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Opposition extraparlementaire : Des crocs en jambe préélectoraux

Publié le vendredi 7 mai 2004 à 07h13min

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Comme dirait l’autre, quand la politique est dans la rue, c’est
qu’elle a déserté les canaux traditionnels de sa pleine et entière
expression. Notamment, le parlement, lieu par excellence du
débat démocratique, de la manifestation de toutes les
sensibilités.

C’est dire que dans un système idéalement
démocratique, le meilleur en droit légitime pour la confrontation
des opinions et de la formulation des décisions est le
parlement. Cela suppose évidemment qu’un tel parlement soit
le reflet des aspirations des citoyens qui ont choisi, à travers
des élections libres et transparentes, ses représentants pour y
siéger. Avec un tel parlement, l’électorat se sent rassuré parce
qu’il a le sentiment d’avoir délégué ses pouvoirs à des hommes
et à des femmes réellement représentatifs et qui maintiennent
avec lui le dialogue permanent.
C’est ce qu’on appelle
démocratie par délégation de pouvoir.

Cependant, même dans
les démocraties les plus avancées, il arrive aux hommes
politiques de céder à la tentation de s’enfermer dans un
hermétisme en rompant le contact avec les citoyens. D’où
l’existence dans ces pays, de ce qu’on appelle l’opposition
extraparlementaire agacée par le comportement des élus qui
donnent l’impression de réduire les espaces du débat. Du reste,
dans ces pays où l’on est parfaitement conscient que la
démocratie peut par moments avoir du plomb dans l’aile, on a
trouvé dans l’intervalle entre deux consultations électorales
(législatives municipales et présidentielles) des mécanismes
intermédiaires pour consulter les électeurs.

En quelque sorte,
une revue à mi-parcours. Cela va par exemple du référendum au
sondage d’opinion en passant par la pétition. Comme quoi la
démocratie, dans ces pays, est considérée comme un moteur
qui a besoin de maintenance et qui mérite d’être révisé pour
éviter la grosse panne. Dans les pays anglo-saxons, il existe ce
qu’on appelle des cabinets fantômes, véritables gouvernements
parallèles à ceux formés par les partis vainqueurs des
élections.

En Afrique, on se sert tellement mal de la démocratie qu’elle se
grippe rapidement parce que personne ne songe à faire face à
ses charges récurrentes. C’est dire que dans ces pays,
l’opposition extra parlementaire n’est pas un luxe. Elle l’est
encore moins dans nos démocraties tropicalisées. D’abord
parce que les élections sont truquées et leurs résultats ne
reflètent pas la réalité. On peut même avancer qu’elles portent la
marque du mépris des politiques à l’égard du citoyen. Cette
hypocrite dissimulation permet aux tenants du pouvoir d’espérer,
parfois avec succès, à court terme, de perpétuer leurs intérêts.

Mais, comme une maison dont on a commencé à construire le
toit en oubliant les fondations, ne tarde pas à se lézarder, tout
système politique fondé sur de grotesques tromperies porte en
lui-même les germes de sa destruction. C’est ainsi qu’en
Afrique, on voit s’agrandir les rangs des déçus de la démocratie
et se creuser davantage le déficit de confiance entre élus et
électeurs. Ces derniers se rendent compte que le geste de
déposer un bulletin dans l’urne, présenté comme une planche
de salut, n’a fait d’eux que des exclus d’un système qui ne profite
qu’à la Nomenklatura.

Enfin, les partis politiques qui ont compéti
et qui se sont retrouvés sur les carreaux, ont la conviction, à tort
ou à raison, que les résultats des élections n’ont pas reflété leur
poids réel au sein de l’électorat.
En conséquence, ils s’estiment en droit de convertir cet échec
au parlement en un contre pouvoir en occupant le terrain et en
exploitant les différentes failles du pouvoir.

Au Burkina
l’ambiance de précampagne actuelle constitue pour eux, une
aubaine. Mais, à peine née, cette opposition extra-parlementaire
commence par être secouée par les démons de la désunion.
Aussi vient-elle de remercier le secrétaire général du bureau
provisoire. Celui-ci aurait tenu des propos qui ne cadreraient
pas avec la ligne de conduite de la structure.

