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Corruption au Burkina Faso : Un sport de masse

Publié le vendredi 15 juin 2007 à 08h14min

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Voyez-vous ! il y a des sujets dont on ne peut s’empêcher de parler et de reparler. Au nombre de ces sujets figure le phénomène de la corruption qui est de nos jours devenue un sport national, un sport de masse. La corruption est perçue par une large majorité de nos dirigeants comme un banal fait de société.

Parler et dénoncer les faits de corruption, c’est comme l’on parle de la pluie et du beau temps. Parler ou écrire de la corruption et des ravages qu’elle engendre n’émeut plus outre mesure. Tant et si bien que les hommes qui parlent le plus de la corruption aujourd’hui, ce sont les journalistes.

Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) aussi. Mais les journalistes comme le REN-LAC ne font que dénoncer, porter à la connaissance du peuple les pratiques corruptives. Ils n’ont aucun pouvoir de coercition. Ils semblent prêcher dans un désert. Le Burkina Faso a, à l’heure actuelle, le parc de textes le plus étoffé en matière de lutte contre la corruption, mais ils n’ont pas de véritable impact sur les comportements. En effet, de nouvelles structures, telle la Haute Autorité de Coordination de Lutte contre la Corruption ont été créées pour venir s’ajouter à l’Inspection Générale d’Etat et aux Inspections techniques des ministères.

L’impact de leur travail semble quasi nul. La corruption prospère tellement que le citoyen se demande les raisons de leur existence. Toutes ces structures ont-elles été créées pour contenter l’extérieur, les bailleurs de fonds étrangers ? Toujours est-il que toutes ces structures sont à l’image de notre démocratie essentiellement tournée vers l’étranger. Faut-il conclure alors que la corruption fait partie intégrante de nos administrations publique et privée ? Qu’elle est une fatalité ?

Récemment, la première et seule grande pluie tombée au Sahel a emporté un pont en dalleaux. Un commerçant, originaire de Pouytenga, a perdu la vie en tombant dans un trou. La route Ouaga-Bobo qui a été considérablement dégradée avant la fin des travaux de construction a défrayé la chronique, tant la situation a ému l’opinion nationale, voire les bailleurs de fonds. Combien d’écoles et autres infrastructures sociales financées par le Budget de l’Etat sont tombées une année à peine après la fin des travaux ? Il est impossible de compter le nombre d’établissements, de routes, etc., qui ont été construits sur du papier. En tout cas, les populations n’ont pas encore vu leur début d’exécution. "Les termites", selon l’expression d’un responsable devant le Tribunal populaire révolutionnaire (TPR), ont consumé les financements débloqués à cet effet.

Faut-il faire porter la responsabilité de ces crimes aux seuls entrepreneurs ? Assurément, non ! Les donneurs d’ordre, ces attributeurs de marchés à tous les échelons leur réclament "leur part". Après avoir ainsi arrosé toute la chaîne, les entrepreneurs se retrouvent avec une enveloppe si minime pour la réalisation de l’ouvrage. Ils sont contraints de frauder sur les matériaux et les matériels pour finir la construction. Il va de soi que la qualité s’en ressente beaucoup dans de telles circonstances. Voilà pourquoi des écoles s’écroulent à peine finie la construction et au moindre coup de vent lors de la toute première pluie. Mais certains entrepreneurs ne seront pas inquiétés parce qu’ils ont pris les précautions de fermer des bouches et d’obscurcir des consciences depuis l’attribution du marché jusqu’aux membres les plus influents des bénéficiaires. Tant pis pour la vie des usagers, des écoliers, etc. Tant pis pour les populations bénéficiaires.

C’est une très grave erreur pour les autorités burkinabè de minimiser, de banaliser le phénomène de la corruption aujourd’hui. Car la corruption est un grand danger pour la démocratie. Au Niger, l’ex-Premier ministre Hama Amadou a refusé de traduire les membres du gouvernement, les députés et tous ceux qui ont été impliqués dans le détournement de plus 4 milliards de F CFA destinés à la promotion de l’éducation de base devant les tribunaux pour les contraindre à rendre gorge. Ce refus a été à l’origine d’une motion de censure déposée par l’opposition contre son gouvernement à l’Assemblée nationale. La motion a été appuyée par une partie de la majorité présidentielle excédée par les incuries d’une classe politique qui ne pense qu’à s’enrichir.

Le vote de la motion a destitué Hama Amadou et son gouvernement le 31 mai dernier. Au Burkina Faso, lorsque des faits avérés de corruption ont amené l’Assemblée à mettre sur pied une commission d’enquête parlementaire, les conclusions des investigations de cette dernière n’ont jamais été portées à la connaissance des citoyens. Peut-être les juge-t-on incapables de comprendre les enjeux de tels résultats. Le refus du pouvoir de combattre ouvertement et efficacement la corruption ressemble à un mépris des citoyens. Ce mépris entraîne des frustrations, un poison pour la démocratie. La corruption est un grand frein pour le développement économique et social. Les infrastructures réalisées à grands coûts mais qui sont détruites, conduisent à un perpétuel recommencement.

Ce pays s’appelle pourtant "Pays des hommes intègres". En effet, il y a dans ce pays, et ils sont nombreux, des femmes et des hommes qui ne demandent qu’à travailler honnêtement pour gagner honnêtement leur place au soleil. Un combat conséquent contre les corrupteurs et les corrompus va entraîner l’émergence de telles femmes et de tels hommes qui sont prêts à se sacrifier pour leur pays. Pour combattre la corruption, il faut en amont, mettre fin à la collusion entre le milieu des affaires et le milieu politique. Ne disons pas que ce n’est pas réalisable. Tout est réalisable pour qui le veut vraiment. Malgré le soutien du président des Etats-Unis, l’homme le plus puissant de la planète, le directeur de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, va perdre son poste à la fin de ce mois de juin. Osons lutter contre la corruption qui est un cancer pour le développement économique.

"Le Fou"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 16 juin 2007 à 01:11, par Dr : Socratès En réponse à : > Corruption au Burkina Faso : Un sport de masse

    Belle article.Vous avez mis le doigt ou ça devrait faire mal.Franchement avec toutes ses
    preuves que vous avez cités,rien n’est fait et presonne n’est inquieté.Et on appel ça le
    pays des hommes intrègres.Quel contradiction ?Je dirai même quel honte.
    Plus les gens au sommet de l’etat mange l’argent du peuple plus ils montent encore plus haut.
    Toutes ses maisons qui sortent de terre à Ouaga 2000,je met au defi quiconque me dira que
    c’est l’argent de la sueur de leur front.
    Toutes choses à une fin ici bas.Et à mon avis c’est le peuple qui dira le drenier mot.

  • Le 17 juin 2007 à 19:57, par Papy En réponse à : > Corruption au Burkina Faso : Un sport de masse

    REN-LAC. Concrètement cela se traduit par quoi : dans la vie de tous les jours ?
    Primo au niveau politique,
    Deusio au niveau des entreprises et du commerce,
    Tersio au niveau des citoyens.

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