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Afrique sans frontière par la culture

Publié le dimanche 9 novembre 2003 à 08h50min

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Afrique sans frontière par la culture

La carte de séjour pour les Africains en pays africain ravive les conflits inter-ethniques.

Elle est critiquée par de nombreux artistes. Percussionnistes guinéens, danseurs maliens, acteurs ivoiriens… l’Ensemble Milo Africain (E.M.A) prône l’identité africaine, en réaction.

Créé en Côte d’Ivoire en 1992, l’E.M.A réunit 12 africains de l’Afrique de l’Ouest, Ivoiriens, Guinéens, Burkinabés, Maliens … Le spectacle commence par une danse malienne, on découvre ensuite les vertus magiques du masque guinéen Kakilambé, puis la tradition ivoirienne… Les histoires africaines se côtoient, c’est un voyage à travers des références culturelles qui se fondent entre elles et témoignent d’une identité commune. Lorsqu’on les interroge sur l’origine de leur troupe, le directeur de l’E.M.A. (L’Ensemble Milo Africain) Koumandjan Camara raisonne par l’africanité. « Nous sommes pour une identité africaine. Nous avons créé l’E.M.A en réaction à tous les problèmes de carte d’identité, de carte de séjour, de nationalité en Afrique… Les Africains eux-mêmes en Afrique se sentent stressés, inquiets, et ça c’est pas bon. Quand dans d’autres pays des Africains se cachent pour marcher dans la ville, à cause des probèmes de carte de séjour… l’Africain doit être libre chez lui en Afrique. »

La carte de séjour est devenue une formalité qui pénalise les Africains en Afrique. Elle constitue un frein à la liberté de déplacement des populations à l’intérieur même du continent. Difficile à obtenir, son prix est très élevé par rapport au revenu moyen d’un africain. Elle vaut par exemple 35000 FCA en Côte d’Ivoire, sachant qu’un salaire mensuel est de moins de 30000FCFA. La carte de séjour obligatoire s’est généralisée aux ressortissants de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO : Côte-d’Ivoire, Gambie, Guinée). Elle finit par créer des tensions entre Africains et étrangers, mais également des crises inter-ethniques entre Africains d’un même pays.

« On constate dans bons nombre de pays où les cartes de séjour sont exigées combien de fois nos frères des sous-régions sont harcelés » affirme le président de l’E.M.A. « Je ne citerai pas de pays en particulier. On prend les personnes, on les déshabille, on les met en ligne, on attache leur chemise les uns aux autres pour les trimballer, les frapper, c’est malheureux. »

La Côte d’Ivoire en particulier est le théâtre de nombreux abus. On comprend en retraçant l’histoire de ses présidents comment la question des origines est devenu un outil de pouvoir : le président Houphouët-Boigny avait prôné l’immigration, pour accompagner le dynamisme économique dont la Côte d’Ivoire, surnommé aussi le « miracle ivoirien » , faisait l’objet. Très vite le pays a accueilli un volume impressionnant d’étrangers, et notamment de Burkinabés. Après la chute du prix des matières premières, ces mêmes immigrants sont devenus la cible à éliminer du territoire. Avant existait déjà le principe de la carte de séjour pour les Africains, le nouveau président Henri Konan Bédié y a rajouté le concept de l’Ivoirité, opposant Ivoiriens de sang et « non ivoiriens », créant des conflits entre ethnies et entre Ivoiriens et étrangers. Puis les deux opposants Bédié et Alassane Dramane Ouattara ont accentué ces conflits inter-ethniques pour arriver à leur fin, et les discours politiques se sont succédés sans que cette instrumentalisation des populations ne cesse. Elle dépasse même les frontières, et sensibilise maintenant tous les pays alentours de la Côte d’Ivoire.

Itinérants, les artistes de l’E.M.A. se déplacent d’un festival à l’autre sans revenir à la source. Nous les avons rencontrés à Bamako, capitale du Mali, le 12 octobre 2003 dans le cadre du Festip (Festival International de Percussion). « Nous avons quitté la Cote d’Ivoire pour le festival de Marcala, puis ici au Mali, puis nous irons au Festorm Djibouti…et en mars à Lyon. Donc nous tournons, en attendant que la situation s’apaise en Côte d’Ivoire. Notre souhait le plus grand est que les dirigeants prennent conscience de l’importance du mixage du brassage des origines, de ne pas détruire ce qu’ils n’ont pas réunis. Parce que la Côte d’Ivoire est un rassemblement ethnique d’étranger qu’on le veuille ou pas ».

"Milo" serait-ce une référence aux "Milos Ivoiriens" qui désigne les militaires du chef rebelle Guillaume Soro ? Rien ne l’indique de façon évidente. Malgré leurs aspects militants, les artistes de l’E.M.A. ne tiennent cependant à ne pas être assimilés à des acteurs politiques, peut-être parce que c’est justement cette assimilation de la politique et des nationalismes qui a constitué le terreau des conflits inter-ethniques dont l’Afrique de L’Ouest souffre actuellement. Ils veulent rester « la voix des sans voix », et suivre la trace d’autres voix critiques comme Tiken Jah Fakoly et le reaggea man Ismaël Isaak. « Nous croyons en l’identité africaine. L’Europe est bien en train de venir à l’identité européenne... L’Europe a compris qu’il faut s’unir pour être fort. Tu peux quitter l’Espagne pour l’Allemagne, tu peux sans problème, tu veux aller d’Allemagne en Italie... L’Afrique le peut aussi. »

http://www.aatmidjembe.com/culturel/milo/Home.htm
http://www.ccfbko.org.ml/musique.htm

Florence Roy ©Digipresse 2003

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