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Tertius Zongo : faire franchir une nouvelle étape économique et social au Burkina Faso (2/2)

Publié le lundi 11 juin 2007 à 04h59min

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Tertius Zongo et George Bush

Le 15 novembre 1998, Blaise Compaoré est réélu président du Faso. Le 13 décembre 1998, Norbert Zongo, propriétaire de l’hebdomadaire L’Indépendant et président de la Société des éditeurs de presse privée (SEP), meurt dans des circonstances "étranges". Le 21 décembre 1998, Compaoré prête serment devant la Cour suprême qui a fait le déplacement jusqu’à la Maison du peuple. C’est Tertius Zongo qui est le porte-parole du gouvernement.

Sur ce qui devient rapidement "l’affaire Zongo", la communication "officielle" sera loin d’être performante. Norbert Zongo est l’arbre qui cache la forêt et à peine plus d’une décennie après le passage douloureux de la "révolution " à la "rectification " personne n’a envie d’aller faire un tour dans le bois sacré du pays mossi. Aujourd’hui, près de dix ans plus tard, "l’affaire Norbert Zongo" demeure - à tort ou à raison - comme un marque page de l’histoire du pays.

Ce n’est que le 7 novembre 2000 que Paramanga Ernest Yonli prendra la suite de Kadré Désiré Yaméogo comme Premier ministre. Ce n’était pas, non plus, une tête d’affiche de la vie politique mais il n’était pas, pour autant, étranger au corpus burkinabé. Le portefeuille de l’Economie et des Finances va changer de mains, "L’affaire-Zongo " oblige à l’ouverture. Le départ de Tertius Zongo va susciter bien des rumeurs, politiques et financières. "Ceux qui ont [distillé ces rumeurs} tournent autour de moi, ils me parlent comme s’ils n’avaient rien fait. Ce sont eux qui se ridiculisent. Mais, franchement, si ces rumeurs malveillantes ont pu procurer du bonheur à certains qui étaient contents que Tertius ait des problèmes, c ’est très bien ", affirme Zongo, aujourd’hui, à Fasozine. Il ajoute : "Quand vous êtes croyant, on dit que c’est Dieu qui rémunère. Je n’ai aucun compte à régler avec personne. Ceux qui font du mal aux autres vont trouver sur la voie Celui qui règle les comptes pour ceux qui sont injustement accusés ". Le temps passera. Que Tertius Zongo mettra à profit pour voyager.

Le 14 février 2002, Compaoré va en faire son ambassadeur à Washington. "L’homme qu’il faut, à la place qu’il faut". A Washington, les Bush-Men sont au pouvoir. Avec des objectifs particuliers en ce qui concerne l’Afrique, plus encore quand Zongo débarque dans la capitale américaine, cinq mois seulement après le "11 septembre". Le Burkina Faso n’a pas, alors, de l’autre côté de l’Atlantique, une image en adéquation avec les nouvelles préoccupations de l’administration US. Il y a "l’affaire Zongo ", bien sûr - la mort violente (très violente même) et non "élucidée" d’un journaliste pèse toujours lourdement dans les relations avec un pays "occidental" - mais aussi les connexions (passées) de Ouaga avec Charles Taylor et Jonas Savimbi.

Si, l’un et l’autre, ont été dans les "petits papiers" des Américains, ce n’est plus le cas. Zongo va évoquer une mauvaise "perception" (il précise : "C’est-à-dire une idée que le commun des mortels se forge sur la base de ce qu’il a entendu, que ce soit vrai ou faux") du Burkina Faso par les Américains qu’il s’efforcera "d’effacer" par un "effort d’explication" ; dont il pense qu’il doit être une action collective. "Une nation ne peut être forte, déclarera-t-il à Cyriaque Paré, le promoteur du site Le faso.net, le 19 juin 2004, que s’il y a synergie entre les gouvernants et le peuple et guidée non pas par des intérêts personnels ou du moment, mais par l’amour pour la patrie".

