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Le Burkina Faso de Blaise Compaoré se prépare à passer à une nouvelle étape de son développement économique et social (5/5)

Publié le vendredi 8 juin 2007 à 08h12min

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Blaise Compaoré

Les économistes savent que c’est, souvent, à la marge, que tout se joue. Depuis vingt ans, Blaise Compaoré et ses chefs de gouvernement successifs - en ce domaine, Compaoré joue la stabilité : Youssouf Ouédraogo de 1992 à 1994 (il a été le premier Premier ministre du Burkina Faso, la fonction ayant été supprimée, en 1980, au temps de la Haute-Volta) ; Marc-Christian Roch Kaboré de 1994 à 1996, Kadré Désiré Ouédraogo de 1996 à 2000 et, depuis, Paramanga Ernest Yonli - en font l’expérience au quotidien.

Vingt ans ! Imagine-t-on ce que serait, aujourd’hui, le Burkina Faso si le pays avait sombré dans la loi (que l’on veut démocratique) de l’alternance ? Un long chemin a été parcouru depuis 1987, pas à pas, en tentant d’éviter les faux... pas et les chausse-trappes. Cela a été, parfois, une marche forcée mais, jamais, les Burkinabè n’ont donné l’impression de tourner en rond. Certes, il y a eu, en quelques occasions, de l’emballement dans un sens ou dans l’autre. Mais, ici, hormis les coups de sang politiques qui ont marqué l’Histoire de ce pays, on sait agir avec autant de pragmatisme que de modération.

Il y a tout juste deux ans, Paramanga Ernest Yonli insistait que son objectif était de "consolider la démocratie en donnant les pleines possibilités à chaque institution démocratique de fonctionner normalement" (cf. LDD Burkina Faso 055 à 057/Mardi 24 à Jeudi 26 mai 2005). Il ajoutait : "Ce que j’aimerais le plus, en tant que Premier ministre, c’est de transformer de façon radicale l’administration publique burkinabé. Non pas que nous ayons à en rougir ; elle est une des meilleures dans la sous-région et même en Afrique. Mais ayant été ministre de la Fonction publique, chargé de la réforme des institutions, j’ai l’impression qu’il y a un hiatus entre ce qu’elle est et ce qu’est devenu le Burkina Faso. Cette administration peut mieux faire ; elle a des potentialités qu’elle n’exprime pas encore totalement. Je souhaite donc qu’on trouve les moyens et les modalités pratiques, les astuces même, pour qu’elle s’élève au niveau des ambitions qui sont celles de notre pays, qu’il s’agisse du niveau de développement de notre économie ou du niveau de stabilité institutionnelle et politique ".

L’ambition, le "peut mieux faire", la volonté d’aller plus vite, plus loin, le refus de se contenter des acquis actuels, etc. tout cela est désormais une constante dans le discours des Burkinabè. Pas seulement des responsables politiques ou des opérateurs économiques. Mais les Burkinabè, partout, m’ont tenu le même langage : "Nous avons fait beaucoup ; nous aurions pu faire plus encore".

Hier, jeudi 10 mai 2007, comme à chacun de mes séjours au Burkina Faso, Blaise Compaoré m’a reçu longuement en tête-à-tête. En plus de deux heures de discussion (dans l’ancien palais présidentiel, le nouveau, à Ouaga 2000, n’est pas encore totalement opérationnel pour ce qui est des "espaces" présidentiels), nous avons pu faire un tour d’horizon complet de la sous-région et du Burkina Faso mais aussi des relations franco-africaines (sujet qui s’imposait quelques jours après la présidentielle !). Les négociateurs ivoiriens d’une part, togolais d’autre part, séjournaient également dans la capitale burkinabé. C’est dire que Ouaga est, par excellence, le hub diplomatique régional. On ne peut que s’en réjouir. Il est vrai que le patron du Burkina Faso est aussi le patron de la Cédéao, ce qui ajoute encore à l’impact de son action.

