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Faible participation des femmes en politique : A qui la faute ?

Publié le vendredi 29 juin 2007 à 08h08min

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A l’issue des législatives du 6 mai où elles ne sont que 13 femmes à être à l’Assemblée nationale, le débat sur la participation des femmes en politique a repris ses droits au sein des organisations de la société civile.

« Il n’y a rien dans le panier d’une femme, si ce n’est des morceaux de coton ». Cet adage à relent sexiste comme il en existe dans la tradition orale de nos sociétés africaines et même d’ailleurs n’est pas pour arranger la situation de la femme que l’on tente de confiner aux travaux domestiques et à la gestion de la famille.

Prompte à vite faire leur les héritages des luttes multiformes de par le monde qui ont amélioré les conditions d’existence des Hommes, la gent masculine rechigne à capitaliser celles tendant à affranchir la femme de certaines servitudes et à lui donner une place méritoire de "cogestionnaires" de la destinée humaine. L’injustice à son égard est devenue la norme dans tous les milieux sous nos tropiques. Voilà pourquoi on ne saurait être surpris de la place de faire valoir accordée aux femmes dans les élections législatives du 6 mai prochain.

La lecture des listes de candidats et le positionnement des femmes ne laissant aucun doute quant à la présence de celles-ci dans l’hémicycle après le 6 mai. Elle sera moindre.

Le paternalisme politique des hommes
Il ne fait pas de doute au Faso (honni qui mal y pense) que la femme qui "brille" au plan surtout politique le doit quelque part à un "parapluie" masculin qui la met à l’abri des intempéries récurrentes dans le milieu. Et ces hommes "parapluie" prennent d’ailleurs un malin plaisir à faire comprendre aux autres que sans eux, elle ne serait rien. C’est dire que le chemin est encore long pour approcher l’idéal que préconise le CGD du Pr. LOADA qui s’époumone aux côtés des femmes pour leur aménager un meilleur sort autant en politique que dans les autres secteurs de la vie. Les mentalités, on le sait, traînent à changer surtout quand elles sont soutendues par des intérêts colossaux (pouvoir, argent...).

Ce que l’on semble oublier, c’est que promouvoir les femmes en politique, c’est du même coup desservir des hommes qui verront leurs "chances" hypothéquées. Se laisseront-ils seulement faire ? Rien n’est moins sûr. Voilà pourquoi il faudra toujours des "parapluies" étanches pour que l’on puisse "injecter" quelques femmes dans les postes électifs ; c’est bon pour l’image de notre démocratie. Mais cela ramène à l’esprit cette anecdote : à un simple d’esprit qui se voyait proposer le mariage, celui-ci fît la remarque suivante : « On ne peut mendier pour soi-même et mendier pour quelqu’un d’autre ». Comprenez que s’il se trouvait dans l’obligation de le faire, il pensera d’abord à lui-même. Ainsi donc, les organisations ou formations politiques qui cherchent par snobisme ou par calcul à intégrer des femmes dans le jeu ne pouvaient pas leur réserver les meilleures places. Tout est une question d’intérêt.

Se résoudre à jouer à la Jeanne d’Arc

S’il y a un pays où les colloques et autres plaidoyers en faveur des femmes font beaucoup recette, c’est bien le Burkina. Certaines organisations de la société civile comme le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) du professeur Augustin LOADA en ont fait presque leur raison d’exister. Chaque jour que Dieu fait, elles ne parlent que de la présence des femmes dans les sphères de décision comme si cela pouvait se faire avec de simples discours.

Elles ont contribué à faire croire aux femmes que les arguties du genre, les « femmes constituent 52% de la population », « on ne peut pas continuer à ignorer la femme alors qu’elle prend une grande part au développement » pouvaient faire bouger les choses. Il suffisait de rencontrer les chefs des partis politiques pour que nos mamans se retrouvent têtes de liste dans plusieurs provinces. Mais on a oublié qu’il n’y a pas de génération spontanée en politique. C’est un domaine de combat par excellence. Les plaidoyers, les marches apparaissent comme un satisfecit pour les bailleurs de fonds et les naïfs qui croient à la facilité.

Ces organisations rendraient un grand service aux femmes, si elles leur disaient la vérité sur la difficulté de la scène politique et poussaient ainsi les candidates à plus de lutte. L’approche genre a montré ses limites.
Les partis politiques ont démontré par les listes de ces législatives que le risque doit être minimisé en politique. On ne mettra pas une femme en tête de liste dans une province par le simple fait de son sexe alors qu’on a plus de chance de gagner avec un homme.

L’électorat ne boit pas à la source du sentiment. On sait aussi que certaines pesanteurs sociales ne plaident pas en faveur de la gent féminine dans nos campagnes.
La présence des femmes dans les sphères de décision ne se réalisera que si elles le méritent. Autrement, on les utilisera comme du vernis pour embellir quelques façades de la République afin de se donner bonne conscience. Ceux qui ont fait de la défense des femmes leur cheval de bataille ont plus intérêt à susciter des vocations à la base que de mener le combat qui consiste à imposer des quotas dans les institutions.

Toute politique de discrimination quelle qu’elle soit est vouée à l’échec. Les exemples sont nombreux à travers le monde où les tentatives d’afficher des groupes sociaux par des mesures discriminatoires ont échoué. Le Burkina vient de montrer qu’il ne constitue pas une exception. Il fallait y penser dans la recherche de stratégie de promotion de nos femmes.
Les femmes ferraient plutôt mieux de la jouer à la Jeanne d’Arc en allant au charbon pour s’imposer d’elles-mêmes dans le milieu politique.