"L’homme qu’il faut, à la place qu’il faut" parce que Zongo a, aussi, des connexions avec les milieux évangélistes internationaux. Aux Etats-Unis, précisera-t-il à Cyriaque Paré, "la religion est aux portes du pouvoir et y exerce une influence certaine. Il y a plusieurs cercles où des petits-déjeuners hebdomadaires sont organisés pour "fraterniser dans le nom de Jésus-Christ". Dans ces cercles, vous retrouvez des hauts dignitaires. Etant vos "frères et soeurs en Christ", ils peuvent vous ouvrir certaines portes plus facilement que votre titre d’ambassadeur ne peut le faire".

Mais ce n’est pas tout. En 2002, Compaoré s’efforce de renouer avec Washington, capitale des Etats-Unis (Youssouf Ouédraogo, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, aura des entretiens de haut niveau en 2004 avec les Bush-Men, ce qui n’était pas arrivé depuis le temps de la "révolution" !), mais également avec Washington, siège des institutions de Bretton Woods. Ayant été ministre de l’Economie et des Finances pendant de longues années, Zongo y a, dit-il, "quelques connaissances utiles". C’est lui qui, en juin 2000, a présenté aux bailleurs de fonds le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) qui sera approuvé les 30 juin et 10 juillet 2000 par les conseils d’administration de la Banque mondiale et du FMI.

Les efforts de Zongo (et du Burkina Faso) vont payer. Ouaga va être retenu pour le Millenium Challenge Account et lAfrican Growth Opportunity Act (AGOA). "C’est la reconnaissance, précise-t-il à Fasozine, du bon travail qui est entrepris au Burkina, tant sur le plan politique qu’économique. C’est un travail de remise en cause de soi-même, que les Américains ont ainsi voulu récompenser". Il ajoute : "En regardant les choses avec franchise, reconnaissons qu’une mutation profonde s’est opérée sur le plan politique, ce qui a permis de mettre en lumière les résultats économiques que nous avons engrangés ". Dans les acquis de la coopération entre Washington et Ouaga, il faut prendre en compte, également, la coopération militaire qui en est un volet non négligeable, notamment en matière de formation.

Le poste de Premier ministre avait été supprimé, en Haute-Volta, en 1980. Compaoré l’a réinstauré en 1992. Son premier titulaire a été Youssouf Ouédraogo (ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale dans le dernier gouvernement Yonli), un politique. De 1994 à 1996, c’est Marc-Christian Roch Kaboré (qui vient de rempiler à la présidence de l’Assemblée nationale), un politique également, qui a occupé la primature. Les successeurs seront plus "techniciens" que "politiques" : Kadré Désiré Ouédraogo (1996-2000) est aujourd’hui ambassadeur à Bruxelles et nul ne sait encore quel sera le point de chute de Paramanga Ernest Yonli (2000-2007) qui a établi un record de longévité en tant que Premier ministre qu’il sera bien difficile de battre !

Zongo est, lui aussi, plus un "technicien" qu’un "politique" ; mais, à la différence de tous ceux qui ont occupé la primature avant lui, il possède une expérience internationale qu’ils n’avaient pas. Plus encore aux Etats-Unis. De ce séjour américain, Zongo va ramener une vision différente des choses de la vie. Dans le journal burkinabé L’Opinion (13-19 octobre 2004), il disait de l’Amérique : "Ici, le travail se fait avec enthousiasme, la plus grande technicité, et avec dévouement. Ces valeurs font que l’homme devient un outil essentiel de production de richesses ". Cet homme qui se veut "pragmatique ", entendra donc "éveiller les consciences " et "intégrer " la "notion de patriotisme dans le vécu quotidien" des Burkinabé. Des Burkinabé, il dit justement : "Quelquefois nous avons raison avant les faits de sorte que nous sommes souvent en porte-à-faux avec les autres pendant ces périodes ; ensuite, il y a notre abnégation puisque convaincus de la justesse de nos vues nous leur restons fidèles et le président ne manque pas de les défendre partout où cela est nécessaire ; et, enfin, il y a naturellement notre culture, qui recommande un peu trop la modestie et qui fait que nous n’aimons pas nous mettre en valeur"(L’Opinion).

Dans le contexte qui est celui du Burkina Faso, on peut penser, qu’effectivement, Tertius Zongo est "l’homme qu’il faut, à la place qu’il faut". A lui de prouver que ce point de vue présidentiel est le bon. Aujourd’hui comme hier. A Ouaga comme à Washington. A la tête d’une ambassade comme à celle d’un gouvernement.

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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