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Gouvernement Tertius Zongo : "L’internationalisation" traduit la détermination du Burkina à occuper pleinement sa place dans la mondialisation (2/2)

Publié le lundi 25 juin 2007 à 08h31min

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La large victoire, attendue, de la mouvance présidentielle aux législatives du 6 mai 2007, et la nomination au poste de Premier ministre de Tertius Zongo, un économiste qui a été, pendant de longues années, ambassadeur à Washington, n’ont pas provoqué de tsunami gouvernemental.

Il y a, certes, le départ de quelques figures majeures de la vie politique burkinabé, notamment Youssouf Ouédraogo (qui était ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale) et Boureima Badini (ministre de la Justice), le passage de Djibrill Yipènè Bassolé de la Sécurité aux Affaires étrangères mais, pour le reste, les évolutions sont minimes. Si ce n’est, effectivement, que l’irruption de diplomates en poste à l’étranger (et au plus haut niveau puisqu’il s’agit de quatre ambassadeurs : Paris, Washington, Dakar, Copenhague) traduit la détermination du Burkina Faso d’avoir, au sein du gouvernement, des personnalités qui ont une réelle expérience de l’international.

Le départ de Youssouf Ouédraogo et le passage de Bassolé de la Sécurité aux Affaires étrangères a provoqué l’arrivée de deux nouveaux venus dans le Top 10. Au-delà, on note peu de changements fondamentaux si ce n’est, justement, l’arrivée -dans-le-gouvernement de trois ambassadeurs et la nomination d’un ministre chargé de mission auprès du Président du Faso, chargé de l’Analyse et de la Prospective (cf. LDD Burkina Faso 0131/Mercredi 13 juin 2007).

Au-delà du Top 25, la nomination de Sékou Bâ aux ressources animales permet à Vincent T. Dabilougou de se voir confier le portefeuille de l’Habitat et de l’Urbanisme (c’est depuis janvier 2006 que l’Habitat, qui était géré par un ministre délégué, est devenu un ministère à part entière accolé à l’Urbanisme, ce qui est une nécessité : le nombre des citadins a été multiplié par deux au cours de la dernière décennie !).

Jean-Pierre Aldiouma Mori Palm, qui est un vieux routier de la vie politique (officier de gendarmerie, directeur général de la Sécurité sous Thomas Sankara -qui le limogera en 1984 - puis à nouveau sous le Front populaire), conserve les Sports et Loisirs auquel il avait été nommé lors d’un remaniement ministériel partiel en 2005. Salif Sawadogo prend la suite d’Adama Fofana comme ministre chargé des Relations avec le Parlement (mais il ne récupère pas le poste de porte-parole du gouvernement confié à Filippe Savadogo).

Pour ce qui est des ministères délégués, la disparition du ministère des Finances et du Budget (qui devient un grand ministère de l’Economie et des Finances) permet la création d’un portefeuille de ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget, qui est confié à Lucien Marie Noël Bembamba. Le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale bénéficie, cette fois encore, du soutien d’un ministre délégué chargé de la Coopération régionale ; il est confié à Minata Samaté-Cessouma. Soungalo Ouattara conserve son portefeuille de ministre délégué auprès du ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, chargé des Collectivités territoriales. Il était récemment à Paris pour participer à la « 10ème Journée de la coopération décentralisée » tenue à la l’ambassade du Burkina dans la perspective de la tenue à Ouaga, les 6 et 7 décembre 2007, de la Rencontre franco-burkinabé sur la coopération décentralisée.

Issaka Maiga prend la suite de Bonoudaba Dabiré comme ministre délégué auprès du ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, chargé de l’Agriculture.

Notons que dans le secteur de l’enseignement ce sont deux nouveaux ministres délégués qui sont promus : Ousséni Tamboura en tant que chargé de l’Alphabétisation et de l’Education non formelle (il est délégué auprès du ministre de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation), et Maxime Somé, chargé de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle (il est délégué auprès du ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique).