On ne conduit plus les impertinentes au bûcher mais il leur faut seulement le courage de supporter les quolibets et autres médisances. Des exemples de femmes politiques contemporaines sont là pour les édifier. Mais, elles sont rares celles qui se sont senties un destin national et ont décidé de prendre très tôt leur chemin à l’image de Condoleeza RICE aux Etats-Unis, Marie George BUFFET ou Ségolène ROYAL en France. Ces dernières ont en commun leur engagement précoce en politique. Elles ont alors eu le temps de se faire connaître et gravir les échelons au sein de leur parti.

La Secrétaire d’Etat américaine (Ministre des Affaires Etrangères) Condoleeza RICE, (plus de 50 ans), a rapidement affiché son ambition d’être dirigeante de son pays. Au sein du Parti Républicain, elle intègre le clan BUSH. Au premier mandat (2000-2004) de George Walker BUSH, elle est conseillère pour la Sécurité nationale à la Maison Blanche. Après sa réélection, Bush la porte à la tête de la diplomatie américaine.

Ségolène ROYAL (54 ans), candidate du Parti Socialiste français à la présidence 2007, a fait tout son parcours au sein du Parti après ses études à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA). Elle est députée depuis 1988. En mars 2004, elle se fait élire présidente de la région Poitou-Charentes dans le Nord au détriment du Premier Ministre de l’époque Jean-Pierre RAFFARIN.Sa candidature s’est presque imposée, quand le moment de choisir le représentant aux élections présidentielles de 2007 est arrivé. Le 16 novembre 2006, Mme ROYAL est plébiscitée par les militants avec plus de 60% des voix comme candidate. Elle a mis en échec « les éléphants » du PS comme Dominique STRAUSS-KAHN, Laurent FABIUS, Lionel JOSPIN, Jack LANG, etc.

Marie George BUFFET (57 ans), autre candidate à la présidentielle française, a adhéré au Parti Communiste en 1969 alors qu’elle était étudiante en Histoire. Secrétaire du parti depuis 2001, elle a été élue députée en 1997 et 2002. Après le score calamiteux de Robert HUE (3,4%) aux présidentielles de 2002, Marie George BUFFET devient numéro un du parti.

On peut encore citer d’autres femmes battantes qui ont réussi dans le monde impitoyable de la politique.
Angela MERKEL, ressortissante de l’ex Allemagne de l’Est, est Chancelière depuis 2006. Hélène Johnson SEARLEAF l’actuelle présidente du Liberia a battu dans les urnes une célébrité comme l’ex-footballeur Georges WEAH. Michèle BASHELE, la présidente du Chili, a connu les geôles du général dictateur Augusto PINOCHET et nous en oublions. Des exemples qui montrent que les femmes ont des qualités et capacités à même de leur permettre de conquérir leur place dans la sphère politique. Au Burkina, ce n’est malheureusement pas le cas pour le moment.o

Les femmes dans les sphères de décision au Burkina

- 5 femmes sur 34 ministres soit 14,70%
- 2 femmes secrétaires générales de ministères soit 5,88%
- 2 femmes sur 15 membres de la CENI soit 13,3%
- 3 femmes sur 12 présidents d’institutions, soit 25%
- 3 femmes sur 12 membres du CSC soit 25%
- 21 femmes sur 90 membres du CES, soit 23,33%
- 5 femmes sur 25 ambassadeurs, soit 20%
- 3 femmes sur 13 gouverneurs, soit 23,7%
- 3 femmes sur 45 hauts-commissaires, soit 6,66%
- 5 femmes sur 45 secrétaires généraux de provinces soit 11,11%
- 13 femmes sur 111 députés, soit 11,71%
- 20 femmes sur 359 maires, soit 5,57%
- 6400 femmes sur 17877 Conseillers municipaux soit 35,80%

Source : Coalition OSC-2006

Par Ahmed Nazé

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 29 juin 2007 à 14:45, par Mme MEDA/OUEDRAOGO En réponse à : > Faible participation des femmes en politique : A qui la faute ?

    Bonjour

    Tout d’abord félicitation pour votre article qui parle d’un sujet sérieux qui concerne la femme et de manière générale, toute la société. En effet il est souvent reproché à la presse de contribuer à dénigrer l’image de la femme en abordant des sujets du genre : la femme infidèle, la prostitution, la femme stérile, sorcière etc.

    En lisant votre article je me suis sentie interpellée en tant que Femme.

    Je suis de votre avis sur bien des points. Il faut se battre et ne pas attendre d’être servi sur un plateau d’argent. Cependant en ce qui concerne la loi sur les quotas des femmes, j’estime que pour en arrivé à cet point (les quotas), les femmes se sont battus. Il s’agit d’un bon début sur un chemin très long et pleins d’embûches.

    J’aimerais qu’en plus, vous vous représentiez une course où il y a les femmes d’un côté et les hommes de l’autre. Vous verrez qu’il y a un tel écart entre les deux dès le départ. De part leur situation respective social, économique et culturel les femmes au départ de la course n’ont que des entraves par rapport à l’homme. Les femmes au Burkina sont ils dans les mêmes conditions favorable que les hommes ? ou que les femmes que vous citez dans votre article ? Les contextes sont différents.

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