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Tertius Zongo : "Ceux qui parlent des 800 millions insultent mon intelligence"

Publié le mercredi 13 juin 2007 à 08h04min

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48 heures après la formation de son gouvernement, le nouveau Premier ministre Tertius Zongo a échangé avec la presse sur la composition de cette équipe, les défis qu’elle doit relever et les ambitions qu’il se donne pour le Burkina. C’était hier en fin de matinée dans la salle de conférences du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale.

Les cinq années passées aux Etats Unis comme ambassadeur n’ont visiblement pas changé Tertius Zongo. Lors de son premier face à face avec les femmes et hommes de médias qui a été rondement mené en une petite heure, il est en effet apparu toujours aussi volubile et discret, avec des accents de prêcheur évangéliste où Dieu et Blaise étaient omniprésents.

Une petite prodada d’abord à son mandant, "que toute l’Afrique a appris à connaître et à respecter, et dont tout le monde apprécie l’extraordinaire leadership, l’esprit visionnaire et la capacité à agir" ; puis un clin d’œil amical à son prédécesseur Ernest Paramanga Yonli ainsi qu’au peuple burkinabè dont il a "une conscience aiguë de son courage, de son abnégation, de ses attentes et de ses espoirs" ; avant que le 5e chef de gouvernement de la IVe République ne livre les grands axes de la politique qu’il entend mener et qui s’inspirera, on l’aura deviné, du "Progrès continu pour une société d’espérance", le programme quinquennal sur lequel son patron a été élu en novembre 2005.

Un choix, dit-il, "porteur d’espoir mais pétri d’exigences" :
- exigence de respect des engagements pris et de la parole donnée ;
- exigence d’efficacité dans l’action qui se doit d’être "progressive, visible, maîtrisée et inscrite dans la durée" ;
- exigence de dialogue et de disponibilité ;
- exigence de changement.

Selon Tertius, qui dit appréhender sa nouvelle fonction avec un sens élevé du devoir, beaucoup d’honnêteté mais aussi avec enthousiasme et sérénité, le choix des membres du gouvernement, qu’ils soient anciens ou nouveaux, découle de ces exigences et l’axe centrale de l’action gouvernementale sera "d’une part le renforcement de la durabilité et de la qualité de la croissance économique, d’autre part la réalisation de réponses pertinentes et visibles aux demandes sociales des Burkinabè".

Apporter des réponses aux questions sociales pressantes

Il s’agira en fait, si la profession de foi de Tertius s’accomplit, de réaliser d’abord les performances économiques et sociales qui réduisent de manière significative l’incidence de la pauvreté, autrement dit une croissance plus équitable et plus solidaire, au lieu de ce développement solitaire qu’on observe dans ce pays ; ensuite d’apporter des réponses aux demandes sociales pressantes (sécurité, emploi, fraude, corruption, etc.).

Le nouveau chef du gouvernement n’a pas dit comment il comptait y parvenir de façon concrète. Il faudra donc pour cela, attendre le discours de politique général qu’il va prononcer dans quelques semaines devant l’Assemblée nationale mais déjà, le nouveau locataire de la Primature qui place son action sous le signe de la "rigueur, de l’audace et de la créativité" est convaincu que "l’Aube est à portée de main" et qu’"ensemble nous ferons de grandes choses".

Lors de la "rentrée des classes" de l’équipe Tertius, ce dernier avait, on se rappelle, promis revenir pendant la conférence de presse qu’il annonçait sur les tenants et aboutissants de la formation de son équipe.

C’est donc tout naturellement que les journalistes lui ont demandé quels étaient les critères pour nommer un ministre. On en retient que pour lui, il faut d’abord, pour ne pas mettre le charrue devant les bœufs, arrêtez les objectifs qu’on se fixe avant de rechercher les ressources humaines capables de les atteindre.

A cela s’ajoute, puisqu’il y a un majorité parlementaire qui s’est dégagée aux législatives du 6 mai 2007 et qu’elle doit soutenir le programme blaisiste, la "touche politique" des personnalités même s’il faut se départir de tout sectarisme et "être regardant sur les valeurs humaines et morales des personnalités".

Il reconnaît toutefois qu’ayant ôter été du pays ces cinq dernières années, il y a beaucoup de nouvelles têtes qu’ils ne connaît pas forcément ; ce qui a pu prolonger, en plus de l’agenda présidentiel chargé la semaine dernière, les délais de constitution de son petit monde.

Il se défend cependant d’avoir un gouvernement pléthorique car "il y a tant de choses à faire" même s’il dit comprendre tous ceux qui parlent de pléthore. Quant à ceux qui espéraient un grand chamboulement parce que, peut-être, la tronche de tel ou tel ministre ne leur revient pas, le premier d’entre eux répond que "ce n’est pas parce qu’on est ancien qu’on n’est pas bon et les vieilles marmites peuvent continuer à faire de bonnes sauces". Traduction : on ne chasse pas un ministre pour la simple raison qu’il a trop duré au gouvernement.

Parmi les fléaux auquel Tertius 1er compte s’attaquer figure en bonne place la corruption qui, aux yeux de nombre de nos concitoyens, gangrène le tissu économique et social et donne une mauvaise image du Burkina.

Tertius, qui ne nie pas l’existence du phénomène même s’il trouve qu’on lui donne parfois des proportions démesurées promet de s’y atteler très rapidement car "la perception que les gens ont de quelque chose est importante et il faut faire en sorte qu’elle (la corruption Ndlr) ne devienne pas une banalité. Dans les jours à venir nous allons ouvrir des débats nourris sur la question...

On me prend pour un con

Il faut par compte rationaliser les structures de contrôle, travailler à la simplification des procédures dont la complication génère souvent la corruption.

