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Incarcération de journalistes maliens : Une mauvaise publicité pour ATT

Publié le vendredi 22 juin 2007 à 07h51min

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A l’origine de l’arrestation et de l’incarcération de notre confrère malien Mohamed Seydina Oumar Diarra du journal " Info-Matin", la publication le 1er juin 2007 d’un article qui a pour titre " la maîtresse du président de la République".

Que reproche-t-on au journaliste de "Info-Matin" et, à travers lui, à l’ensemble de la presse bamakoise ? Qui lui en veut d’avoir publié ce texte ? Sa convocation à la gendarmerie, le long interrogatoire qu’il y a subi et enfin son embastillement, ont trait à la publication par son journal du sujet de composition française. Qui est visé par le texte ?

Si c’est le chef de l’État malien, Amadou Toumani Touré, le bien nommé ATT, qui a sévi contre le journal et le journaliste parce qu’il est question de la "maîtresse du président de la République", il s’est offert une très mauvaise publicité. En Afrique, mais aussi à travers le monde, les frasques des plus hauts responsables de l’État et de l’Administration sont légion. Certains même ont défrayé la chronique pendant de longs mois.

Les jardins secrets des dirigeants africains relèveraient du secret d’État tant et si bien que la presse est continuellement sur le qui- vive, parce qu’elle doit chaque fois chercher à connaître la ligne de démarcation entre la vie privée et la vie publique des responsables au sommet de l’État. Une ligne de démarcation très tenue, il faut le dire. Est-il interdit de parler dans la presse des amours d’un chef d’État, d’un ministre, d’un président d’institution, au risque de les livrer à la rumeur avec tous les ravages que celle-ci pourrait véhiculer ? Faut-il s’interdire de parler des déboires conjugaux d’un haut personnage de l’État et le livrer à Dame rumeur ?

Nos hommes publics sont des hommes avec leurs grandeurs, leurs tares et leurs faiblesses. Ils sont faillibles comme tous les hommes. Ne pas le dire, c’est en faire des demi-dieux avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter. Peu avant la fin de son mandat à la tête des États-Unis, le président Bill Clinton a été l’objet d’une campagne de presse virulente à cause de ses relations amoureuses avec Monica Lewinsky, une secrétaire travaillant à la Maison Blanche. L’affaire a fait grand bruit dans la presse américaine et à travers les médias du monde entier. Toutefois, il n’est revenu à aucun moment qu’un journaliste a été inquiété pour les relations des faits à propos de ces "relations dangereuses" du président Clinton avec une secrétaire.

Il en va tout autrement en Afrique où parler de la maladie dont souffre un président est puni d’une peine de prison. Dans cette histoire de la "maîtresse du président de la République", on met en cause le zèle d’un procureur qui s’est autosaisi, peut-être à l’insu de ATT, lui attirant une mauvaise publicité dont il aurait pu se passer, quelque deux semaines après son investiture qui a succédé à une brillante réélection dès le premier tour. La Haute autorité de régulation de la presse, la structure au pays de ATT qui veille sur le respect des règles de la déontologie et de l’éthique de la profession journalistique, a vivement condamné les arrestations. Elle les trouve arbitraires dans un système démocratique souvent cité en exemple en Afrique et dans le monde.

Comme partout en Afrique et chaque fois qu’il s’agit de la presse, la justice est prompte à sévir contre les journalistes, alors que son rôle premier est de poursuivre les auteurs des actes dénoncés dans la presse. Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, le président de la République dont il est question devrait être l’exemple pour son peuple. Pour la jeunesse de son pays surtout. Il n’existe pas d’autres mots pour qualifier un homme qui engrosse une élève et refuse d’assumer ses responsabilités.

En sa qualité d’éducateur, c’est vraisemblablement cette fuite de responsabilité d’un "président de la République" que Bassirou Kassim Minta a voulu soumettre à la réflexion de ses élèves. C’est aussi le même souci pédagogique qui a conduit Seydina Oumar Diarra à publier ce sujet dans "Info-Matin". D’un côté comme de l’autre, le comportement des deux hommes devrait être salué à cause des valeurs éducatives qui s’y rattachent. Malheureusement !

C’est incontestablement un cas de conscience chaque fois qu’un journaliste doit faire la part de la vie privée d’une part, et de la vie officielle de l’homme public de l’autre. Ce qui complique le travail des hommes de médias, c’est que les Codes de la presse sont pleins de lacunes qu’on exploite facilement au dépens de la presse. Ce qui apparaît encore plus désolant, c’est qu’on semble oublier que la fiction est permise en littérature.

Les hommes publics, les responsables politiques doivent partout donner l’exemple dans leur conduite privée comme dans leur gestion des affaires publiques. Au cas où ils auraient oublié qu’ils jouent le rôle de phares et de souches, qu’ils daignent accepter que leurs errements soient portés à la connaissance des hommes et des femmes qu’ils gouvernent. Il y va de la crédibilité des processus démocratiques partout en construction en Afrique.

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