En effet, le débat
porte sur l’opportunité ou non de réunir tous les partis
(opposition et mouvance présidentielle extraparlementaires)
dont le seul lien qui les unit est d’avoir mordu la poussière lors
des législatives. Sans entrer dans ce combat d’initiés, on peut
se demander si les larmes des vaincus peuvent constituer le
seul dénominateur commun et la force fédératrice à même de
rassembler des hommes hier idéologiquement hostiles (si
idéologie il y a) et électoralement antagonistes.

Par ailleurs il est
symbolique de constater que cette agitation survient
précisément au moment où toute la classe politique est agitée
par la perspective présidentielle de 2005. Si c’était réellement
pour combler le déficit supposé ou réel de débat dans les
instances officiellement commises à cette tâche, il y a
longtemps que les partis dits extraparlementaires devaient être
sur le terrain.

La cacophonie actuelle, dans le contexte de
pré-campagne ressemble plus à une guerre de
prépositionnement, à une opération de séduction et de
marketing politico-électoraliste. Au risque de nous répéter, le
vrai débat, n’est pas tellement de savoir si opposants
extraparlementaires et mouvanciers extraparlemenatires
peuvent faire bon ménage, même s’ils ont en héritage commun,
les larmes du vaincu, un programme.

Le citoyen, déjà en proie à
ses propres angoisses existentielles, a-t-il le temps de compatir
aux douleurs postélectorales des exclus du parlement ? La
véritable question qui mérite d’être posée, c’est pourquoi ils
n’ont pas réussi à franchir les grilles de l’Auguste Assemblée.

Face à ce cirque, le maître de cérémonie qui tire les ficelles
dans l’ombre, l’air amusé, se frotte les mains. Chaque fois que
de grands enjeux se dessinent à l’horizon, les partis politiques
sortent de leur vieilles armoires les mêmes recettes qui mettent
à nue leurs contradictions. Ces recettes ont pour noms :
candidatures séparées pour réduire les chances de Blaise
Compaoré de l’emporter au premier tour et candidature unique
de l’opposition pour le battre au second tour.

En politique, une
telle stratégie n’est pas surréaliste. Cependant, pour qu’elle
réussisse, il faut y mettre le prix. Or, lors des précédentes
élections, l’opposition a montré ses limites, n’ayant jamais
réussi à avoir un représentant dans chaque bureau de vote pour
dissuader les éventuelles tentatives de fraude.

Par ailleurs,
dans un pays où certains partis dits d’opposition ou
mouvanciers ne représentent que l’ombre d’eux-mêmes, la
surenchère avant le sprint final est une technique connue et bien
rodée. Une façon de faire comprendre aux éventuels poids
lourds de la présidentielle que mieux vaudrait composer avec
eux que de les rejeter.

Comme dans toute campagne, aucune
voix n’est négligeable, ceux qui égrennent de tels postulats ont
beaucoup de chance d’être écoutés car, s’ils ne peuvent pas, à l
’image du lépreux, traire la vache, ils sont capables de renverser
la calebasse de lait. De toute façon, ils n’ont rien à craindre
d’une élection, à l’issue de laquelle ils peuvent échouer en
termes de suffrages, mais gagner gros en termes d’espèces
sonnantes et trébuchantes ou de poste de responsabilité.

Quelqu’un disait qu’en Afrique, la crise de l’emploi est telle que
lorsque vous avez perdu votre emploi, il faut vous inscrire en
politique. Malheureusement, pour ceux qui s’y sont accrochés, il
ne saurait y avoir toujours de la place pour les nouveaux
aspirants. Sur ce point, partis d’opposition et du pouvoir
s’entendent comme des frères jumeaux.

De candidatures uniques, ils ne veulent pas en entendre parler.
Leur crainte, c’est la perspective de leur propre disqualification
par les citoyens qui ne se plaindraient certainement pas du
renouvellement de notre classe politique actuelle et de la
revision des textes fondamentaux en vue d’autoriser les
candidatures indépendantes. En définitive, inutile de s’agiter
outre mesure autour d’une campagne électorale dont les
acteurs sont interchangeables.

Il ne reste plus qu’à nous
consoler, en rire ou en pleurer selon notre vision de la conduite
des hommes, en gardant à l’esprit qu’en Afrique, on ne peut être
au pouvoir et perdre des élections qu’on a organisées
soi-même. L’enjeu pour les tenants du pouvoir, c’est le taux de
participation et le score qu’ils vont réaliser.

Dans certains pays
africains, les conditions d’une alternance existent. Encore faut-il
avoir des hommes de poids pour en cueillir les fruits.

La chronique du Fou
Le Pays

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