Voilà donc le premier gouvernement de Tertius Zongo formé le dimanche 10 juin 2007 : 34 ministres et ministres délégués (qui, eux, sont au nombre de six) sans compter le premier ministre. Quelques évolutions notables ; mais pas de grands bouleversements. Des valeurs sûres qui ont une longue expérience des affaires publiques mais aussi une nouvelle génération qu’il va falloir découvrir.

Il convient de remarquer, cependant, que les femmes sont en nombre réduit au sein de ce gouvernement : elles ne sont que cinq et aucune d’entre elles ne figure dans le Top 10 ni même dans le Top 20 ; elles sont également cantonnées à des portefeuilles "sociaux" (si l’on excepte la ministre déléguée chargée de la Coopération régionale, Minata Samate-Cessouma). On peut s’en étonner alors qu’il y a tout juste un an (6 et 7 juin 2006), Y Assemblée nationale burkinabé (qui n’est pas un modèle de parité avec seulement 15 % de femmes élues) avait organisé un Forum national sur la participation et la représentation des femmes en politique au Burkina Faso. C’est une ambassadrice, Céline Yoda-Konkobo qui est désormais ministre de la Promotion de la femme ; on peut penser que, compte tenu de son expérience personnelle et internationale, elle parviendra à impulser un changement réel, quantitatif et qualitatif (tant il est vrai qu’il est difficile de promouvoir la femme quand la majorité des fillettes et des jeunes filles ne sont pas scolarisées !).

Un nouveau premier ministre, une nouvelle équipe gouvernementale, une présidentielle, des municipales et des législatives derrière soi. Ce n’est pas une page qui se tourne au Burkina Faso mais, bien au contraire, la continuité dans le changement. Dégagé des échéances électorales, Blaise Compaoré va pouvoir célébrer, le 15 octobre 2007, ses vingt années passées au pouvoir. Vingt années difficiles, douloureuses souvent, dramatiques parfois. Mais qui ont permis au Burkina Faso et aux Burkinabé de retrouver, sur la scène ouest-africaine et africaine et dans les relations internationales, une place perdue depuis trop longtemps, depuis la fin des royaumes mossi.

Le pays, dépecé sous la colonisation (en 1932, le territoire a été réparti entre le Mali, la Côte d’Ivoire et le Niger), exploité humainement plus qu’aucun autre au temps de l’AOF, sous tutelle politique de Félix Houphouët-Boigny via le RDA (qui, initialement, s’opposa à la reconstitution de la Haute-Volta tandis que l’Union voltaïque, soutenue par le Mogho-Naba Sagha IV s’opposera à l’élection d’Houphouët-Boigny comme député en 1945-1946) dès le lendemain de la Deuxième guerre mondiale, puis sous tutelle politico-économique quand Houphouët-Boigny présidera la République de Côte d’Ivoire.

La "Révolution" du 4 août 1983 a été, aussi, l’expression de la volonté des Voltaïques d’affirmer leur souveraineté (on se souvient que le premier président de la République de Haute-Volta. était tombé après avoir négocié avec Houphouët le projet de double nationalité). "Rectifiée ". elle reste un acquis. La preuve en est que quelques uns de ses acteurs sont, près d’un quart de siècle plus tard, membres du gouvernement qui vient d’être formé.

Aujourd’hui, le Burkina Faso doit, impérativement, passer à un stade supérieur de son développement économique et social. Les institutions sont en place, les hommes aussi. La détermination est réelle. La conjoncture sous-régionale s’y prête. Notamment pour ce qui est du retour à la paix en Côte d’Ivoire, condition essentielle (mais pas suffisante) pour que le Burkina Faso se porte mieux encore. Le gouvernement de Tertius Zongo a cette mission historique de faire d’un pays pauvre et enclavé un pôle de croissance économique et de développement humain. Joli challenge.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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