Nous associerons tout le monde (société civile, partenaires au développement...) car nous devons préserver notre respectabilité sur la scène internationale".

Tout naturellement, la sulfureuse affaire de malversation portant sur plusieurs centaines de millions dont on avait accablé en 2002 l’ex Grand argentier du Burkina lors de sa sortie du gouvernement suivi de son départ pour Washington est revenu sur le tapis.

Le fait qu’on ressorte cette histoire ne constitue-t-il pas un handicap, au moins en terme d’image. Voici la réponse de l’incriminé : "Je n’ai aucun handicap de ce côté-là. Maintenant pour ce qui est de l’image, ce qui me fait mal, ce qui m’énerve, c’est que les gens insultent mon intelligence.

Comment peut-on croire un seul instant que je puisse faire ça et être assis ici encore ? Ça va pas ou quoi ? La plus grosse coupure de CFA, c’est 10 000 francs. 800 millions, vous les mettez dans quoi ? 1 millions c’est combien de billets d’abord ? Ça devait ressembler à quoi la valise avec laquelle j’aurais convoyé cette somme ? C’est un conteneur que j’ai trimbalé à l’aéroport ou quoi ?

Comment peut-on croire qu’on puisse prendre 800 millions, mettre dans une valise et arriver gaiement pour monter dans un avion ? Ces justiciers d’un autre temps, ça fait combien de temps qu’ils parlent de ça ? Si vraiment les gens sont honnêtes, pourquoi n’avoir rien fait depuis et attendre maintenant pour aller à l’aéroport et revenir dire qu’il n’y a pas de trace. Vous voulez quelles traces ?

L’aéroport, vous savez, ce n’est pas une gare routière où on arrive, on monte et on s’en va.

Je crois qu’on doit être serein. Vous savez moi je suis un croyant. Ce qui m’a vraiment touché, ce sont ces citoyens à qui on mis un morceau dans la bouche et qu’on abuse.

Et si je vous parle de ça, c’est à cause de ces gens et non de ceux qui écrivent car ils insultent eux-mêmes l’intelligence de leurs lecteurs.

Bien sûr, j’aurais préféré revenir sans qu’on ne me regarde bizarrement quand je passe mais je connais le milieu et quand je venais, je savais qu’ils allaient faire ça. Mais ils perdent leur temps car je suis venu pour travailler et encore une fois on me prend pour un con, qui va trimbaler 800 millions dans une sacoche comme un vulgaire colporteur...".

Actuellement, c’est moi et pas quelqu’un d’autre

A l’évidence Tertius, qui a multiplié les coups de gueule et les formules chocs arrachant quelquefois l’hilarité générale, en avait gros sur le cœur et il n’a pas hésité à vider son sac. Et ne lui demandez pas s’il se considère comme un "PM de transition" ou "par défaut" dans la mesure où de nombreux autres noms comme ceux de Zéphirin Diabré, Seydou Bouda, Benoît Ouattara, Damo Justin Barro avaient circulé. Il vous répliquera avec un détachement non feint : "Même si je suis Premier ministre 3 jours, ce n’est pas mon problème.

L’essentiel est de faire mon travail consciencieusement et de savoir que je ne suis pas le seul à pouvoir faire ce boulot. Je suis toujours là pour un temps. Donc transition ou pas, je donnerai tout mon potentiel. Dans ma tête, je travaille comme je vais rester des années mais en même temps comme si c’était demain la fin...

Premier ministre par défaut ? Mois je ne crois jamais au défaut. Je m’excuse de revenir sur mes croyances religieuses (il est protestant Ndlr) mais c’est Dieu seul qui élève les gens, ce n’est pas un homme même s’il utilise des hommes pour le faire. Moi je n’étais dans aucune course, on n’a pas fait un concours, on n’a pas lutté et j’ai terrassé ceux qu’on citait.

Je pense que Dieu a peut-être d’autres desseins et d’autres moments pour eux. Le moment maintenant là, c’est moi, ce n’est pas quelqu’un d’autre. Moi je dis merci au président du Faso mais derrière lui, je vois quelqu’un de plus que lui et qui l’a inspiré pour qu’il me nomme.

Et puis, vous savez, tous ceux qu’on citait là, ce sont mes amis et je vais les utiliser comme c’est pas permis parce qu’ils ont des compétences, une intelligence que je vais exploiter".

"Je n’ai pas le tempérament d’un prisonnier"

Dans le monde actuel, se convainc le conférencier d’hier matin, vous ne pouvez rien faire de grand si vous n’avez pas de réseaux intérieurs et extérieurs et lui qui n’a pas "le tempérament d’un prisonnier" ne compte pas s’enfermer dans sa tour d’ivoire, quitte à ce qu’on le suspecte de ceci ou de cela si on le voit avec telle ou telle personne.

Pour le reste, le chef du gouvernement frais émoulu entend renforcer le dialogue social en impliquant les partenaires sociaux dans le processus de décision et veut instaurer dans son équipe ce qu’il appelle "la culture du résultat" par des évaluations périodiques qui seront, promet-il, rendues publiques. On attend de voir ça !

En attendant donc de rédiger la feuille de route qu’il présentera à la représentation nationale, Tertius Zongo, beau parleur devant l’Eternel qui s’est exprimé à grand renfort de références bibliques, a ainsi tracé devant les journalistes les grands sillons de son action future qui ne manque pas d’ambitions mais comme tout Premier ministre, par delà le catalogue de bonnes intentions, c’est au résultat qu’on le jugera. Pour autant la venue dont il faut montre ne sera pas de trop pour mener sa banque à bon port.

Ousséni Ilboudo

L’Observateur

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