Nous avons évoqué, longuement, les modes de production de la présidence du Faso pour ce qui est des médiations. Et tout aussi longuement le bilan des vingt années passées. Compaoré a une vision totalement étatique de sa fonction présidentielle, bien loin des pratiques qui ont cours partout ailleurs en Afrique noire (tout particulièrement francophone). Et ce n’est pas le fait du hasard : son pays savait déjà ce qu’était un Etat aux temps anciens des royaumes Mossi alors que la Côte d’Ivoire (pour ne prendre que cet exemple) n’était encore qu’une forêt inhospitalière. Blaise Compaoré est président du Faso ; pas un quelconque chef d’Etat qui se comporterait en chef de bande. Ici, le Premier ministre n’est pas un fusible politique. Il est le chef d’un gouvernement au sein duquel les ministres sont non seulement des acteurs politiques mais, également, des animateurs de leurs administrations. Les administrations, quant à elles, sont structurées, organisées et, surtout, au travail.

Compaoré est parfaitement conscient de ce qui fait la force et la réussite du Burkina Faso : une administration où chacun fait ce qu’il doit faire ! Et où les responsables nommés assument leurs responsabilités en toute autonomie de fonctionnement sans avoir besoin d’en référer, à chaque instant, au chef suprême.

L’administration n’est pas tout (et il faut rappeler que l’administration ne se développe pas et ne se réforme pas toute seule : si la fonction publique burkinabé est aujourd’hui performante c’est sans doute en partie grâce à l’organisation de la première Conférence de l’administration publique en septembre-octobre 1993 alors que Youssouf Ouédraogo était Premier ministre et Juliette Bonkoungou - qui serait premier ministrable, dit-on - ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l’administration). Compaoré n’a pas manqué de me rappeler qu’au Burkina Faso, il y avait des entreprises capables de construire des logements, des routes, des échangeurs, des ponts, etc. "Ce n’est pas le cas partout ailleurs dans la sous-région ", me dit-il.

Quand Compaoré passera, dans quelques mois, le cap de ses vingt années de pouvoir (15 octobre 1987), je passerai le cap de mes quarante années consacrées à l’Afrique (15 octobre 1967). J’ai pu suivre ainsi, sur le terrain, le "processus engagé depuis le 15 octobre 1987". Processus dont Compaoré me disait alors qu’il "vise une démocratisation très large de notre société et la transparence dans la composition des appareils de direction de l’Etat". Dans aucun autre pays, il ne m’a été donné d’assister à un tel "processus" de construction (ou de reconstruction) de l’Etat, de l’administration, des services publics et des entreprises publiques. On me rétorquera que c’est le résultat de la durée. Ce n’est que partiellement vrai.

Abdou Diouf a été au pouvoir au Sénégal de 1981 à 2000 ; Omar Bongo Ondimba l’est au Gabon depuis 1967 ; Paul Biya l’est au Cameroun depuis 1982, etc. Ils n’ont pas construit ce que Compaoré et les Burkinabé ont construit en vingt ans. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : construire un pays, une nation, un Etat. Pas seulement faire (plus ou moins bien) "tourner la machine" sous la conduite d’un "chef aussi charismatique soit-il !

Quand je relis ce que les responsables politiques et les opérateurs burkinabé m’ont déclaré depuis vingt ans, j’y trouve une cohérence, une volonté, une détermination, un sens de l’anticipation que je n’ai pas trouvé ailleurs où l’on vit, au mieux, au jour le jour. Au Burkina Faso, on "rectifie" parfois les erreurs du passé, mais on sait, surtout, que si on veut que la maison tienne debout, il lui faut des fondations solides. "Nous ne pouvons pas développer notre pays sans mettre en place une infrastructure de base", me disait Compaoré lors d’un de nos premiers entretiens en 1989. Il ajoutait : "Le Burkina, malgré ses efforts, ne pourra se développer que s’il s’engage, avec les autres Etats de la sous-région, dans une politique commune de développement. C’est un impératif".

Le problème, c’est que les autres Etats sont loin d’avoir atteint le niveau d’organisation étatique et administratif du Burkina Faso. Compaoré s’en inquiète. C’est pour cela, aussi, qu’il s’adonne chaque fois qu’il le faut et qu’il le peut au rôle de facilitateur dans la résolution des crises sous-régionales. C’est, là aussi, "un impératif. Pour le Burkina Faso et pour l’Afrique de l’Ouest. Et, aussi, pour des relations constructives entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union européenne et tout particulièrement la France.

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

P.-S.

Lire aussi :
- [Le Burkina Faso de Blaise Compaoré se prépare à passer à une nouvelle étape de son développement économique et social (4/5)
- Burkina Faso : chronique des années Compaoré

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