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Institutions interafricaines : Une gestion à l’image des États

Publié le lundi 2 juillet 2007 à 08h23min

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Afin de mieux baliser la route de l’Unité africaine, il faut absolument dépoussiérer les institutions interafricaines. C’est l’une des conditions premières de sa concrétisation longtemps attendue par nos peuples.

En effet, régulièrement, les experts dénoncent le nombre pléthorique de ces institutions dont la gestion est aussi à l’image de celle des États membres eux-mêmes : gaspillage, pilotage à vue, complaisance, laxisme, gabegie et incurie, n’ont que trop miné et ruiné ce continent. À voir ainsi dilapider les ressources, on a le profond sentiment que certains dirigeants et leurs larbins ont réellement opté de travailler à contre-courant de l’histoire des peuples : ils entament sérieusement la crédibilité de l’expertise, assènent cruellement des coups aux ressources et font inutilement perdre du temps à l’Afrique.

Beaucoup d’Africains sont certainement déçus à l’idée de voir le Malien Alpha Konaré persister dans sa décision de quitter la tête de la Commission de l’Union africaine après un premier mandat. Mais cela n’est-il pas compréhensible ? Cet homme qui a l’expérience de la gestion d’un Etat aura visiblement tout donné. Il faut le lui reconnaître et s’atteler à donner de sérieux coup de balai aux organisations quelles qu’elles soient : nationales, sous-régionales, régionales, etc.

Il faut féliciter et soutenir l’ancien président malien qui refuse d’être le dindon de la farce, en espérant qu’il résistera jusqu’au bout aux pressions multiformes que l’on peut deviner. Qu’on se rappelle la vaillance de l’ancien Secrétaire général de la défunte Organisation de l’unité africaine (OUA), le Togolais Eudem Kodjo. Face à des chefs d’Etat médusés, il avait eu l’outrecuidance de défendre les sacro-saints principes de l’autodétermination des peuples, et de vouloir en faire profiter le peuple du Sahara occidental. Envers et contre tous presque. Et voilà ce problème qui résurgit, plusieurs décennies après.

Mais combien sont-ils aujourd’hui, ces cadres africains qui osent dignement tenir tête à une assemblée de dirigeants dont on se demande parfois s’ils vivent sur le même sol que leurs concitoyens ? L’avenir de ce continent, la survie des nouvelles générations sont pourtant à ce prix. Il faut bien s’y résoudre. Les pays n’appartiennent pas à un groupe d’individus décidés à les « chosifier ». Il faut les rappeler constamment à la réalité du terrain et aux exigences de leur serment. Ailleurs on le fait. Pourquoi pas en Afrique ?

C’est bien connu : le volontarisme, le souci de préserver et de promouvoir les valeurs démocratiques ne font pas beaucoup recettes auprès des dirigeants africains. La plupart n’aiment que les élites qui leur baisent la main et paissent à leurs pieds. Ce faisant, ils contribuent à pérenniser la horde des médiocres et des inconscients qui peuplent l’appareil d’État et prennent d’assaut le secteur privé balbutiant. En temoignent : les multiples scandales liés à la corruption, aux détournements de fonds, aux fraudes, aux marchés douteux et aux contrats mal exécutés, etc. Comment alors ne pas compromettre la marche de certaines institutions ?

L’histoire des organisations est marquée de cadres de grande renommée qui ont fait et continuent de faire la fierté de l’Afrique. Ceux d’aujourd’hui méritent d’être reconnus et épaulés comme tels. Par contre, il faut détecter l’ivraie, dénoncer et renvoyer tous ces apprentis-sorciers qui handicapent les structures chargées d’animer le développement des pays. On le sait, au départ, nombre d’agents y étaient envoyés par méconnaissance et négligence, ou suite à des sanctions politiques. Il fallait les éloigner du terroir à tout prix.

Dans les vagues qui ont suivi, une meute de courtisans ont pris d’assaut ces structures aux objectifs pourtant nobles. Envoyés pour services rendus au prince, on en trouve qui sont de véritables taupes qui sapent les efforts des plus consciencieux. Certaines organisations sont truffées de fonctionnaires séniles ou hargneux, aussi indolents qu’exécrables. Il y en a qui ne cachent même pas être venus pour préparer leur retraite.

Plutôt que de valoriser leurs expériences et leurs compétences, ils deviennent de véritables poids morts et autant de gouffres financiers en raison de la délicatesse de leur état de santé, et des indemnités colossales qu’ils s’octroient impunément. Avec la complicité des administrateurs chargés de les superviser. De quoi handicaper le fonctionnement de l’institution qui paie pour rien. Et ne comptez pas sur ces cadres pour assurer le suivi des contributions que leurs pays tardent à verser.

Les Africains sont passés maîtres dans la création d’une foule d’organisations budgétivores : prompts à en disputer les sièges et les postes, ils tournent allègrement le dos aux premiers responsables obligés de grever le maigre budget en multipliant les missions de prospection, de recouvrement et, bien entendu, de...promotion pour l’organisation et leur personne. Pendant ce temps, les comptes en banque virent au rouge. D’où la tendance, pour survivre, à courir après les financements extérieurs qui finissent par détourner l’organisation de sa mission première : préserver et promouvoir les intérêts africains dans son secteur d’activité.

Il apparaît aujourd’hui que les peuples africains sont plus mûrs et déterminés que leurs propres dirigeants. Jour après jour, ces derniers s’enlisent dans les marécages et les sables mouvants de la politique politicienne. Dans ce contexte d’incurie, de conflits et de dépendance renforcée vis-à-vis de l’Occident, peut-on vraiment créer les Etats Unis d’Afrique ?

Les anciens y croyaient, qui nous ont légué un héritage en apparence lourd à porter pour les nouvelles générations. Que le fossé est donc grand, large et profond entre ces dirigeants africains d’hier et d’avant-hier qui avaient la foi mais pas les moyens, et ceux d’aujourd’hui qui ont bien les moyens mais pas la foi.

"Le Pays"

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