Juppé sa traversée du désert, laquelle ne semble pas avoir pris fin. Des électeurs libres, conscients de leurs droits et devoirs, peuvent donc pardonner mais pas forcément oublier. Après De Villepin, bien d’autres suivront sans doute. Parmi eux, peut-être bien l’ancien patron de l’Élysée, Chirac himself.

Le système en vigueur en Occident a ceci de positif qu’il traduit le souci d’assurer la continuité de l’État au niveau de la justice, ce sens du devoir bien accompli qui anime les magistrats. Les juges partent, mais l’institution demeure. Et si la justice n’est pas parfaite, on a tout de même le sentiment qu’il y a moins de brebis galeuses qu’ailleurs. Imperturbable devant les tentatives de corruption, les menaces et les intimidations, elle s’efforce de conserver ses lettres de noblesse.

Il faut aussi se féliciter que la plupart des hommes politiques occidentaux se prêtent au jeu. Après avoir géré les affaires publiques, ils s’assument, se laissent juger. Pour ce faire, on démissionne le cas échéant, on perd jusqu’à son immunité. En prenant le risque de purger une peine, l’homme politique sait qu’il arpente ainsi la meilleure voie pour confirmer sa crédibilité, se faire pardonner et se réhabiliter ultérieurement s’il envisage de revenir en politique. Ce courage est à reconnaître et à saluer. Il traduit ce sens du respect du droit, de la justice et du justiciable. Un exemple à suivre pour les démocraties naissantes en Afrique. Car, à la soumission de l’autorité à la justice en Occident, correspond le mépris des dirigeants africains vis-à-vis de la justice.

En matière de transparence par exemple, il y a beaucoup à faire. En Occident, l’opinion est informée des avoirs et des salaires des plus hautes autorités. En Afrique, c’est le silence total. Les magistrats enregistrent certes les biens en début de mandat, mais le peuple demeure sous-informé. Aucun bilan n’est fait en fin de mandat, laissant alors place aux rumeurs et aux supputations. Les opinions publiques africaines ont pourtant le droit d’être informées sur le salaire des grands commis de l’État, les dépenses effectuées sur les comptes alimentés régulièrement par le contribuable.

Au nom de la démocratie et de la transparence dans la gestion des affaires publiques. Il y va aussi de l’intérêt des princes qui gouvernent et de leurs proches : plus leurs possessions seront connues, plus ils seront à l’aise dans l’exercice de leurs fonctions. Le comportement de dignité observé par les élites politiques occidentales face à la justice est conforme à l’éthique. Il mérite d’être enseigné dans les écoles d’administration publique et de magistrature, tout comme dans les partis politiques du continent.

Si en Afrique francophone l’on a coutume d’attendre que la France donne le ton, le bon exemple n’inspire pas toujours. L’intrusion du politique dans les affaires de la justice, l’incapacité de plusieurs magistrats à résister, les difficultés qu’éprouvent les plus résolus à s’organiser pour faire front, à défendre leur toge dans l’intérêt du justiciable, n’ont que trop nui à la démocratie.

En Afrique, en voulant sauvegarder certaines valeurs traditionnelles, on consacre de plus en plus l’impunité aux yeux du citoyen-électeur et contribuable. En France en revanche, le président Sarkozy a opté de donner le ton. Sérieuse façon, s’il en est, de réhabiliter la politique dans l’Hexagone : pas d’impunité ; laisser la justice poursuivre son cours. L’affaire Borrel qui angoisse les autorités djiboutiennes, les dossiers Chirac, Clearstream et autres, traduisent le souci de mettre fin à la délinquance politique. Ce faisant, Sarkozy contribue à redorer le blason d’une France qui aura déçu les Africains, pour avoir longtemps assuré la protection de dirigeants véreux du continent et de leurs proches. Jusqu’où pourra-t-il aller ?

Démonstration est en tout cas faite que dans l’Hexagone de Sarkozy, nul ne saurait se soustraire à la loi. Héros hier, vous serez accusé demain si votre gestion des affaires publiques a laissé des traces...non conformes à l’éthique et à la rigueur.

Le Pays

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